Publié le 23.06.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MAYA ZERROUKI
De notre correspondante à Paris, Maya Zerrouki
La deuxième édition de MawaHub est enfin là ! Lancé par l’incubateur algérien IncubMe et l’incubateur français Créative Valley, ce programme vise à créer des synergies entre les deux rives dans le domaine des nouvelles technologies appliquées aux secteurs de l’art et de la culture propulsant ainsi les start-up algériennes sur le devant de la scène internationale.
Organisé le 19 juin à l’Institut du monde arabe à Paris avec pour thème : «La culture au futur» en association avec La Sorbonne Nouvelle et le Master MNM (Musées et Nouveaux médias), une rencontre riche en échanges et en partage d’expériences a eu lieu rehaussée par la présence du président de l’IMA Jack Lang, qui dans une bienveillante intervention en direction des lauréats, est revenu avec beaucoup d’émotion sur son expérience en Algérie en sa qualité de professeur de droit.
Qu’est-ce que MawaHub ?
MawaHub est un programme d'incubation franco-algérien unique en son genre, axé sur les ICC (industries culturelles et créatives) à l'ère du numérique lancé en Algérie en 2023. Pour cette deuxième édition, 8 projets remarquables, se distinguant des 53 talents issus de 16 wilayas sélectionnés parmi 582 candidatures portant sur le patrimoine, la production 3D, le jeu vidéo, l’éducation, l’artisanat, vont bénéficier d’un accompagnement durant 5 mois afin de leur permettre de réaliser leurs projets artistiques tournés vers le Web3. La rencontre à l’IMA a été l’occasion pour ces jeunes de présenter leurs projets et d’initier ainsi de nouvelles collaborations.
Ce programme se distingue également par son approche hybride en rassemblant 50% de talents issus du secteur technologique, tels que des développeurs, des informaticiens et des ingénieurs, et 50% de talents provenant de divers arts, comme le cinéma, le théâtre, le spectacle vivant, et la bande dessinée.
Pour la première fois, de grands leaders de la «French Tech» comme Ubisoft ou Isart Digital s’intéressent à l'écosystème algérien à travers ces jeunes porteurs de projets, ouvrant la voie à de potentielles opportunités d'investissements en Algérie.
Outre la culture et les arts, les technologies développées par MawaHub peuvent également s'appliquer à d'autres secteurs éloignés tels que la santé, l'agriculture, le bâtiment, et la recherche clinique grâce à des simulations de jumeaux numériques en 3D.
Pour Marion Delemazure, directrice du programme : «C’était important pour nous d'avoir une telle diversité. En termes d'accompagnement, nous nous efforçons de proposer un travail sur mesure, avec une gestion agile et une articulation pédagogique adaptée. Nous collaborons avec des experts français et algériens pour aborder des sujets liés à l'écosystème algérien et français, avec un accent particulier sur le domaine de l'interactivité et des jeux vidéo.
Notre objectif est de faire émerger des projets remarquables et uniques dans les secteurs industriel, culturel et créatif, en utilisant les processus du jeu vidéo pour toucher un large public.»
Pour Yan Gozlan, directeur de Créative Valley, l’incubateur clé dans l’accompagnement des start-up algériennes en France : «Il est historiquement nécessaire de promouvoir un rapprochement entre la France et l'Algérie. Je crois fermement que cela pourrait avoir un impact géopolitique et géostratégique majeur. Les liens entre les deux rives de la Méditerranée sont riches et précieux. Il y a aussi de nombreuses histoires d'amitié et de familles entre l'Algérie et la France. Pour réussir, nous devons agir dans trois domaines fondamentaux : l'agro-tech et la food-tech pour nourrir une population croissante dans un contexte de changement climatique, la santé pour promouvoir le bien-être universel, et surtout, la culture qui est au cœur de notre identité et de notre résilience. Elle est essentielle face à l'uniformisation mondiale promue par les grandes marques. Nous devons célébrer la diversité linguistique et culturelle, et préserver nos différences.»
