Algérie

Inquiétude chez les opérateurs privés



La mise en scène qui a accompagné la présentation du président du groupe Cevital devant le procureur de la République a de quoi soulever de légitimes inquiétudes chez beaucoup de chefs d'entreprise qui ont réussi par la seule force de leur volonté. Cette "chasse" aux patrons, qui semble prendre l'allure d'un règlement de comptes, risque d'être fatale pour l'économie nationale, déjà mise à mal. Les discours émanant aussi bien du pouvoir, que de certains partis et acteurs politiques, n'ont jamais été aussi défavorables envers les patrons qu'au cours de ces derniers mois. À les écouter, tous les chefs d'entreprises privées sont des "prédateurs", des "oligarques", alors que la quasi-majorité d'entre eux travaille dans le cadre de la loi, crée de la valeur, de la richesse et de l'emploi. Ce sont ceux-là mêmes qui font face, depuis des années, aux contraintes administratives. Evoquer publiquement les mérites de patrons qui ont légalement réussi dans les affaires devient alors un exercice périlleux. Qui osera investir dans ce climat de suspicion ' Aucun investisseur sérieux ne prendra ce risque. Des chefs d'entreprise, qui n'ont rien à se reprocher, affichent, aujourd'hui, leur appréhension. Ils ont peur d'être des boucs émissaires. Amoindri par son statut d'acteur économique de seconde zone, le privé algérien est, constamment, tenu d'entretenir avec les pouvoirs publics des liens de proximité, voire d'allégeance.D'où encore ce sentiment de crainte et d'hésitation chez bon nombre de chefs d'entreprises privées dans leur décision d'investissement. Pour eux, le pouvoir ne veut pas que l'économie s'autonomise de la tutelle du politique. Cette crainte semble avoir gagné le secteur bancaire, selon des chefs d'entreprise qui évoquent le gel des crédits. "Les comités de crédit ne se réunissent plus", nous a affirmé un chef d'entreprise. Cette ambiance, pour le moins délétère, n'est évidemment pas faite pour attirer les investisseurs, notamment étrangers, dont le pays a grandement besoin. La mauvaise gouvernance de l'économie algérienne, faite d'entraves à la liberté d'entreprendre et de changements juridiques permanents, constitue, malheureusement encore, un obstacle au développement et à la création d'entreprise. Signe de défiance ou d'incompréhension du rôle du secteur privé, ou les deux à la fois ' Cette question de la place du secteur privé et, en conséquence, du rôle de l'Etat dans la sphère économique est la ligne de crête à franchir pour bâtir la nouvelle économie algérienne. Car s'il est indispensable pour l'essor de l'entreprise, un climat des affaires aussi favorable soit-il ne peut, à lui seul, garantir le développement entrepreneurial dans un pays où la justice donne l'impression d'être instrumentalisée, où les préjugés sont particulièrement défavorables aux entrepreneurs, notamment privés, tous considérés par l'administration comme des délinquants potentiels dont l'enrichissement serait suspect.

Meziane Rabhi


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