Tunis a renoué hier avec les manifestations de rue. Moins de 48Â heures après la forte mobilisation des salafistes pour dénoncer la chaîne Nessma TV, des milliers de citoyens, dont une moitié de femmes, ont investi le boulevard Mohammed V, au centre-ville de la capitale, pour crier haut et fort leur attachement indéfectible aux valeurs démocratiques. La réplique, qui ne s'est pas fait attendre, est au moins d'égale ampleur. Pancartes et drapeau national à la main, les Tunisiens, hier, sont en effet sortis dans la rue en réaction à la marche de ceux qui, vendredi après la prière, ont pris le chemin du Premier ministère pour exiger la fermeture de la télévision Nessma qui a passé un film franco-iranien jugé attentatoire à l'Islam. Une longue procession de manifestants a évolué sur un parcours de quelques centaines de mètres avant d'arriver au siège de l'organisation des droits de l'homme où les services de sécurité ont fait barrage.
La marche s'est déroulée sans incident. Bref moment d'agitation : un homme, la cinquantaine, accompagné d'une jeune fille en foulard, crée le frémissement. L'échange est très animé sous l'objectif des caméras et les regards des curieux. Selon des témoins oculaires, il s'agirait d'un contre-manifestant qui tentait la provocation par le truchement d'une pancarte que la police venait de lui enlever. Selon nos sources, les manifestants auraient obtenu l'autorisation de marcher durant deux heures sur cet itinéraire convenu avec les services du ministère de l'Intérieur, à l'instar des marcheurs de vendredi. La foule, très nombreuse, a scandé des slogans comme «Le peuple veut un Etat civil» ou «Lâche-moi !». Sur des pancartes arborées, on pouvait lire : «Nous sommes pour la liberté d'expression», «On refuse la violence», «Pour la liberté de pensée et d'expression», «La Tunisie est pour tous». Une jeune femme, la trentaine, affirme àªtre venue marcher pour «dénoncer la violence», faisant allusion à ce qui s'est passé notamment vendredi dernier, après les manifestations des salafistes, quand le domicile du patron de la chaîne Nessma TV a été attaqué et qu'on a tenté d'y mettre le feu.
Une maman accompagnée de sa petite fille affiche fièrement sa participation à la manif qui «dénonce la violence, l'extrémisme et défend la liberté d'expression». Cette marche, qui n'est ni partisane ni revendiquée par aucune association, serait à l'initiative d'un certain nombre de personnes qui ont donné l'alerte à la veille de la marche des islamistes. Rachid Cherfi, un jeune blogueur spécialiste en marketing, fait partie des 30 administrateurs de facebook qui en ont lancé l'appel : «Nous avons réagi à la manifestation des intégristes pour défendre notre liberté d'expression. Cela a commencé jeudi et c'est leur manif qui a motivé les gens… Vous savez, nous étions à 500 invitations le premier jour, et c'est la marche de vendredi qui a fait exploser le soir même le compteur pour atteindre les 9000 invitations.» Selon les organisateurs, ils devaient àªtre quelque 4000 à avoir répondu à l'appel.
A-t-on peur d'un projet islamiste en Tunisie '  Sur une pancarte bien en vue, on peut lire «Le 14 janvier, nous avons appelé à la liberté, non au fanatisme».
Deux marches en un intervalle de temps si court ont créé une mobilisation très remarquée des Tunisiens. Deux événements qui, vraisemblablement, sont susceptibles de dessiner une ligne de démarcation entre deux familles politiques que les slogans entonnés et les mots d'ordre exhibés séparent déjà. Mehdi, médecin de son état, attribue en tout cas à cette manifestation l'envergure des trois premières, dont celles, dit-il, qui ont visé à faire tomber le gouvernement Ghannouchi et demandé le départ de Caïd Essebsi.
Il faut dire que la campagne électorale vient de franchir un nouveau palier en l'espace de deux jours. Sans compter que la dernière virée du Premier ministre aux Etats-Unis est source de questionnements sans fin.
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Posté Le : 17/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Benyahia
Source : www.elwatan.com