Algérie

Islam et Libération de l'Algérie : Solidarité Islamique !



Abdelkader SAHRAOUI :
Chapitre VI : Le combat anticolonialiste et la solidarité islamique I
Certains intellectuels dans l'Algérie d'aujourd'hui vont encore plus loin dans la dénaturation de la motivation islamique : « C'est, en fait, une conscience mythique qui plie la révolution à une Histoire à jamais révolue. L'action politique se borne alors à faire revivre un prétendu âge d'or par le retour aux sources intarissables de nos traditions. Celles-ci auraient assuré à nos ancêtres une gloire impérissable et sans partage. Une reconversion morale et psychologique régressive tiendrait ainsi lieu de thérapeutique à notre société sous-développée » (Mazouni Abdellah, Culture et enseignement en Algérie et au Maghreb, Paris, François Maspero, 1969).
Pour eux, « il s'agit de se donner des armes idéologiques adéquates au combat à mener dans le présent et le proche avenir et d'incorporer à leur personnalité nationale la dimension socialiste sous tous ses aspects, et moderniste quelle qu'en soit la provenance » (Mazouni, op cit.).
En vérité, la solidarité islamique, considérée comme moyen d'accès par excellence à la libération et, par là, au progrès dans tous les domaines, était un facteur sur lequel les combattants algériens comptaient tout naturellement, même si dans la pratique politique, au niveau des sphères décisionnelles, cette solidarité devait connaître des difficultés (cf. par exemple, les concessions de Bourguiba vis-à-vis de la France, les différends concernant les tracés des frontières entre les trois pays maghrébins, les tensions Nasser-Bourguiba).
Sur le plan de la Umma musulmane tout entière, le combat de l'Algérie pour sa libération soulevait la nécessité de proclamer le djihad. (« Le Congrès islamique appelle à la guerre contre la France », Le Monde du 3 juillet, 1956 « (?) les résolutions déclarent qu'il faut : ?Mettre la question de l'Algérie au premier plan des préoccupations du monde islamique, inviter le Maroc et la Tunisie à reprendre la lutte contre l'impérialisme français jusqu'à la cessation de la guerre algérienne et la reconnaissance des droits algériens à l'indépendance, envoyer des délégations dans divers pays pour intéresser l'opinion publique mondiale à la question algérienne, protester vivement contre la résolution prise par le Conseil de sécurité refusant d'inscrire cette question à son ordre du jour et dénoncer la position prise par les puissances de l'OTAN autorisant l'utilisation de leurs armes en Algérie, décider le boycottage populaire et officiel de la France dans le domaine économique, culturel et politique ».
Et c'est dans le contexte de cette solidarité islamique qu'il faut comprendre les appels à l'unité du Maghreb et à l'unité du Monde arabe (El Moudjahid n° 25, « Le Maghreb à l'épreuve » : « Le Maghreb doit s'affirmer dans les heures décisives que nous vivons. Et l'affirmer c'est faire de chaque Maghrébin un combattant farouche et indomptable, c'est transformer chaque Tunisien, chaque Algérien et chaque Marocain, en moudjahid pénétré au plus profond de lui-même de l'esprit du djihad avec tout ce qu'il implique »).
Il est essentiel d'insister que l'unité maghrébine et l'unité arabe découlent de l'unité islamique pour clarifier la confusion autour du concept d'arabisme, confusion à laquelle l'Algérie indépendante et guidée par une vision laïque des « options socialistes » a elle-même succombé, puisque désormais l'arabisme est promu comme culture et histoire et l'arabo-islamisme signifie uniquement une restauration linguistique et culturelle, l'islam, véhiculé par l'arabe, est la source des valeurs spirituelles et morales qui informent la « personnalité authentique algérienne » (Taleb Ibrahimi Ahmed, De la décolonisation à la révolution culturelle).
Pour démêler cette confusion qui enveloppe la notion d'arabisme, et sans faire pour autant un historique détaillé des diverses composantes de cette idée-force, il suffit de considérer le rôle exercé par la Ligue arabe dans le déroulement de la guerre de libération algérienne.
