Algérie

Islam et Démocratie


Du point de vue de l?anthropologie politique, l?Islam peut être observé comme une révolution. De fait, il est apparu pour mettre fin à une époque où les rivalités tribales transformaient la société en une arène de combat où l?emportait la morale de l?intérêt sur l?éthique de la justice. Ainsi, selon l?historiographie musulmane, La Mecque était gouvernée par une oligarchie de marchands, ce qui atteste d?évidence le caractère mercantile des schèmes mentaux d?alors tournés vers le lucre. La péninsule arabique vivait dans un état barbare ou naturel, pour reprendre le mot d?Ibn Khaldoun; dans ce contexte, l?avènement de l?Etat repose sur la force et l?esprit de clan (la Açabya). Ainsi, pour Abdallah Laroui («Islam et modernité»), l?idée essentielle d?Ibn Khaldoun, c?est que les entités politiques qui se sont succédé en terre d?Islam - de l?Inde jusqu?à l?Andalousie - contiennent, à des degrés divers, trois éléments: le pouvoir naturel, brut; la politique rationnelle créatrice d?ordre et de justice; le califat, c?est-à-dire l?héritage d?une partie de l?inspiration prophétique. Or, selon la logique de l?analyse khaldounienne, l?idéal éthique islamique exige un miracle comparable ayant eu lieu durant la vie du Prophète et qui a préfiguré la cité idéale, objet de toutes les sollicitudes des musulmans jusqu?à ce jour, car à cette utopie succéda une autocratie coupable de tous les maux à leurs yeux. En réalité, les conflits dominent l?histoire islamique, la grande discorde (el-fitna el-kobra) en est la plus tristement célèbre. Le pouvoir fut au centre des préoccupations des tribus intéressées par ces conflits, délaissant le champ de la pensée, notamment en matière de droit public pouvant servir de fondement à une théorie politique (voire à une théorie générale du pouvoir). Une pensée politique d?où auraient été expurgées l?arrogance du verbiage et la violence physique comme préalable sine qua non en vue d?une renaissance culturelle reposant sur une volonté politique réelle d?émancipation moderne de la cité. De façon concrète, le régime politique et le système économique doivent répondre aux besoins des citoyens électeurs.Dans cette perspective, dans «L?Islam politique», Mohamed Saïd El-Achmaoui pense que le gouvernement islamique est une revendication due aux causes suivantes: «l?histoire du colonialisme, la fondation du Pakistan, la création de l?Etat d?Israël, les régimes militaires et semi-militaires, la corruption, le déclin de l?Occident, la richesse pétrolière, les frustrations dues à la technologie, le désordre croissant du système international, la morale sexuelle, l?instauration de l?imamat en Iran».Dans l?historiographie musulmane, le califat fut le mode de gouvernement adopté: à l?Imam le leadership religieux et politique. Au regard du fiqh, le Coran et la Sunna laissent le libre choix aux musulmans du système politique au sens d?organisation sociale. La fascination pour la gloire du passé ne doit pas déboucher sur une sublimation de la cité idéale, tant il est vrai que, à titre d?exemple, l?Histoire nous révèle que les musulmans d?Espagne andalouse ne dédaignaient pas les plaisirs de ce bas-monde. Etait-ce là un comportement immoral au regard de l?éthique islamique au sens du Coran et de la Sunna? Aussi, plutôt que de s?aliéner aux aspects formels de l?Islam, il serait sans doute profitable de se référer à El-Ijtihad (l?effort intellectuel) appliqué au politique, en faisant appel à El-Aql (la raison) et El-Qyas (la logique). Le Coran ne dit-il pas: «Dieu ne modifie rien en un pays avant que celui-ci ne change ce qui est en lui» (XIII, 11). Ainsi, si le pouvoir religieux émane de Dieu, le pouvoir politique relève de la volonté de l?homme dans sa tentative d?organiser la cité; donc de la société civile qui s?appuie sur le Fiqh (Droit positif).A cet égard, il vaut de noter que, comme l?observe El-Achmaoui: «Sur les six mille versets coraniques, deux cents seulement comportent une dimension juridique, soit un trentième du Coran environ... Cela montre que le principal objet du Coran est d?ordre moral».En matière civile, le Coran compte un verset ayant valeur normative (II, 275: «Dieu a permis la vente et interdit l?usure»). En matière procédurale, le Coran comprend un verset relatif à l?authentification des reconnaissances de dettes (II, 282: «O vous qui croyez, écrivez la dette que vous contractez et qui est payable à une échéance déterminée»). Relativement au statut personnel, toutes les dispositions concernent le mariage, le divorce et les successions. En matière pénale, les peines coraniques (houdoud) sont l?amputation de la main pour le vol; 80 coups de fouets concernent le délit de fornication; cent coups de fouet pour l?adultère; le bannissement ou la détention pour brigandage. Quant aux peines inhérentes à l?apostasie et l?absorption de boisson alcoolisée, la première se fonde sur deux hadiths et la seconde a été posée par l?Imam Ali Abi Taleb. En ce qui concerne l?homicide, il est prescrit le talion (II, 178). Toutefois, la loi du talion n?est pas applicable si la victime (ou ses ayants cause) pardonne au coupable, que ce dernier ait ou non versé une diya (compensation pécuniaire). La doctrine musulmane a inventé une autre peine - le ta?zir - en vertu de laquelle l?autorité publique peut incriminer tout acte jugé préjudiciable à la sécurité publique, aux droits des personnes, à leurs biens ou à leur honneur; si c?est nécessaire, la peine capitale est requise. Toutefois, le prophète Mohamed (S) n?a pas manqué de dire: «Efforcez-vous d?être cléments les uns envers les autres dans l?application des châtiments coraniques». Dans cette optique, seule la raison (a fortiori, celle critique) est à même de féconder, en Algérie, une analyse et une pratique de nature à expurger tout esprit radicalisant, générateur du couple violence/résistance. Cette dualité s?articule autour de ces deux concepts qui obèrent sérieusement le développement politique du pays. En effet, c?est l?insuffisance de structuration institutionnelle et mentale qui a ouvert le jeu politique à d?autres sphères que les partis politiques (ainsi l?école, l?université et la famille dont les statuts ont été dévoyés par le prisme déformant du dogme absolu), alors que le champ politique devait être circonscrit à la sphère classique du pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire).  Islamisme et cité idéale 
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