Algérie

Incompétence ou mépris '



Incompétence ou mépris '
A croire que les feux qui déciment chaque été le couvert végétal du pays ont épargné des arbres éligibles au statut d'arbre témoin, à l'image de l'appartement fin-prêt censé donner un aperçu d'un ensemble d'habitations en voie d'achèvement. Cet arbre témoin, c'est «l'arbre qui cache la forêt». Présent sous forme de conifère ou d'acacia abondamment épineux, il a bien proliféré ces derniers temps sur les terres arides et généreuses de la corruption et de l'incompétence. Au rythme où vont les choses et les révélations, les vraies comme les fausses, bientôt beaucoup de titulaires de pouvoirs décisionnels ne seront vus que comme des arbres dont le feuillage sert à voiler aux regards impudiques des forêts entières d'opérations de corruption, prédation, rapine, lucre, stupre et luxure.
Faites un tronçon de l'autoroute Est-Ouest et à la première secousse qui ébranle votre véhicule au passage sur une crevasse, vous voyez un Chinois remettant de grosses enveloppes pleines de dollars à des ordures d'Algérie. Les images subliminales qui s'incrustent dans notre subconscient sont nombreuses, envahissantes et se confondent quasiment avec une quotidienneté ordinaire et banale. Il n'est pas jusqu'au pain quotidien, aliment par excellence du pauvre, qui ne soit lesté d'eau et de soi-disant «améliorant» en surpoids et qui en font une denrée périssable sitôt sortie du four. Ceux qui savent, peuvent réagir et laissent faire sont les complices objectifs d'un vol à ciel ouvert et d'une atteinte avérée à la santé des consommateurs. Comme quoi l'arbre qui cache la forêt - ici, celle d'une démission des autorités- peut se nicher, comme le diable, dans un détail pas plus gros qu'une bouchée de pain. Mais la meilleure est à venir.
La semaine dernière, plutôt vers la fin, un autre «arbre cacheur de forêt», aussi épais que le baobab d'Afrique tropicale est venu se rappeler au bon souvenir des Algériens. Précisons tout de suite, pour bien suivre le fil du raisonnement, que l'«arbre à palabres», autre nom sous lequel est désigné le baobab, est si sacralisé par certaines cultures africaines qu'elles interdisent de le couper ou de l'abattre. Ce n'est pas un secret, l'arbre a bien prospéré en Algérie, plus particulièrement au cours des derniers lustres. En effet, l'arbre qui cache la forêt peut, certes, être celui de la corruption, mais il présente de plus en plus une autre particularité : comme le baobab, il est aussi l'arbre à palabres, verbiages stériles et engagements et promesses à l'emporte-pièce sans respect pour la parole donnée. Les deux phénomènes ayant sans doute cheminé ensemble, se servant mutuellement de béquille, le mensonge et la corruption sont désormais les deux faces d'une même pièce.
Rabroué par l'Autorité de régulation de la poste et des télécoms, désavoué publiquement par son collègue des Finances, le ministre des PTT (la nouvelle appellation est difficile à mémoriser) va certainement renoncer définitivement à discourir sous l'arbre à palabres. Son délai de trois semaines écoulé, et l'opération rachat de Djezzy n'ayant pas avancé, le lancement de la 3G, censée moderniser et démocratiser l'accès à l'Internet en Algérie, va probablement être reporté à une date ultérieure. A ce stade, une question d'importance fondamentale : y a-t-il un arbitre dans (ou pour) l'exécutif gouvernemental ' Si c'est le cas, pourquoi alors cette honteuse et lamentable cacophonie qui renvoie du gouvernement l'image d'un appareil «aux abonnés absents» et qui n'éprouve aucune gêne ni honte d'avoir fait du pays l'un des derniers du continent en matière de pénétration de l'Internet '
Question subsidiaire : un arbre pouvant en cacher un autre (comme le train), le baobab du ministre des PTT cacherait-il l'arbre de parties prenantes privées agissant pour le compte de Djezzy et qui ne seraient donc pas spécialement dans les rouages apparents de l'Etat ' L'interrogation ne vaut pas, loin s'en faut, accusation, mais le caractère ubuesque / ridicule pris par le feuilleton de la 3G devrait autoriser l'exploration de toutes les pistes, y compris celle d'une enquête sérieuse par' qui de droit.
A. S.


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