Internet, le bac et l'année du corona

Il n'y a pas à dire, il y a une sensible amélioration. Il n'y a pas si longtemps, on garrottait quand on ne coupait pas carrément l'ensemble du réseau Internet. Hier matin, les Algériens ont savouré leur bonheur : seuls Facebook et YouTube ont été sectionnés. Hier matin, c'était le début des épreuves du bac et un bonheur n'arrive jamais seul. Il fallait voir au journal de 13 heures de l'ENTV, comment on a fait le tour d'une dizaine de wilayas pour apprendre que l'examen se passe bien. Il y avait du gel hydroalcoolique dans tous les centres. Du savon liquide aussi et puis des bavettes pour tous les candidats. Quand ce n'est pas aux responsables locaux de l'éducation qu'on tendait le micro, c'était aux walis. Tout ce beau monde énumérait le nombre de masques, le volume de liquide stérilisant et accessoirement le nombre de candidats. Evidemment, l'examen est secondaire. Comme toujours, les sujets sont «largement accessibles». Le reste est une affaire de «mesures sanitaires» mises en place par les services de l'Etat et que tout le monde a rigoureusement respectées. Il n'y a pas à dire, le bac de cette année est le même que les précédents mais tout le monde aura compris qu'il est très spécial. Le Premier ministre a tenu à le rappeler à Annaba où il donnait le «coup d'envoi officiel» de l'examen, comme par le passé. Il a dit aux candidats qu'ils n'avaient aucune raison de stresser parce que les chances de réussite sont à 50% d'ordre mental. Puis, il est passé à... l'essentiel : «Vous allez vous souvenir que vous êtes les bacheliers de l'année du coronavirus». Pour le reste, les candidats ne doivent pas savoir qu'on a coupé Facebook et YouTube. Ou ils le savent mais ils font semblant de l'oublier. On ne parle pas de ces choses devant les caméras de l'ENTV un jour de bac. La confiance règne. Pas spécialement la confiance en soi, c'est une question intime. Mais la confiance entre les candidats et les gouvernants qui est une évidence. Sinon, il n'y aurait pas autant de bonheur et d'enthousiasme dans l'air. La confiance règne, c'est pour ça qu'on a averti : la triche sera sévèrement sanctionnée, on a même fait de nouvelles lois pour ce faire. Ça relève du pénal maintenant. C'est pour ça qu'on ne s'est pas contenté de confisquer les smartphones jusqu'à la sortie, il fallait couper les réseaux sociaux. Ça ne sert pas à grand-chose, ça pénalise surtout ceux qui ne passent pas le bac mais il ne faut prendre aucun risque. Ne rien laisser au hasard pour laisser intactes toutes les chances de réussite. C'est quoi la réussite ' Réussir à... empêcher la fraude et assurer le gel hydroalcoolique. Dans la foulée du JT de 13 heures d'hier, on a même convoqué quelqu'un sur le plateau pour dire le «succès» en kabyle dans le texte. Avant que la journaliste nous rappelle qu'il faut revenir à... la langue-mère. Le bac est vraiment une autre histoire.S. L.