Algérie

Inquiétudes des uns et assurances des autres


Le manque de certains médicaments pour les patients atteints de cancer commence à inquiéter ces derniers. Entre la peur d'une rechute pour les uns ou que la maladie ne se déclare ailleurs pour d'autres, l'angoisse s'est rapidement installée. Face à ce vent de panique, le professeur Bouzid appelle à «relativiser» la situation.Naima a 60 ans. Question cancer, elle maîtrise le sujet. A l'âge de 58 ans et suite à un examen de routine, Naima a découvert qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Commence alors un combat de près d'un an. «Contrairement à beaucoup de malades, on peut dire que j'ai eu de la chance.
En fait, tout s'est enchaîné très vite», raconte-t-elle. En effet, Naima a eu droit à de multiples séances de chimiothérapie effectuées à l'hôpital Mustapha Pacha, puis des séances de radiothérapie au centre de Blida et enfin une ablation du sein? Naima a beaucoup souffert. La perte de ses cheveux, de ses sourcils lors de la chimiothérapie, puis de son sein suite à l'ablation?
Elle a eu énormément de mal à l'accepter. «Je ne sortais plus. J'avais l'impression que tout le monde le remarquait et ça me gênait. Je ne me sentais plus très bien dans ma peau», confie-t-elle. Suite à cet épisode difficile, Naima s'est rétablit.
Elle a repris goût à la vie? aux sorties. Mais ce ne fut que durant une courte période. En effet, Naima a rechuté. Son cancer s'est déclaré une nouvelle fois. Cette fois-ci, aux poumons. «Quand les résultats du scan sont sortis, ce fut le choc pour moi. Cela signifiait que j'avais un nouveau cancer et que je devais mener un nouveau combat», témoigne-t-elle. Mais, Naima n'a pas baissé les bras.
Attente
Elle ne voulait surtout pas s'avouer vaincue. Elle était ferme et déterminée à vaincre la maladie une nouvelle fois. Elle a alors suivi huit séances de chimiothérapie à l'hôpital Mustapha. «Son médecin traitant, jugeant qu'elle a eu suffisamment de séances, lui a prescrit des comprimés nommés Aromasine Exemestane.
Ce médicament serait plus efficace, selon lui, quand il est pris conjointement avec le palbociclib», raconte un proche de Naima. Seul hic : ce deuxième comprimé n'est actuellement pas disponible. Naima, comme d'autres patients, doit prendre son mal en patience et attendre. «J'ai cherché à l'acheter de l'étranger sauf qu'il coûte extrêmement cher.
Dans les 6000 euros pour un traitement de 21 jours», soutient-elle. Naima attend donc qu'on l'appelle. Sauf que, pour elle, l'attente se fait ressentir depuis début janvier. Naima n'est pas un cas à part. De nombreux patients atteints de cancer se plaignent de la situation. A l'image de Souad, 46 ans, atteinte d'un cancer du sein : «Cela fait un mois qu'on m'a prescrit des comprimés à prendre. Je ne les ai pas pris jusqu'à présent étant donné qu'ils sont indisponibles.
A l'hôpital, on me demande d'attendre.» Tandis que le ministère de la Santé ne cesse de rassurer les malades quant à la disponibilité de médicaments, assurant que la rupture touchant certains relève de facteurs extérieurs, les malades prennent peur et ne cessent d'alerter sur cette éventuelle pénurie.
Relativisation
«J'ai peur que mon cancer du sein ne migre vers un autre organe car je ne prends pas mon médicament. J'ai peur de devoir subir une nouvelle maladie. Je ne me sens pas capable d'aller au front une nouvelle fois. J'espère seulement que l'attente ne sera pas plus longue», confie Nawel, une coiffeuse de 41 ans.
Face à la détresse des malades, le professeur Kamel Bouzid, chef du service d'oncologie du CHU Mustapha Pacha, appelle à la relativisation. La raison : ces traitements, pris en charge intégralement et uniquement par les caisses de l'Etat, coûtent extrêmement chers. N'empêche, le malade en bénéficie gratuitement. Exemple : un des médicaments coûte dans les 3000 euros la boîte pour une seule cure. Si un patient a besoin de douze cures, il faut compter plus de 36 000 euros pour un seul malade.
