Algérie

Ingérence : le discours face à la réalité



Si les Algériens ont clairement rejeté, dès le début du mouvement du 22 février, toute ingérence étrangère, la réaction du pouvoir et des candidats à la résolution du Parlement européen ne suscite pas une grande adhésion populaire.Elle passait, hier, en boucle dans tous les flashs d'information des médias du pouvoir, y compris sur la radio publique Chaîne III, replongée dans ses travers, après un intermède de "liberté" de quelques semaines : la résolution du Parlement européen adoptée jeudi et la cascade des réactions qu'elle a provoquées ont constitué l'essentiel de l'actualité mise en avant par les médias publics et les télés privées durant tout le week-end.
Toutes les réactions enregistrées depuis l'annonce du débat en milieu de semaine écoulée ont été relayées, y compris celles du Parlement arabe, de l'ambassadeur chinois ou encore des partis de la défunte alliance présidentielle, FLN et RND, et de certaines organisations satellites, à l'image de l'UGTA, de l'Onec ou encore de l'UNJA ou du Cnes.
Particularité : à quelques exceptions près, toutes les réactions émanent des structures qui ont servi le régime de Bouteflika et qui constituent la base politique du système. Alors qu'elles passent sous silence le mouvement qui s'exprime chaque vendredi et chaque mardi, de nombreuses télés et radios ont utilisé les gros moyens pour couvrir la marche d'hier à laquelle a appelé l'UGTA à Alger, une marche qui s'est déroulée sous haute surveillance policière. Un présentateur d'un journal d'une télé privée s'est cru même en devoir de corriger l'"envoyée" sur place qui parlait de la présence de "dizaines" de manifestants, en lui soufflant qu'il s'agissait plutôt de "centaines". La télé publique, elle, a consacré près d'une dizaine de minutes à la marche en question avec, comme d'ordinaire, de gros plans sur la manif, histoire d'accréditer la thèse de son "importance".
Si les Algériens, très sensibles à la question, ont dès le début du mouvement, en février dernier, exprimé clairement le rejet de toute ingérence étrangère, qu'elle qu'en soit la nature, comme on a pu le voir à travers des slogans rédigés même dans la langue de Shakespeare, il reste que la réaction épidermique du pouvoir et des candidats, confrontés à une laborieuse campagne, ne suscite pas une grande adhésion populaire. Même lors des marches du vendredi, on a peu fait cas de cette résolution. C'est que, désormais, on ne croit plus aux cris d'orfraie des tenants du pouvoir, avec lesquels la confiance est rompue.
Et pas seulement : les arguments pèchent par quelques contradictions, comme l'ont relevé de nombreux internautes. Outre qu'elle n'est pas contraignante, la résolution n'évoque que les "arrestations, les intimidations et les violations des libertés", des dossiers dans lesquels l'Algérie est tenue par ses engagements internationaux. Mais, au-delà, certains s'interrogent sur le sens à donner à ce rejet sélectif de l'ingérence étrangère dans nos affaires intérieures. Des épisodes qui auraient pu, à raison, susciter l'indignation de ceux qui crient aujourd'hui à l'ingérence et qui ont été passés sous silence ne manquent pas : la réaction de certaines instances étrangères à cette prétendue "ingérence", ou le soutien apporté par d'autres capitales à l'élection, relayées par les médias locaux, l'exposé d'Abdelkader Bensalah devant Vladimir Poutine sont, dans un sens ou dans l'autre, des immixtions dans un débat politique interne à l'Algérie.
On peut citer aussi la contribution de certaines compagnies dans l'élaboration d'un texte de loi, révélée par un ministre, non pour la déplorer, mais pour s'en féliciter.
Il y a manifestement des ingérences dont le pouvoir et ses soutiens s'accommodent. Les tenants du pouvoir, espérant titiller l'orgueil des Algériens pour les amener à changer de regard sur l'élection présidentielle du 12 décembre, n'expriment, à vrai dire, qu'un désarroi face à un rendez-vous électoral qui ne suscite pas une réelle adhésion du peuple. Et l'histoire nous apprend que partout dans le monde, l'ingérence étrangère prend souvent comme point d'appui le manque de légitimité des pouvoirs en place.

K. K.


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