Fort de ses 15 années d'expérience dans la création d'incubateurs pour les industries culturelles et créatives, comme le grand Campus et incubateur Station F, notre interlocuteur est une référence et d’une expertise reconnue dans le domaine de l’entrepreneuriat technologique.
Pitchs de start-up
Les start-up défilent, pitchent leurs projets qui se suivent et ne se ressemblent pas. Même si le sujet reste culturel, les voies, elles, sont multiples et les canaux divers.
Qui a dit que les jeunes tournaient le dos à leur patrimoine ? Les projets exposés démentent en effet cette vieille croyance qui fait passer nos jeunes pour des êtres désintéressés de leur histoire et de leur culture à l’exemple de Nazim Lebhour co-fondateur de la start-up «Juba Rex» une plateforme numérique dédiée à la préservation du patrimoine algérien à travers l’utilisation de scanner 3D pour documenter des espaces et des pièces de grande valeur historique. À ce titre, notre interlocuteur nous confie avoir eu accès à des pièces rares comme le costume de El Hadj M’hamed El Anka ou celui du dernier mufti d’Alger cheikh Baba Amar ou encore celui de l’avocat du martyr Ahmed Zabana. Grâce à l’étroite collaboration des collectionneurs algériens, Nazim et ses camarades ont pu accéder et scanner ces pièces qui seront par la suite accessibles sur leur plateforme pour un plus large public. Cette start-up s'investit également dans des expositions académiques et ethnographiques virtuelles couvrant toutes les régions d'Algérie.
Sana Abdoun, cofondatrice de la start-up art Connect, une plateforme de e-learning dédiée aux beaux-arts et à l'art à travers des cours préenregistrés et des sessions en direct avec des experts reconnus dans le domaine artistique. Ces cours sont enrichis en réalité augmentés pour permettre aux apprenants d’avoir des exemples concrets dans des domaines tels que la sculpture et la 3D.
«Notre ambition est de trouver des opportunités d'expansion, car notre modèle est scalable et adaptable à différentes cultures et pays, notamment en Algérie, où le secteur artistique est encore émergent. Bien que nous ayons été confrontés à des défis, notamment en matière d'investissement, notre participation à des incubateurs nous a permis d'interagir avec des experts en finances et en droit des affaires. Nous espérons que ce réseau nous permettra de rencontrer des investisseurs intéressés par notre type de start-up»
MAWHIBATI est également, dans ce cas, une plateforme en ligne dédiée à la vente d'articles d'art et d'artisanat, centrée sur le projet «Amachaho Aho». Ce projet s'inspire de la célèbre légende de Kabylie et vise à promouvoir l'artisanat à travers des ateliers vidéo. Il propose des tutoriels de création d’objets divers inspirés de notre patrimoine culturel comme des poupées en chiffon ou des bijoux accompagnés de kits facilitant la création. Fella Chaib, co-fondatrice du site, envisage également d’avoir recours à la bande dessinée animée pour relater l'histoire des œuvres. L'objectif étant de promouvoir l'artisanat algérien auprès du jeune public.
Dans un registre différent, le projet de plateforme Octave vise à permettre aux fans de rencontrer leurs idoles de différents univers : influenceurs, créateurs de contenus, universitaires, artistes, sportifs, etc. Contrairement aux plateformes traditionnelles où les interactions sont limitées malgré les nombreux abonnés, Octave propose une approche plus intime et plus communautaire en intégrant plusieurs outils pour faciliter ces rencontres à travers des réunions virtuelles, des sessions en visioconférence, ou la distribution de contenu PDF ou images.
Pour tous les lauréats du concours MawaHub, deux grandes attentes sont formulées durant ce séjour en France : bénéficier de l’expertise que propose le programme d’accompagnement et trouver le financement nécessaire au développement de leurs projets. À noter que la nouveauté cette année est de faire accueillir nos lauréats à Nice, Marseille et à Cannes en plus de Paris.
Rendez-vous donc à la troisième édition de MawaHub
M. Z.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/06/2024
Posté par : rachids