Algérie

ISLAM ET IMMIGRATION



ISLAM ET IMMIGRATION
Islam et immigration, de Abdelkader Benarab

Publié par: Samy Abtrounle: 25 avril, 2013 Dans:





L’essayiste algérien Abdelkader Benarab, par ailleurs poète et romancier, a publié plusieurs ouvrages sur la culture et la littérature du Maghreb et d’Afrique. Il a également collaboré au livre référence Maghrébins de France(1). C’est donc en bon connaisseur de la « chose immigrée » qu’il vient analyser la vie en France de cette population de l’autre rive. Islam et immigration(2) reprend ses contributions publiées entre 1991 et 2012, dans des revues et journaux ou lors de colloques et conférences. Il est préfacé par le spécialiste des mondes arabe et musulman Paul Balta.



L’immigré débarque en France avec une histoire, composée d’une mémoire et d’une langue. Ce cordon ombilical lui est sèchement coupé lorsqu’il passe la frontière. Il souffre alors de l’amputation de cette trace maternelle, au profit d’un modèle imposé. Il y a été transplanté, un peu comme un greffon… avec les risques de rejet que ce type d’intervention est réputé générer. D’où le fameux complexe du colonisé qui lui fait vivre son immigration en demi-teinte, en demi-identité. Tenu à l’écart de son passé, trempé avec un autre qui lui montre ses différences, le Maghrébin va naturellement aller chercher dans son cercle intime des références auxquelles s’accrocher : ses couleurs, son verbe, ses chants. « L’identité imposée devient meurtrière parce qu’elle est exclusive et excluante », écrit Abdelkader Benarab. A contrario, et reprenant l’écrivain Amin Maalouf : « Plus un immigré sentira sa culture d’origine respectée, plus il s’ouvrira à la culture du pays d’accueil. »



La guerre en Irak vient accentuer le malaise : elle oppose implicitement un Orient violent et sauvage à un Occident paisible et civilisé. L’Arabe est immédiatement assimilé – par tacite conduction – à l’immigré. Celui-ci apparaît alors comme le représentant inconditionnel d’un danger. Dans sa banlieue, il cristallise bientôt toutes les haines. Il est jeune (le vieux est croulant et donc inoffensif), se démultiplie, devient un élément gênant, menace l’économie, la société : une racaille qui a besoin d’être nettoyée au Karcher selon la formule consacrée – excusez du peu – par un président de la République ! En parfait bouc émissaire, ce jeune désœuvré encagoulé et méchant vient chauffer le discours d’un Front national xénophobe qui finit par trouver un certain écho dans les partis plus classiques, droite et gauche confondues. Le racisme ne fait plus peur et encore moins honte. Oubliés le manque de repères de cette population de la périphérie française, sa marginalisation, sa discrimination, son existence en pointillés.



Pour autant, l’islam, religion de paix, aurait pu atténuer la mauvaise perception de cette immigration très majoritairement musulmane. Mais voilà, les enjeux politiques d’un monde en mutation, qui instrumentalise les extrémismes, en ont décidé autrement. Ben Laden, Bush et consorts sont passés par là. La religion a été vilipendée, discréditée. Abdelkader Benarab pointe du doigt les immigrés eux-mêmes (la fange la plus extrémiste) qui en donnent une vision étriquée, souvent à l’opposé de ce qu’enseigne le Coran. Il dénonce également l’interprétation pipolisée qui en est faite par les médias français. Refusant toute confusion, il invite à (re)lire l’histoire de l’islam « qui a posé les fondements d’une pensée scientifique puisée dans le Coran » et à ne pas occulter « la part de création, de conception et d’intelligence » de la civilisation arabo-islamique.

Pour mieux rendre compte de cette crise d’identité – crise de temps et de lieu –, l’auteur fait une large place à la littérature de l’exil. Les écrivains émigrés de la première heure ou ceux de la génération beur produisent « un acte de recréation de soi dans l’isolement », pris entre une France des miroirs aux alouettes et un impossible retour au pays. Le constat est là, criant de vérité : en France, l’immigré n’est pas un autre soi-même, mais un autre tout court. À lui de trouver dans son histoire personnelle, jusqu’à l’enfance s’il le faut, des remèdes à son désenchantement.







(1) Maghrébins de France de 1960 à nos jours : la naissance d’une communauté, sous la direction de Mohand Khellil, Éd. Privat, 170 p., 23 euros.



(2) Islam et immigration, Abdelkader Benarab, Éd. L’Harmattan, 114 pages, 12,50 euros.


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