Algérie

Incertitudes


Avant la pandémie de coronavirus, les choses paraissaient claires. Tout s'analysait à l'aune du couple binaire Hirak-Pouvoir. La vie politique était rythmée par les manifestations du vendredi, et samedi pour les étudiants, qui variaient leurs mots d'ordre et slogans en fonction des réactions du pouvoir politique et notamment des interventions de l'ancien chef d'état-major et vice-ministre de la Défense, feu Gaïd Salah. Une vie politique marquée par des moments de fortes tensions, notamment à l'approche de l'élection présidentielle du 12 décembre 2019.Contre toute attente, l'élection présidentielle, marquée par une forte abstention (61%), a quand même eu lieu. Abdelmadjid Tebboune a été élu. Le système que l'on pensait ébranlé a fait montre de capacités de résilience que de nombreux acteurs du Hirak et commentateurs ? moi le premier ? ont sous-estimées. À peine élu, le nouveau Président a annoncé la couleur : une révision constitutionnelle censée fonder une «nouvelle République», dont l'élaboration des grandes lignes a été confiée à un groupe d'experts, avant d'être soumise à un référendum fixé au 1er novembre.
Entre-temps, juste après l'an I du Hirak, le 22 février 2020, la pandémie est arrivée sans s'annoncer. L'Algérie entrait dans une ère différente avec les chiffres quotidiens des victimes du coronavirus et pour effets l'arrêt du Hirak, une dégradation de la situation socioéconomique et financière du pays sur fond de placement en détention et procès de nombreux activistes.
C'est dans ce climat politiquement rigide qu'a eu lieu le référendum précédé d'une campagne référendaire à sens unique, où seuls les partisans du «oui» étaient autorisés à l'animer. Un référendum qui a donné les résultats que l'on connaît, avec un taux de participation de 23,7%, une révision constitutionnelle approuvée par 66% des 23,7% de votants, soit par 3,5 millions de personnes sur les 24 millions d'inscrits, autrement dit approuvée par moins de 14% des électeurs inscrits ! Le constat est là, implacable, ne souffrant d'aucune autre interprétation, le projet de révision constitutionnelle n'a pas convaincu une majorité écrasante d'Algériens.
À l'annonce des résultats, on imagine la déception dans les rangs des partisans du référendum constitutionnel, dont les partis de l'ex-Alliance présidentielle qui escomptaient se refaire une santé à bon compte, et qui ont battu la campagne durant 25 jours. Même déception pour le MSP, Djaballah et leurs amis, qui ont appelé à voter «non» et qui pensaient récupérer tout ou une partie des déçus du Hirak et, par là même, gonfler le taux de participation.
Sur ce est intervenue la maladie du président Tebboune, contaminé par le virus est toujours en soins en Allemagne, une contamination qui pourrait bousculer l'agenda présidentiel, changer la donne, et rebattre les cartes. Il ne faut pas se voiler les yeux, le Covid-19 n'est pas une maladie bénigne, surtout pour la tranche d'âge des plus de 65 ans ! L'Algérie se trouve ainsi en pleine période d'incertitudes. Et de ce fait, le projet constitutionnel devient secondaire. S'il est promulgué, il ne pourra pas l'être à partir de l'étranger !
Au fond, tant la situation sanitaire que la contamination du chef de l'Etat imposaient un report de la tenue du référendum constitutionnel. Mais bon, les décideurs, comme on dit, en ont décidé autrement. Si le chef de l'Etat n'avait pas été hospitalisé à l'étranger, le texte constitutionnel, approuvé par moins de 14% de l'électorat, aurait été promulgué. Car, selon Mohamed Charfi, le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), le taux de participation «ne pose pas de problème, ni sur le plan juridique ni sur le plan constitutionnel», car «dans la législation algérienne, il n'y a pas un seuil qui valide ou annule un scrutin». Non sans préciser malicieusement à l'attention du grand public que «lors de la présidentielle, nous avons gagné un Président halal et lors du référendum, nous avons gagné une Constitution halal» ! Tout est dit.
À jeudi.
H. Z.
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