Algérie

Interprétations tendancieuses de la loi



Interprétations tendancieuses de la loi
Contre vents et marées, Saleha et Naïma ont toutes les deux choisi de prendre leur destinée en main en épousant les hommes qu'elles aiment et qui les ont acceptées avec leur histoire.Pour elles, le mariage est une résurrection et le début du bonheur avec une nouvelle famille. Malheureusement, ni les juges ni les maires n'ont accepté de les marier en l'absence d'un tuteur matrimonial, qu'elles ont remplacé par un proche, comme la loi le permet. Saleha et Naïma n'avaient pas le choix. Toutes les deux traînent derrière elles une histoire tragique qui aurait pu les entraîner dans les méandres de la débauche ou de la délinquance.Saleha par exemple, est issue d'une famille maraboutique d'un village de Kabylie. Cadre dans une société, elle tombe amoureuse d'un collègue. Quelques mois après, les deux décident de se marier. Pour la famille de Saleha, «il n'est pas question que ce prétendant, issu d'une famille pauvre, épouse une fille de la noblesse.Mon père, mes frères, ma mère se sont ligués contre lui, alors qu'il est d'un milieu certes démuni, mais riche d'éducation et très instruit. C'est ma vie et je ne la conçois qu'avec lui. Mes parents n'ont pas le droit de décider avec qui je dois la partager». Après une longue réflexion, Saleha et son prétendant quittent leur village ; chacun d'eux s'installe chez un membre de sa famille à Alger et ils décident de se marier.A leur grande surprise, ils découvrent que ce mariage ne peut avoir lieu sans la présence du tuteur matrimonial de Saleha, en l'occurrence son père. Ils s'adressent à un tribunal, à Alger, et là aussi le juge refuse de les marier sans le père de Saleha.Stupéfaction. Le juge, censé connaître les dispositions du code de la famille, exprime lui aussi son refus. A ses yeux, le père de Saleha est le seul tuteur. Pourtant, le code de la famille stipule clairement que «la femme majeure conclut son contrat de mariage en présence de son wali (tuteur) qui est son père ou un proche parent ou toute autre personne de son choix». Saleha désespère. Elle fait appel à des associations féminines et des avocats, mais à ce jour, elle n'a pas encore trouvé une explication à cette aberration judiciaire.Naïma aussi en souffre. Originaire d'une ville de l'est du pays, Naîma a vécu l'enfer au sein de sa famille après que son frère ait abusé d'elle. Elle tente d'en parler, mais la fratrie se retourne contre elle et la réduit au silence. Durant des années, elle porte tout le poids de cette douleur, suscitant en elle le refus de l'autre et la perte de confiance. Vivre sous le même toit que son violeur est, pour elle, insupportable et se plaindre de lui est impossible. Elle décide de quitter le foyer familial et, quelque temps après, elle rencontre l'homme de sa vie.Elle lui raconte ses terribles souffrances. Ensemble, le couple veut démarrer une nouvelle vie, dans le cadre du mariage.A la mairie, l'officier de l'état civil exige la présence du tuteur qui, dans le cas de Naïma, est le frère incestueux. Elle refuse. Certains l'orientent vers le juge, qui lui aussi exige la présence du frère. «Qui me dit que votre frère n'est pas contre votre mariage '» lui dit-il. Ne pouvant supporter cet affront,Naïma dévoile l'histoire qu'elle aurait voulu taire.Après l'avoir écoutée, le juge l'informe de son intention de convoquer le frère incestueux. Quelques jours plus tard, elle se retrouve face à ce dernier. «Mon frère a tout nié, en disant qu'il n'y a jamais eu de plainte contre lui. Il s'est acharné contre l'homme que j'ai choisi et, à la fin, le juge a refusé de valider mon mariage. C'est injuste. Pourquoi les lois ne sont-elles pas appliquées quand il s'agit des femmes '», s'offusque-t-elle.Ces deux histoires ont ému de nombreuses militantes des droits de la femme, qui voient là «une parfaite illustration des mauvaises interprétations des textes, lorsque les législateurs laissent des brèches». Pour elles, les vécus de Saleha et Naïma ne sont pas isolés. «Jusqu'à maintenant, les jeunes filles qui se marient se sentent obligées de présenter un certificat de virginité, alors que la loi n'exige qu'un bilan sanguin des deux futurs époux.Ni au niveau des mairies ni chez les juges, on ne leur explique qu'elles n'ont pas besoin de ce document. Mieux, on ne parle jamais du contrat de mariage, qui constitue une protection légale pour la femme. Ni les jeunes filles ni leurs parents ne connaissent l'existence d'un tel contrat prévu par la loi, alors que tout le monde braque sur la présence du tuteur matrimonial lors du mariage, qui est désormais choisi par la femme. Il y a des situations qui appellent à une intervention énergique des autorités pour rétablir l'application, la stricte application de la loi», nous disent certaines d'entre elles.




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