Les membres d'Al-Qaïda sont des «lâches». La sentence a été prononcée parle commandement des troupes de la coalition qui occupe l'Afghanistan, pourexpliquer la mort de sept enfants tués dans des bombardements, dimanche, dansle sud du pays. Selon un communiqué de la coalition, des membres d'Al-Qaïda onttrouvé refuge dans une école coranique, les fameuses « madrassa », et auraientutilisé les enfants comme bouclier humain. L'école a été bombardée par voieaérienne, tuant pêle-mêle combattants, civils, enfants et enseignants. Pour les forces occidentales, iln'est pas nécessaire de risquer la vie de soldats dans des accrochagesclassiques. Il est préférable d'utiliser lesgrands moyens, et raser tout ce qui bouge. Déjà, en Irak, un officier américaina justifié l'utilisation de moyens « disproportionnés » pour protéger la viedes soldats américains. Interrogé s'il était nécessaire « d'assommer une moucheavec un marteau », allusion à l'utilisation abusive des bombardements aérienset du pilonnage aveugle de positions considérées comme suspectes, il a répondufroidement : « oui, on peut assommer une mouche avec un marteau, et même avecun marteau-piqueur ». En cas de « bavure », il suffit de prononcer le mot «magique, « Al-Qaïda », pour justifier tous les excès. La recette a fait ses preuvesdepuis longtemps. Elle marche toujours. En Irak, la plupart des communiquéspubliés par les forces d'occupation américaines faisant état de victimes irakiennes,indiquent que l'attaque visait des combattants d'Al-Qaïda, une cached'Al-Qaïda, ou des groupes liés à Al-Qaïda. La répétition est délibérée :plus on prononce le mot « Al-Qaïda », moins on a d'obligation de s'expliquer.Il suffit d'évoquer ces mots magiques pour justifier tous les excès, toutes lesoutrances. Y compris quand cela frise l'absurde. Samedi dernier encore, l'arméeaméricaine a annoncé avoir lancé une nouvelle offensive contre « plusieursbastions d'Al-Qaïda » dans la région de Baghdad. L'offensive avait pour cible «un certain nombre de zones autour de Baghdad, en particulier des zones qui, parle passé, servaient de refuge à Al-Qaïda », a précisé le général DavidPetraeus, commandant des forces américaines en Irak. Les pertes américaines enIrak sont, elles aussi, imputées à Al-Qaïda. Ainsi, en est-il de deux soldatsdisparus le 23 mai, et dont les papiers d'identité ont été retrouvés à Samarra,dans « une cache d'Al-Qaïda », selon un porte-parole américain. Et tant que deshommes d'Al-Qaïda existent encore, tant qu'ils se terrent dans des casemates enIrak ou dans les montagnes afghanes, il faudra aller les chercher. C'est, ensoi, une justification suffisante pour maintenir des troupes en Irak. Quand ces arguments ne suffisentpas, « l'Iran des ayatollahs » et la Syrie viennent à la rescousse. C'est deDamas que viennent les « terroristes », disent tous les spécialistes chargésd'appuyer la politique américaine. Sinon, ils viennent d'Iran, cet épouvantailqui serait prêt à brandir l'arme atomique contre Israël. Ainsi, pour expliquer la mortd'une quarantaine d'Irakiens, en début de semaine, un porte-parole britanniquea mis en cause l'Iran. « Les soldats alliés ont riposté après avoir été pris àpartie dans la ville d'Amara et la localité voisine de Madjjar al Kabir, dansla province chiite de Maysan, par des insurgés qui faisaient entrer encontrebande en territoire irakien des armes en provenance d'Iran », a affirméun communiqué du commandement militaire britannique. Pour l'opinion américaine eteuropéenne, la formule peut être efficace pour justifier une guerre à outrance.Mais elle ne peut changer la réalité du terrain, comme l'a implicitementreconnu le commandant des forces américaines en Irak. L'armée américaine faitface à une résistance populaire, structurée, obéissant à des motivations trèsvariées. Même si certains groupes se réclament d'Al-Qaïda, tout laisse supposerque les véritables motivations de cette résistance sont d'un autre ordre, plussolides, plus ancrées dans la société. Des motivations nationalistes, toutsimplement, profondément ancrées dans la société irakienne, comme dans toutesociété, et qui laissent entrevoir une résistance de très longue haleine, aussilongtemps que l'Irak sera occupé. En cela, l'Irak n'invente rien. Aucunesociété au monde ne tolère l'occupation. Le commandement des forcesaméricaines a implicitement confirmé cette force de la résistance irakienne.«Je pense qu'historiquement, les opérations de contre-insurrection durent aumoins neuf ou dix ans», a déclaré le général David Petraeus. En réalité, il nefait que rendre compte d'une situation évoquée par la plupart des analystesaméricains, qui constatent avec effroi le peu de maîtrise du terrain parl'armée américaine et ses supplétifs irakiens. Le New York Times a ainsi révélélundi dernier que, selon une évaluation du commandement militaire, l'arméeaméricaine et les forces irakiennes ne contrôlent que 146 des 457 quartiers deBaghdad, ce qui représente un tiers de la ville. Pourtant, près de 85.000hommes sont mobilisés dans le cadre du fameux « plan de sécurisation de Baghdad», lancé avec l'arrivée de nouveaux renforts américains, évalués à 30.000hommes. Curieusement, les Américainspublient d'un côté des chiffres précis, alarmants pour eux, mais refusent deles interpréter de manière rationnelle. La commission Baker - Hamilton avaitétabli un constat d'échec. Tous les rapports les plus sérieux sont allés dansle même sens. Mais aucune structure de décision américaine n'est allée au boutde cette logique, pour en tirer les vraies conclusions. A l'inverse, plus on se rapprochedes centres de décision, plus on trouve que les Etats-Unis préfèrent martelerles mots « Al-Qaïda » et « terrorisme » comme une démarche politique. Enréalité, seule une résistance nationale, incluant de larges pans de la société,peut mener une action armée de l'envergure de celle que connaît l'Irak. Dans une telle confusion, il estimpossible d'éviter l'émergence de certaines organisations nihilistes, qui fontbeaucoup de tort à la résistance, comme les disciples de Oussama Ben Laden, etd'autres qui font carrément le jeu de l'occupant. C'est un engrenage connu, quipeut même déboucher sur l'émergence de milices sectaires, ou même de véritablesgangs qui se déploient sous la bannière de combattants à l'ombre de la guerrecivile. Ces dérives offrent un terrainfavorable à la guerre médiatique, qui veut transformer le fidaï en terroriste,le moudjahid en fellagha, le résistant en agitateur, et les supplétifs américainsen Irak en bâtisseurs de la démocratie. Mais la guerre médiatique n'est pastoute la guerre. Elle peut occulter une partie de la réalité, mais pas toute laréalité. Les Américains eux-mêmes commencent à le reconnaître. Le mot «résistance » est encore banni de leur langage américain. Au mieux, lesofficiels américains utilisent le mot « insurgés » pour désigner la résistance.C'est déjà un pas. Le reste est une simple question de temps. Un temps qui,malheureusement, coûtera trop cher aux Irakiens.
Posté Le : 21/06/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com