La facture est extrêmement salée. «On ne peut donc pas crier au drame sachant qu'à l'étranger, il faut payer pour bénéficier de ce plan. Chez nous, on le fait gracieusement, il ne faut donc pas dramatiser la situation», assure le professeur Bouzid. Par ailleurs, il affirme qu'il n'y a pas de pénurie ni de rupture dans le sens classique du terme.
Marché
«Les médicaments dont vous parlez, notamment les comprimés, sont très chers et sont fournis gracieusement aux patients. Par exemple, l'un des médicaments prescrit pour la prostate coûte 600 000 Da par mois que l'Etat fournit gratuitement. Il y a très certainement un manque d'organisation ou un excès de prudence de la part des prescripteurs et des pharmaciens.
De plus, ce genre de médicament est disponible sur tout le territoire national. Il y a un réseau de pharmacie hospitalier qui fait que même s'il y a rupture à un endroit, rien n'empêche l'hôpital où il y a manque de contacter un autre hôpital où le médicament pourrait être disponible», assure le professeur Bouzid.
Mais alors quelles sont les étapes par lesquelles un patient doit passer pour obtenir son médicament ' Le professeur Bouzid déclare que lorsque qu'un malade arrive à 9h, on lui fait d'abord la prescription, puis un billet de salle. Ce dernier se dirige par la suite à la pharmacie. Il peut donc avoir son médicament vers 15h. Le professeur Bouzid précise : «Si on ne prend pas ce genre de mesure (la prescription, le billet de salle, l'ordonnance, la liste nominative, ndlr), c'est la porte ouverte au coulage, c'est-à-dire le vol de médicaments et la revente sur les marchés.
Car il ne faut pas oublier que ce sont les prescripteurs et les pharmaciens qui doivent rendre des comptes.» A titre d'exemple, le professeur confie qu'un médicament hospitalier qu'on prescrit pour le cancer de l'os était indisponible au niveau de l'hôpital sauf qu'il était en vente dans un marché de la capitale à trois fois son prix.
Fournisseur
«C'est justement ce genre de situation qu'on veut éviter, ainsi que le gaspillage des médicaments», assure le professeur. Par ailleurs, le spécialiste tient à parler des médicaments innovants. «Ces médicaments, qu'on réclamait depuis quelques années pour certains, ont été enregistrés et les patients vont pouvoir y avoir accès, qu'ils soient injectables ou des comprimés.» De son côté, Abderezzak Meziani, responsable de la pharmacie de l'oncologie médicale au niveau du CPMC, déclare : «Actuellement, on est en rupture de stock de trois sortes de médicaments. Le Temodal en gélules, la Capecitabine et le Denosumab en sous cutané.
En ce qui concerne les autres médicaments, ils sont disponibles pour deux ou trois semaines.» Ce dernier assure que l'absence de ces médicaments influence négativement sur la santé des patients. Un avis confirmé par le professeur Bouzid qui souligne, que selon une étude, si le patient ne prend pas son traitement pendant trois mois, son espérance de vie est réduite d'une année, ce qui n'est pas négligeable.
Mais finalement, faute à qui ' Le professeur Bouzid soutient que l'industrie pharmaceutique n'est pas au-dessus de tout soupçon. Il assure également que les fournisseurs sont aussi à blâmer. «A titre d'exemple, nous avons établi un bon de commande pour un médicament. Le fournisseur a exigé une période d'attente de 4 mois, le temps de fabrication du médicament. Autre problème, c'est le fournisseur qui fixe les prix et on doit s'y plier. Il est vrai que la Pharmacie centrale tente de négocier, mais on reste à la merci de ces derniers.
Et enfin, dernier souci et pas des moindres, le problème qui se pose fréquemment et les idées reçues concernant les médicaments princeps et génériques. Beaucoup de personnes pensent que le générique est moins efficace, or cela est totalement faux.» Pour améliorer les choses, le professeur Bouzid espère que l'on puisse fabriquer nous-mêmes nos médicaments.
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