Algérie

Iran, la guerre d'après


En allant à Barcelone (Espagne) pour participer à un colloque sur « Gouvernabilité et décentralisation en Méditerranée », j'ai décidé de prendre avec moi - histoire de profiter de tous les moments libres ou les temps morts (attente à l'aéroport, trajet en avion, etc.) - deux livres, qui viennent à peine de paraître, »Bush, l'Iran et la bombe, enquête sur une guerre programmée», d'Eric Laurent (éditions Plon) et «Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, de John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt (La Découverte). J'avoue ne pas regretter ce choix tant les argumentaires de l'un et de l'autre se recoupent et expliquent bien des points sur la géopolitique moyen-orientale des Etats-Unis d'Amérique et d'Israël. Eric Laurent est un grand reporter et un journaliste d'investigation. Il n'est pas intégré dans un journal. Pour pouvoir se permettre des enquêtes au long cours que les journaux français ne s'autorisent plus - pour cause de moyens et de logiques éditoriales -, il s'est aménagé un « territoire » en devenant éditeur aux éditions Plon. Ce statut lui permet de susciter des livres chez les autres et, surtout, d'en écrire d'autres sur des sujets dont les enjeux sont insuffisamment perçus par les médias, et qui, pourtant, font partie de la « tendance lourde » de l'actualité. Avec une excellente intuition, un sens du marketing aigu, ses livres sont souvent aussi des best-sellers. En tout état de cause, «La guerre des Bush» (Plon, 2003) et «Le Monde secret de Bush» (Plon, 2003) et «La Face cachée du pétrole» (Plon, 2006) fourmillent d'informations qui restent encore valables jusqu'à aujourd'hui. S'appuyant sur ses réseaux de contact et son épais carnet d'adresses aux Etats-Unis, en Europe et au Moyen-Orient, Eric Laurent, dans son dernier ouvrage, rassemble tous les éléments qui, mis en cohérence, permettent de mieux comprendre que le scénario de la guerre contre l'Iran n'est plus une éventualité. Au vu de la planification militaire vis-à-vis de ce pays et les préparatifs en cours, il ne fait guère de doute que le compte à rebours est (déjà) en marche ! Peu importe son affaiblissement politique - en période de cohabitation à la Chambre des représentants et au Sénat depuis novembre 2006 -, George W. Bush a d'ores et déjà intériorisé le choix de la guerre contre l'Iran. Cette conversion de l'esprit du président est due à l'oeuvre de Dick Cheney, appuyé en cela sur le dernier carré des faucons et des (rares) néoconservateurs encore en immersion dans des postes clés de l'Administration républicaine. « Un Iran possédant l'arme nucléaire pèsera sur les approvisionnements mondiaux en pétrole, sera en mesure d'affecter l'économie mondiale et utilisera l'arme nucléaire et les organisations terroristes pour menacer ses voisins et d'autres pays à travers le monde », déclarait le vice-président US sur Fox News (14 janvier 2007). D'autres propos de responsables américains viendront amplifier la guerre psychologique et l'entreprise de désinformation. Un procédé classique que l'on a vu largement utilisé lors de la guerre contre l'Irak. Le livre d'Eric Laurent identifie et présente les hommes clés qui « poussent » vers cette option militaire: ils entretiennent tous une intimité fusionnelle avec l'AIPAC (le lobby pro-israélien) et relaient, dans une double allégeance qui ne choque plus personne, le point de vue de l'Etat hébreu. D'où l'intérêt de lire le livre des deux universitaires américains, que je citais plus haut, pour voir comment la politique étrangère américaine est « soumise » - et c'est un euphémisme - au pouvoir et à l'influence de ce lobby (1). Bénéficiant de circonstances exceptionnelles sous la présidence de George W. Bush - très sensible aux thèses des chrétiens sionistes -, la force de ce dernier, c'est qu'il a réussi à faire coïncider les intérêts stratégiques d'Israël avec ceux des Etats-Unis. C'est cette sainte alliance qui se prépare à attaquer un autre pays de « l'axe du mal » (l'offensive militaire est prévue entre la fin du mois de Ramadhan et le début de 2008, Le Canard Enchaîné, p. 3, 26 septembre 2007). Deux phases sont envisagées: les frappes sur les sites sélectionnés seront menées par l'aviation israélienne avec l'appui américain, avec l'utilisation d'armes nucléaires tactiques pour détruire les cibles enterrées; puis, si cela n'est pas suffisamment efficaces, les forces militaires américaines achèveront directement le travail. Décidément, le désastre irakien n'aura servi à rien ! Malgré l'enlisement et le « détricotage » étatique et ethnique du pays, Bush et son équipe, dans une gigantesque fuite en avant pour masquer le désastre en cours, se préparent à placer le curseur plus haut, en entrant cette fois en guerre contre l'Iran. Avec l'Irak, les Etats-Unis ont initié et amplifié la guerre à l'intérieur de l'Islam. Entre chiites et sunnites. C'est devenu un prisme à l'aune duquel on mesure tout. Prises de panique, l'Arabie Saoudite et d'autres monarchies du Golfe - mais aussi avec d'autres pays comme l'Egypte et la Jordanie - appuient clairement le choix américain par peur du chiisme et de l'Iran, acteur régional majeur. Je crois que ces pays mesurent mal les conséquences de cette décision, dont les conséquences, pour eux, sont impossibles à apprécier pour le moment ! Ont-ils oublié qu'on fait la politique de sa géographie ? Cette myopie aura un coût exorbitant en termes d'extension des effets de la guerre projetée. Pendant ce temps, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, épouvantail idéal pour Israël et les Etats-Unis, poursuit ses provocations inutiles et souffle sur la braise, donnant mille raisons à ses adversaires de passer à l'acte. Inutile d'énumérer ici les éléments du désordre à venir aux allures d'apocalypse. Les démocrates, le Congrès, les médias et les dirigeants du monde entier vont-ils laisser agir une « secte » qui a pris le pouvoir à Washington ? Entre 2001 et 2007, l'Amérique de Bush, aveuglée par le messianisme des néoconservateurs, a considéré - Israël oblige - que le Moyen-Orient est son laboratoire d'expérimentation. A ceux qui en doutent encore, les dégâts de cette politique sont considérables, même si le bilan est loin d'être fait ! Malgré la faillite de cette stratégie, un autre pas est en train d'être franchi, qui annonce le maelström à venir. Mais cette fois, plus qu'hier, tous les radicalismes vont être au rendez-vous ! Les Arabes - et les musulmans - seront aux premières loges... comme « chair à canon » ! Qui pourra stopper cette machine infernale ? (1) Robert H. Trice, chercheur en sciences politiques, disait du lobby pro-israélien, en 1981, qu'il était « constitué d'au moins soixante-quinze organisations distinctes, juives pour la plupart, qui soutiennent activement la majeure partie des actions et des prises de position du gouvernement israélien ».
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