Le gouverneur de la Banque d'Algérie peut
prédire l'inflation et l'expliquer. Cela tombe bien, la lutte contre la hausse des
prix est devenue la toute première priorité de la Banque d'Algérie en 2011. Les
prix, tous les prix ? Mohamed Laksaci continue de
botter en touche dès qu'il s'agit du coût des transactions dans l'autre système
financier. Celui qu'alimente le dinar noir et qui a enflé en 2011.
« Nous sommes, depuis
l'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit en août 2010, légalement
comptables de la maîtrise de l'inflation» a déclaré Mohamed Laksaci
lors d'un séminaire organisé à la «Villa Joly» siège de l'institut d'émission
algérien. Le gouverneur de la
Banque d'Algérie (BA) a montré à cette occasion que la
maîtrise de l'inflation «est devenue l'objectif premier et ultime» poursuivi
par son institution. «Nous avons 3,9% d'inflation en Algérie en 2010. La moyenne
dans la zone Afrique du Nord Moyen-Orient (MENA) à laquelle nous appartenons
était de 6,9% et de 6,2% pour l'ensemble des pays en développement» a rappelé
Mohamed Laksaci pour qualifier de «relativement bonne
tenue» la performance algérienne sur le front de l'inflation. «Beaucoup
d'économistes ont pensé que la croissance rapide des dépenses publiques depuis 2006
allait provoquer un dérapage inflationniste. Ce n'est pas le cas parce que nous
avons une politique suivie de contrôle des excédents de liquidité». La masse
monétaire – connue sous M2- a encore évolué moins vite que les crédits à
l'économie au premier trimestre 2011 (5,5% contre 7,2%). Le gouverneur de la Banque d'Algérie a reconnu
toutefois que la tâche était rendue plus aisée par le fait qu'une partie des
excédents était maintenue hors économie avec notamment les dépôts de Sonatrach ou encore une grande partie du Fonds de
régulation des recettes (FRR) budgétaires. Le séminaire tenu sur le thème de
«l'inflation et de la politique monétaire» a permis la présentation de deux
modèles économétriques produits par la direction des études de la BA. Le premier situe à 62%
l'incidence de la politique monétaire dans l'inflation. L'inflation importée
compte pour 22% dans l'inflation algérienne ce modèle, présenté par M Mansouri, qui repose sur des séries de 10 années. Cette
ventilation de la causalité de l'inflation met en relief l'importance des choix
de politique monétaire dans le contrôle de l'inflation, même si dans le débat
un intervenant a remis en cause les fondamentaux qui définissent le taux de
change réel et donc la part réelle de l'inflation importée dans l'évolution des
prix à la consommation en Algérie. Le second modèle permet une prévision de
court terme «à la première décimale» de l'indice des prix à la consommation (IPC).
Sa robustesse a été vérifiée. Il permet désormais à la Banque d'Algérie de prédire
l'inflation à venir – sur trois mois – grâce à l'interprétation de l'inflation
passée. La prévision en mars pour avril était quasi identique au chiffre de l'ONS (3,71%). Ce qui a permis à Mohamed Laksaci
d'affirmer que «l'inflation en Algérie est dans le trend de la prévision de 4%
que nous avons établi pour l'année 2011».
Un double système
financier
L'inflation est
donc devenue, de manière formelle, la première variable de l'action de la Banque d'Algérie a
longuement expliqué Mohamed Laksaci. La confection
des deux modèles l'un explicatif, l'autre prévisionnel permet un rattrapage
dans la modélisation des indicateurs de la conjoncture, et de futures
anticipations dans les inflexions de politique monétaire. Au-delà, le séminaire
«inflation et politique monétaire» auquel participaient, entre autres, tous les
directeurs généraux des banques de la place, n'a fait qu'effleurer La question
des arbitrages de la politique monétaire. Un débat s'est toutefois ouvert sur
la pertinence du taux de change réel, considéré par le gouverneur de la Banque d'Algérie comme «la
variable clé» dans le traitement de l'équilibre extérieur de l'Algérie. M. Abderrahim directeur des statistiques a dû rappeler les
fondamentaux universels qui contribuent à sa fixation et qui comportent selon
des pondérations non précisées, le solde budgétaire, le taux démographique, la
balance des paiements, la croissance économique, le prix du pétrole, le degré
d'ouverture de l'économie, et les dépenses budgétaires. «Depuis 2003, 2004 le
FMI a admis que le taux de change réel algérien était à l'équilibre. Ces
experts reviennent de temps à autre à la charge pour qu'il soit ajusté et nous
défendons la pertinence de notre modèle de fixing sur la base du fait que rien
n'est arrivé de majeur qui justifie qu'il soit changé» a expliqué Mohamed Laksaci. La capacité nouvellement acquise de la Banque d'Algérie à prédire
l'évolution de l'IPC a été relativisé dans
l'intervention du professeur El Ghouffi, ancien cadre
à la BA, qui a
évoqué le processus de «désintermédiation financière» en cours et de
l'émergence d'un double «système financier» en Algérie. Une partie croissante
des prix des transactions échappe à l'observation de l'ONS.
«A quoi cela est il dû ?» s'est interrogé ingénument l'intervenant ; «à la
faible bancarisation ? Au retard de la monétique ? A la faible rémunération des
dépôts ?». A quoi le gouverneur de la
Banque d'Algérie a habilement répondu que c'était là le
programme d'un autre séminaire. Il a d'ailleurs éludé de la même manière la
réponse à la question d'un journaliste sur le bond à 40% de l'écart entre le
taux de change officiel du dinar et son cours sur le marché parallèle «Nous
faisons ce qu'il faut pour que la parité du dinar soit à l'équilibre et tout
démontre depuis des années qu'il l'ait. Le reste n'est pas de notre ressort».
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Posté Le : 07/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane
Source : www.lequotidien-oran.com