Algérie

Incapable de faire la fête, l'Etat ferme les salles de fêtes



Quelle est la différence entre le satisfecit et la joie ?La joie est une affaire du peuple ou de l'individu. Le satisfecit est uneaffaire d'Etat, de bilans ou de programmes de relance. Les ministres peuventdonc être satisfaits mais le peuple n'a pas beaucoup d'occasion d'être heureux.La joie est malsaine, un peu malvenue, un peu incorrecte. Pourquoi ? Elle estun peu grossière vis-à-vis de notre million et demi de martyrs, de notredécennie de terrorisme et de notre tradition de peuple grave, héroïque ettragique. Le peuple étant un héros, un héros ne rit pas et ne s'esclaffe passans perdre de sa magnificence. Du coup, la joie est presque impolie. L'heureest trop grave, comme l'histoire comme le reste, nous répète-t-on. D'où l'unedes constances psychologiques du nationalisme et de l'islamisme: l'incapacitéd'être heureux et de rendre heureux et de laisser les gens être heureux.Pour l'Etat, on ne peut faire la fête que face à unpourcentage. Pour les islamistes, on ne peut rire librement qu'au paradis. D'oùla lutte collective de l'Etat contre les salles de fêtes qui sont justementcoupables de « faire des fêtes » après la lutte des islamistes contre les fêtesmixtes. Bien sûr l'Etat a raison: on ne peut pas faire la fête dans desbicoques étiquetées comme salles sans respect des lois. On peut le comprendre.Mais on peut aussi ne pas comprendre le résultat de la fermeture de 80% dessalles de fêtes du pays, réduisant le taux des fêtes algériennes de 80%.C'est-à-dire à la barre minimale des fêtes nationales, des fêtes religieuses etdes fêtes dans les hôtels de luxe. Car, aujourd'hui, pour se marier en Algérie,il ne faut seulement trouver la femme, le logement, l'argent, le travail, ilfaut aussi trouver un endroit pour célébrer le mariage. Les solutionsalternatives ? Les toits des terrasses, les caves, les places publiques, lesmaisons, les hôtels de luxe, les fermes, les appartements prêtés ou ses propresyeux fixés sur les yeux de sa future épouse.Les toits étant occupés par les mal-logés tout comme lescaves, reste les places publiques occupées par les revendeurs ou les jetsd'eau, les maisons trop rares, les hôtels trop riches, les fermes troplointaines, les appartements trop exigus. Ce qui prouve que la lutte contre lahausse des natalités va bien en Algérie. Après les contraceptifs gratuits,l'emploi impossible, les traditions insurmontables, la crise du logement,l'Algérie a donc inventé la fermeture des salles de fêtes pour réduire lesfêtes, les mariages, donc les natalités et donc les reproductions. La nouvellemesure est raisonnable mais elle est impossible à dissocier de la culture de latristesse nationale comme vertu collective.Tout le monde sait que les Algériens sourient mal, rientfaux et que leurs joies sont empruntées, un peu guindées et très artificielles.Fallait-il y ajouter la lutte contre les fêtes par la lutte contre les sallesde fêtes ? Oui. Le deuil national doit continuer pour entretenir lepatriotisme. Nous avons trop souffert, répète l'histoire nationale, pour sepermettre de l'oublier trop facilement. Que vont faire les Algériens coincésentre le conservatisme des moeurs et l'impossibilité de se marier ? Sereproduire par le verbe comme des partis politiques. Se marier collectivementdans le cadre du socialisme caritatif. Se regarder les uns les autres jusqu'àmourir. S'écrire des lettres qui n'arrivent jamais. S'inséminerartificiellement. Se marier dans des arrêts de bus. Ne rien faire et attendrel'extinction de l'espèce puis sa réincarnation en Suisse. Au choix. Peut-êtremême acheter des femmes et se les faire livrer directement sans passer par lesdépenses.Bien sûr le nombre des salles de fêtes ne fait pas la fête.Mais leur rareté ne fait pas la joie. Le pays est déjà trop triste pours'attrister encore plus. Il est fatigué. Tout le monde le sait: les fêtesalgériennes sont féroces. On y mange tout son argent, l'argent qu'on a empruntépuis les invités venus manger. En Algérie, elles ont ce sort triste de servirde duel, de transférer le cannibalisme et d'augmenter la dette des ménages etd'avoir été réduit au même scénario qui va du cortège fou à la pollinisationviolente de l'épouse la première nuit. Fallait-il en rajouter ?


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