Algérie

Instabilité chronique



Depuis l'indépendance, l'Algérie n'a jamais connu une longue période de stabilité politique comme l'atteste la sempiternelle révision constitutionnelle.C'est dans un contexte exceptionnel, marqué notamment par la crise sanitaire et l'évacuation en Allemagne du président de la République pour des soins, que les Algériens votent, aujourd'hui, pour la huitième fois depuis l'indépendance, pour une nouvelle révision de la loi fondamentale. Ce qui est l'équivalent du nombre de chefs de l'Etat qui ont défilé à la présidence de la République. À chaque Président sa Constitution. Avec Abdelmadjid Tebboune, la tradition est respectée. La seule différence, cette fois-ci, est peut-être dans le fait que la présente consultation populaire se déroule dans une atmosphère empreinte d'une certaine tension politique et sociale qui risque de plomber la participation à l'opération de vote. Sinon, les Algériens avaient déjà été conviés, en septembre 1963, au premier référendum sur la toute première Constitution qui devait servir de matrice à un Etat qui venait de recouvrer son indépendance.
Usant de la ruse et d'un coup de force dont les conséquences sont toujours visibles 57 ans après, le chef de l'Etat de l'époque, Ahmed Ben Bella, avait contourné l'Assemblée constituante pour proposer son propre texte à un aréopage de cadres du FLN réunis au cinéma Le Majestic (aujourd'hui salle Atlas). Résultat : le régime du parti unique est consacré et l'Etat algérien naissant est entré, de plain-pied, dans une longue période où se succèdent des autocrates. Malgré cette orientation "révolutionnaire", le régime né après l'indépendance ne résistera pas à la tentation de changer une nouvelle fois la Constitution. Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en juin 1965, Houari Boumediene suspend la Constitution de 1963 et attend 11 ans avant de dégainer la sienne.
En 1976, l'homme a proposé aux Algériens une Charte nationale doublée d'une Constitution. Il y garde l'essentiel des dispositions du texte de 1963 et renforce ses propres pouvoirs. De président du "Conseil de la Révolution", Houari Boumediene est devenu "président de la République" après un scrutin où il est le seul candidat. Le FLN, mis à la marge depuis 1965, garde sa place de parti unique. Mais le régime prend soin de mentionner "la souveraineté" d'un peuple dont la voix n'a jamais été entendue. Cette Constitution sera légèrement retouchée en 1986. Mais c'est en 1989, et après le soulèvement d'Octobre de l'année précédente, que Chadli Bendjedid, qui a succédé à Houari Boumediene en 1979, fait adopter "sa" Constitution. C'est la première fois que le multipartisme est reconnu. Le FLN n'est plus "parti unique" et le président de la République n'est plus le seul chef du pouvoir exécutif.
Un poste de chef de gouvernement, doté de prérogatives importantes, est alors créé. Cette ouverture démocratique a permis la création de près de 70 partis politiques, et une année plus tard, en 1990, un parti politique de l'opposition, à savoir le Front islamique du salut (FIS), rafle la majorité des communes du pays lors des élections locales. Ce parti fera un raz de marée lors des élections législatives de l'année suivante. Le processus électoral est alors interrompu. L'Algérie plonge dans la violence. Arrivé au pouvoir en 1994 par le biais de la "Conférence de dialogue national", avant de se faire élire une année plus tard président de la République, Liamine Zeroual aura, lui aussi, "sa Constitution". Il fait adopter, par référendum, la Constitution de novembre 1996. Le texte garde les grands principes de 1989 et limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Il crée également une deuxième Chambre parlementaire, à savoir le Conseil de la nation, dont un tiers bloquant est désigné par le président de la République. Comme les versions précédentes, la Constitution de 1996 ne résistera pas longtemps.
Le successeur de Liamine Zeroual, Abdelaziz Bouteflika, aura la palme du record des révisions constitutionnelles. S'il déclare dès son arrivée au Palais d'El-Mouradia que la Constitution ne lui convenait pas, il a attendu 2002 pour y opérer un premier changement. Par la voie parlementaire, il y introduit tamazight "langue nationale". Mais lorsque la loi fondamentale se met en travers de sa marche pour un pouvoir à vie, il opère, en 2008, sa première profonde révision de la Constitution. Il fait sauter le verrou des deux mandats et limite les pouvoirs du chef du gouvernement, désormais appelé Premier ministre.
Pour maquiller ce "coup d'Etat constitutionnel", Abdelaziz Bouteflika maquille le texte avec des "acquis pour les droits des femmes" qui ont désormais le droit d'avoir un quota dans les assemblées élues. Après avoir obtenu un troisième, puis un quatrième mandat, malgré une santé déclinante, Abdelaziz Bouteflika propose, une nouvelle fois, un amendement constitutionnel en 2016. Le texte limite à nouveau les mandats présidentiels à deux, hisse tamazight au rang de langue "également officielle" et annonce la création de nouveaux organismes hétéroclites. Il n'a pas empêché une cinquième candidature pour un homme malade. Un acte qui choque les Algériens, sortis en masse dans les rues pour demander un "changement de système". Moins de deux ans après, ils sont une nouvelle fois conviés à un autre amendement de la Constitution.
Ali Boukhlef


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