Algérie

Ingérence : quand Macron se préoccupe de l'Algérie... !



Décidément, le président de la République française est souvent victime de ses propres postures politiques. Se voulant vertueux dans ses rapports internationaux, là où d'ailleurs plusieurs d'entre ses prédécesseurs ont lamentablement montré leur archaïsme, il se surprend à s'ériger en donneur de leçons au point où, en se fourchant, sa langue lui fit commettre les pires lapsus et le retrouve en train de disserter sur des sujets délicats à l'origine de tant de quiproquos. Ceci a été justement le cas récemment lorsque, en voulant profiter de l'opportunité d'une interview, il estima judicieux de tresser des éloges au chef de l'Etat algérien. Il pouvait, certes, se contenter de ce message de sympathie qui n'engageait en définitive que la relation bilatérale qu'ils ont amorcée de concert. Or, il fit le contraire en rajoutant à ce dithyrambe personnalisé une analyse ciblée de la situation politique d'une Algérie en pleine mutation et pour laquelle il suggérait des solutions en s'engageant à « aider » le maître d'?uvre qu'est le Président Tebboune !Mais alors que signifie a priori une aussi tendancieuse analyse ' Sauf à s'y méprendre, il s'agit là d'une ingérence dans les affaires intérieures d'un pays souverain. Au moment où le chef d'Etat algérien peaufine le délicat dossier consacré à l'historique « réconciliation des mémoires », le locataire de l'Elysée évoque, certes, le futur pacte tout en mettant l'accent sur la situation préoccupante que connaît actuellement l'Algérie. D'où le sentiment ténu qui ronge l'opinion algérienne laissant entendre que la France a toujours des difficultés à gommer de son vécu les remugles de l'esprit de l'empire. Car, malgré le désagréable souvenir de cette moisissure historique, elle ne sait opposer que de dérisoires vanités. Il est vrai que de ce côté-ci de la « mare », l'on demeure dans une incertitude jamais balayée quant à l'évolution des esprits en France. C'est dire que l'on sait peu de choses de la mentalité qui prévaut à propos du passif colonial.
Même si l'Algérie officielle avait exprimé, par le passé récent (2017), sa satisfaction quant à la disponibilité qu'avait exprimée Macron, il n'est pas sûr que ce dernier n'exigerait pas d'autres contreparties dès que s'esquisseront les possibilités structurant le futur pacte franco-algérien. En effet, rien ne dit ni ne prédit que le très attendu réexamen du passé se limitera ou se contentera de faire prévaloir une nouvelle entente morale entre les deux nations. Même si le qualificatif de « sincère » est partagé étonnamment par les deux Présidents, l'on n'ignore guère que la déontologie en politique est plutôt fondée sur la ruse et les marchandages qui sont autant de négations à la sincérité.(1 et 1-bis) C'est dire que l'honnête précurseur du pacte mémoriel qu'est le duo composé de Macron et Tebboune n'hésitera pas, par la suite, à ce que l'on songe à l'élargissement des relations bilatérales. Or, si l'on estime de nos jours que celles-ci portent toujours les stigmates d'une histoire tourmentée, elles le doivent avant tout à l'incapacité réciproque de mettre sur la table cette pomme de discorde que fut l'atroce guerre coloniale. Il est vrai que, depuis 1962, rares furent les grandes consciences qui désirèrent instruire objectivement les procès de cette séculaire exploitation des peuples.
Trop d'imbrications politiques mais aussi d'immenses enjeux personnels sabotèrent les initiatives à leur émergence. La politique de la dissuasion s'imposa sous tous les régimes afin d'empêcher les tribunaux de l'Histoire de siéger. À partir du fameux tropisme franco-algérien, l'on parvint, en effet, à escamoter la préoccupation morale de la repentance dans la perspective d'une coopération prétendument profitable à l'ex-colonisé. Il n'en fut rien évidemment de cette parenthèse économique, laquelle réduira des populations entières au minimum vital. Autrement dit, sous la menace des disettes que seules les politiques sociales de l'Etat réussirent à endiguer dans les « zones d'ombre », comme vient de les nommer le nouveau régime.
Si la frilosité semblait mesurée du côté algérien, c'est parce que nos dirigeants n'avaient pas l'aptitude d'imposer l'ouverture du grand dossier de l'Histoire dont l'acte d'accusation impliquera naturellement l'ex-colonisateur, devenu, par la suite, partenaire et donneur d'ordre !
À la suite de la longue maladie de Bouteflika (mai 2013-printemps 2019), la persistance d'un étrange vide au sommet de l'Etat impossible à suppléer correctement si ce n'est en désignant, entre autres, un facétieux Premier ministre, de moins en moins écouté, n'avait pas échappé aux chancelleries étrangères. Durant un septennat, le pouvoir d'Alger allait se transformer en laboratoire où l'on expérimentait les diverses versions de la néo-autocratie. Celle qui parvint à désigner un Président fictif, organiser régulièrement la totalité des scrutins compatibles avec les concepts de la démocratie, ratifier les grands accords internationaux, et exiger surtout à ce qu'elle siège au sein des institutions internationales, dont les raisons d'exister s'attachent au contrôle et à la diffusion des principes du domaine qui les concerne en particulier.
De cette longue parenthèse date justement cette « République algérienne » qui porte la marque de l'irresponsabilité et la preuve que dans tout pouvoir se cache un faussaire de l'avenir ! Cela étant, le partenaire français actuel connaissait bien l'origine de cet effondrement qui avait coûté à son peuple une inimaginable régression. Sans état d'âme, Paris et son Elysée n'ont, à aucun moment, estimé qu'il était amoral de leur part de ne pas dénoncer le bouteflikisme qui s'imposait comme le talisman d'un peuple. Bien au contraire, cette vieille puissance impériale s'était longtemps plue dans le rôle de prédatrice, s'érigeant en tutrice d'un régime de maffieux. D'où la difficulté aux Algériens d'accorder du crédit aux jugements émanant de Paris.
B. H.
(1) C'est à Winston Churchill, chef du gouvernement britannique durant la Guerre mondiale 39-45, que l'on doit la formule suivante : « L'Angleterre n'a pas d'amis, seulement des intérêts .»
(1-bis) L'on retrouve étonnamment le même vocable de « sincère », pourtant rarissime en politique, pour ne pas dire incongru, et cela aussi bien chez Tebboune que chez Macron, pour qualifier « l'autre ».


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