Les circonstances qui présidèrent à la création de la Ligue ne jouèrent pas une part négligeable dans l'adoption par celle-ci d'une définition hybride (cf. la définition du Syrien Sâti al-Husri, le principal théoricien de l'arabisme : « Quiconque se rattache aux pays arabes et parle la langue arabe est un Arabe, quel que soit le nom de l'Etat dont il est officiellement un ressortissant et un citoyen, quelle que soit la religion qu'il professe, quelle que soit la doctrine à laquelle il appartient, quelles que soient son origine, sa filiation, l'histoire de sa famille? C'est un Arabe? L'arabisme n'est pas circonscrit aux habitants de la péninsule arabique, pas plus qu'il n'est spécifique des seuls musulmans » (in Abdelmalek anouar, la pensée politique arabe contemporaine), de l'Arabe comme toute personne qui habite en pays arabe, parle l'arabe et partage la culture et les aspirations arabes.
La Ligue qui rassemblait, au départ, la Syrie, la Transjordanie, l'Iraq, l'Arabie Saoudite, le Liban, l'Egypte et le Yémen, ne tarda pas à connaître de multiples dissensions (régimes hashimites contre non hashimites, régimes du statu quo contre régimes progressistes?). Le seul domaine d'action efficace et unanime s'avéra être le combat pour la libération de l'Afrique du Nord.
Plein d'espoir que ses aspirations à l'indépendance trouveront un soutien dans les efforts politiques de Ligue, le PPA se joint, en janvier 1948, aux autres partis nationalistes tunisiens et marocains pour signer le manifeste de l'Emir Abdelkrim, proclamant la création au Caire d'un Comité de libération du Maghreb arabe. Le Comité stipule que « le Maghreb araba doit son existence à l'islam. Il a vécu par l'islam. Et c'est selon l'islam qu'il continuera à se diriger au cours de son avenir ». L'objectif d'une union fonctionnelle au sein d'une association comme la Ligue arabe est vue comme une réaction temporaire de défense devant l'agression colonialiste, temporaire parce que les musulmans unis par un destin commun ne se servent d'un nationalisme de type européen que pour accéder à l'ordre internationaliste islamique qui doit constituer le prochain pas.
Mais, les démarches de Khider, Aït Ahmed, et, dès 1950, de Ben Bella nonobstant, la Ligue arabe n'est disposée à accorder une aide matérielle à l'Algérie qu'à partir du moment où celle-ci a déclenché la lutte armée.
En attendant, les décisions du Comité politique de la Ligue se bornent à recommander la discussion de la question algérienne au sein du Comité des Droits de l'Homme de l'ONU (Résolution 523 du 9 avril 1953).
Pourtant, le 1er novembre 1954, la radio-diffusion par « la Voix des Arabes » de la nouvelle de l'insurrection armée en Algérie, sert à accréditer en France la thèse que le FLN est, en réalité, téléguidé par Nasser et la Ligue arabe, d'où certains retirent l'absurde conclusion que la Révolution aboutira au communisme.(« Nous sommes en présence en Algérie d'une entreprise agressive de panarabisme à direction égyptienne » déclare au Monde Jacques Soustelle, Le Monde du 3 mars 1956. Et Soustelle de conclure : « Cette attitude des rebelles mènerait l'Algérie à l'anarchie, et sans doute au communisme (?) »).
A la différence de Khider et d'Aït Ahmed, Ben Bella avait noué un excellent rapport de sympathie personnelle avec Nasser, pour qui l'arabisme, islamisme et africanisme étaient trois cercles qui se regroupent (cf. La philosophie de la révolution). Mais les premières années de la guerre de libération algérienne correspondent pour l'Egypte et Nasser, à une période d'acrobatie dans les relations avec l'Occident. Aussi, les livraisons d'armes (jusqu'à l'épisode de « l'Athos ») se matérialisent-elles bien en deçà des attentes algériennes. Et la Ligue arabe elle-même ne se décidera à allouer un budget annuel (£12 millions) au combat algérien qu'à la fin 1958 (Résolution 1539 du 18 oct 1958).
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Abdelkader SAHRAOUI : Islam et Libération de l'Algérie


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