Algérie

Islam et modernité



Islam et modernité
L'islam et la modernité sont-ils inconciliables ' «Ce débat est évoqué depuis au moins 200 ans. Et si la question se pose aujourd'hui plus que jamais, c'est révélateur d'une profonde crise», entame le professeur Noureddine Djebab, modérateur d'une table ronde autour de l'islam organisée, hier, en marge du SILA.Le professeur Abdelmadjid Charfi, spécialiste tunisien de la civilisation et de la pensée islamiques, tempère toutefois : «De nombreux questionnements sont sujets à débat depuis des siècles, et le concept même de modernité et de civilisation n'y échappe pas.» «Cette civilisation, que l'on appelle ??moderne'', et que l'on nomme ??occidentale'', est bâtie et centrée autour de l'humain, de l'individu.Toutefois, il est aujourd'hui dépassé et faux d'appeler cela la civilisation occidentale, car elle est devenue, par la force des choses, notre civilisation à nous tous, quels que soient les cultures et les emplacements géographiques», ajoute-t-il. Cet âge «moderne», dit-il, a induit une recherche du mieux, du nouveau, de l'inédit, tandis que les civilisations précédentes se sont construites sur le principe de la perpétuation de la tradition.Ce qui a fait naître de nouvelles situations, ainsi que des problèmes inhérents à cette modernité. «Précédemment, l'être humain naissait et mourrait sans remettre en cause sa condition, en étant satisfait de sa situation», explique le Pr Charfi. «Ce qui a aussi créé une tension et des angoisses existentielles chez l'humain, ce qui peut créer de la violence, ainsi qu'une sorte de schizophrénie», poursuit le Pr Charfi.Et ces idéaux auxquels aspirent aujourd'hui les humains ne sont éloignés en rien des préceptes de l'islam, et, loin de la théorie, les textes sacrés eux-mêmes regorgent de ces concepts. «Mais la problématique se joue à l'un des trois différents paliers qui constituent la religion», souligne-t-il. Le premier est l'islam en lui-même, les textes sacrés fondamentaux, tandis que le troisième palier est celui de l'individu, de sa relation avec la religion et de sa façon personnelle de la pratiquer, qui varie d'une personne à une autre et qui dépend de plusieurs facteurs. Le deuxième est l'interprétation des textes à travers l'histoire et l'application de ce qui y est stipulé.Les interprétations de l'islam antinomiques avec la modernité«Les interprétations diffèrent et s'opposent même. Et c'est ce niveau qui est concerné par le débat islam-modernité, car nous ne parlons pas de l'islam, mais de la façon dont il est pratiqué», indique le Pr Charfi. «Et ces interprétations sont naturellement antinomiques avec la modernité, car ces préceptes sont nés dans le cadre d'une autre civilisation, d'autres m?urs. Pour aller au-delà de ces interprétations, un retour au premier palier, les textes fondamentaux, est essentiel. Une contextualisation des textes et un travail de réflexion deviennent impératif, si le monde musulman veut sortir de cette impasse», conclut le Pr Charfi.Car depuis 14 siècles, les sociétés se basent sur une ?uvre humaine dans les pratiques quotidiennes et rituelles de l'islam, qui ne sont que l'interprétation de textes divins. «J'accuse les exégètes qui ont retardé l'évolution de la nation et du monde, car ils ont dévié l'islam de son courant naturel, pour en faire une ?uvre de politique et de pouvoir», clame, quant à lui, le professeur Saïd Jab El Kheir. «Ils ont fermé la porte de l'exégèse dès les débuts de l'islam, et depuis on tourne en rond», ajoute-t-il.«De même, les nations arabes n'ont pas ?uvré à le développer, mais à instrumentaliser le discours religieux à des fins politiques, et ce, afin de combler les lacunes et les manques idéologiques», poursuit-il. «Il ne faut pas confondre ce qui a été décrété à une époque, et ce, uniquement pour servir des intérêts et des objectifs liés à cette époque seulement, et qui sont aujourd'hui obsolètes», souligne quant à lui le professeur mauritanien Mohamed El Bachir El Mehdi. Et, selon lui, le plus dangereux est de vider la religion de sa substance humaine et spirituelle, en en faisant un instrument politique. «Toutefois, la modernité n'est pas un dogme, et si ça le devenait, cela signifierait sa fin. Et le libéralisme sauvage est aussi dangereux que l'extrémisme et le terrorisme», insiste-t-il.




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