Algérie

INFILTRATORS DE KHALED JARRAR PROJETÉ à ALGER



INFILTRATORS DE KHALED JARRAR PROJETÉ à ALGER
C'est à la fois un film documentaire et une transposition brute d'une atroce réalité que le public de Dar Abdeltif a découvert, avant-hier jeudi, lors de la projection de Infiltrators de l'artiste et réalisateur palestinien Khaled Jarrar.En résidence depuis une semaine chez l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), Khaled Jarrar doublement primé au Festival de Dubaà? n'est pas un artiste ordinaire : il est capitaine de la Garde présidentielle de l'Autorité palestinienne, où il a débuté comme garde du corps de Yasser Arafat, mais aussi plasticien, photographe et réalisateur de documentaires. Son dernier film Les infiltrés (1h30) est une captation brutale d'une réalité souvent insoutenable : le mur d'apartheid dressé par l'Etat israélien et les risques quotidiens que prennent des centaines de Palestiniens pour l'enjamber, qui pour chercher du travail à Jérusalem, qui pour voir sa famille prise en otage de l'autre côté, qui pour prier à la mosquée d'El Aqsa. Khaled Jarrar ne s'épargne aucun danger pour suivre ces transgresseurs des frontières racistes qui usent de moyens dérisoires (barres de fer, échelle en bois, etc.) pour escalader le Mur. Une fois de l'autre côté, trompant la vigilance des Jeeps israéliennes, ils seront transportés en vrac par des conducteurs de fourgons palestiniens qui leur font payer la course. Le réalisateur court, s'essouffle, guette également les voitures de police et filme des parallèles inquiétants entre l'homme qui franchit l'Apartheid et une patrouille passant au loin. On verra d'ailleurs certains d'entre eux se faire capturer et maltraiter par un policier avant d'être embarqués. Mais il ne s'agit pas uniquement de briser les barrières de cette prison à ciel ouvert : l'on fait aussi la connaissance de familles entières empruntant les canalisations et cassant des blocs de pierre pour sortir à la lumière. On y voit des femmes, des enfants et même un nourrisson traverser une rivière d'égouts et d'obscurité avec le risque permanent de se voir engloutir par une chute de pierres. Plus tard, nous découvrirons ces portes blindées qui font également partie du mur et qui séparent les membres d'une même famille : une vieille femme s'y rend régulièrement pour toucher les doigts de sa mère à travers un chétif entrefilet par lequel cette dernière lui fait passer les photos de son petit fils”? L'émotion est, certes, au rendez-vous à chaque instant de ce film tant les images d'une injustice à la fois impunie et surréelle défilent sans la moindre voix-off orientant le regard ni d'excès de discours direct : seulement l'impact psychologique de ce que l'on voit et la parole donnée à ces femmes et hommes défiant chaque jour la répression israélienne. Il s'agit bel et bien d'un drame humain mais il est intéressant de souligner qu'il n'est pas toujours question de pleurs ou de cris d'indignation chez les personnes filmées ; il y a également, et très souvent, de l'humour, de la légèreté et une certaine force tranquille qui suintent dans leurs gestes et leurs répliques. Seulement, et bien qu'il ait filmé ces scènes d'un quotidien cruel dans l'urgence et le risque, Khaled Jarrar semble habité par le même empressement lors du traitement et du montage de sa matière visuelle. Il y a, en effet, une volonté de garder le caractère brut et brutal des images mais s'il y réussit souvent, il n'en demeure pas moins incapable de créer une matière cinématographique au-delà du contenu documentaire. Pourtant, l'artiste connu également pour ses interventions «sauvages » sur le Mur, est loin d'être un manchot en esthétique et on voit d'ailleurs dans son film quelques tentatives de transcender l'objet filmé et de l'enrichir avec des moments de silence, des travelings éloquents”? Aussi, sans doute attaché à l'importance capitale de son fond visuel, Jarrar tombe parfois dans la redondance et la répétition, ce qui altère sérieusement le rythme de son récit et gêne son intensité dramatique. Celle-ci est d'autant plus suffisante à elle-même sans aucun besoin de revenir plusieurs fois sur des images déjà montrées, qu'elle ne cède rien au pathos ni au misérabilisme. Dignes du début à la fin, Les infiltrés et Khaled Jarrar nous auront donné une bonne leçon de courage, de résistance et de témérité.




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