Finalement il a parlé. De l'armée, du Maroc, du Polisario, de son avenir, de son présent, de la France, de presque tout lemonde. Sauf de vous. Bouteflika ayant publié unelongue analyse de l'Algérie, selon lui, qui n'a rien à voir avec l'Algérieselon vous. Et cela explique le reste: c'est-à-dire pourquoi il ne vous a pasparlé à vous de ce qui vous concerne, mais a préféré parler à une agence depresse occidentale, comme de coutume. Pourquoi? Parce que. Les Occidentauxélisent, là où vous votez. Et parce qu'ils sont riches et puissants, là où vousêtes pauvres et inutiles. Pourtant, et malgré ces évidences, on reste éberlué: parle ton, le style et cette sérénité d'un homme qui vit dans le même pays quevous, mais à un étage plus confortable, moelleux, onctueux et absolument Zen. Certesles Présidents de républiques ont cette habitude de parler calmement, avectranscendance et hauteur, sans s'emporter et avec une énorme politesse, maisface à Reuters, le Président de la RADP semble avoir un peu exagéré dans l'art abstrait. Outrele ton d'un dépliant de tourisme en ce qui concerne les réformes, la luttecontre la corruption ou l'économie, Bouteflika aparlé de l'Algérie comme si elle n'existait pas ou peut-être telle qu'on la luiprésente à El-Mouradia et à l'ENTV.C'est-à-dire un pays où l'armée devient lentement herbivore et presque civile, oùle soutien à des mandats à vie est une preuve de maturité, où la torture est uncas rare et où la «normalisation» de la vie politique n'est qu'un point de vuede journaliste partial ou d'une ONG manipulée. Un pays où le Maroc est unvoisin qui va partager notre avenir et où la France est un partenaire qui n'arrive pas àcomprendre ses intérêts post-coloniaux. Dans ce pays là, habité par Bouteflika seulement et tout seul, le reste n'existe pas. Vousn'y retrouverez ni vos grèves, ni vos dos-d'âne, ni vos salaires, ni un seulbidon d'huile en crise.La Réconciliation y fonctionnecomme une usine de repentis et les terroristes y sontisolés par leur irréversible étrangeté idéologique. Cette Algérie là, vue par Bouteflika, à partir d'un angle olympien, ne vous reflètepas, n'a pas à se soucier de vous et ne fait pas partie de votre biographie. Bouteflika s'y attèle commepenché sur un cahier scolaire ou la maquette d'un voilier dans une bouteille, àpeine sensible à la foule qui l'acclame par-delà les fenêtres pour qu'il continue à pédaler vers l'avenir, à peineinquiété par le reste du monde et l'affaissement interne de la nation, sonmanque de buts dans la vie et la banalisation de sa banalité. Un pays au matincalme, soutenu par des idées et pas par le pétrole, propre, sans corruption, nidécharges sauvages, sans luttes de clans, ni échecs scolaires et où il faittellement bon de vivre lorsqu'on s'appelle Abdelalzizet qu'on a un avenir même en restant assis à rêver du passé.Vous comprendrez alors pourquoi le Président de la RAPD a choisi d'en parler àdes étrangers et pas à vous et pourquoi ce pays mérite l'effort d'une chaloupeou d'un voyage par mer pour y arriver. Le riche pays «Reuters» où touts'arrange à la fin en s'arrangeant déjà. Avant 2009 et longtemps après.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 16/03/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com