La hausse des
importations n'est ni une surprise, ni une fatalité. Mais on s'y habitue, comme
on s'habitue au jeûne.
On ne peut parler
de surprise. Par contre, on peut évoquer une dérive, que plus personne en
Algérie ne semble en mesure de contrôler, à supposer qu'il y ait, dans le pays,
des dirigeants qui y pensent encore: les importations algériennes ont atteint
vingt trois milliards de dollars durant le premier semestre 2011, en hausse de
près de quinze pour cent par rapport à l'année passée. Sur l'année, les
importations devraient donc frôler le chiffre symbolique de 50 milliards de
dollars. Et quand il faudra ajouter les services, la facture commencera
réellement à faire peur.
Ce n'est pas une
surprise, car la tendance à l'envolée des importations s'est installée depuis
2005, et se poursuit à un rythme régulier, inexorable. Le pays dans son
ensemble, entreprises, ménages et état, a appris à dépenser à un niveau très
élevé. En cinq ans, les importations sont passées du niveau de 20 milliards de
dollars à leur niveau actuel. Ceci donne une hausse vertigineuse supérieure à
100%.
La distribution
massive d'argent, destinée à acheter la paix sociale, a aggravé la dérive. Des
professions ont obtenu des augmentations de salaires, parfois très importante,
sans que ce cela ne soit compensé par une production quelconque. Ceci a tout
naturellement débouché sur une frénésie de la consommation, à peine atténuée
par une inflation qui se situera probablement à deux chiffres.
En lui-même, le
chiffre des importations n'a pas de signification particulière. Car après tout,
les Etats-Unis importent pour près de 1.500 milliards de dollars, soit trente
fois plus que l'Algérie. Mais ce chiffre devient inquiétant quand il est mis en
relation avec les autres paramètres de l'économie algérienne.
Le premier
paramètre, le plus ancien, concerne le financement des importations, assuré
massivement par les hydrocarbures. L'Algérie n'exporte pratiquement rien
d'autre que le pétrole et le gaz. Elle achète tout. Et plus on parle de
diversification et d'exportations hors hydrocarbures, plus la situation
s'aggrave.
Le second
paramètre concerne la masse des importations, qui atteint le tiers du PIB,
alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, elle se limite à dix pour cent du PIB.
Ceci donne, pour l'Algérie, une consommation très fortement dépendante des
importations, alors que les circuits économiques restent très fragiles. Le
marché interne est très vulnérable, et peut être facilement perturbé ou
manipulé. Les émeutes de janvier l'ont bien prouvé : alors que rien de
fondamental n'avait changé dans la structure économique du pays, des émeutes
avaient embrasé le pays à cause d'un banal dysfonctionnement des réseaux
commerciaux.
Autre sujet
d'inquiétude, l'incapacité établie des autorités à influer sur cette dérive des
importations. C'est probablement la menace la plus grave qui plane sur le pays.
Le gouvernement fait des discours, prend des décisions, multiplie les annonces,
mais cela reste sans aucun effet. La hausse semble inexorable.
Deux exemples
montrent à quel point la situation échappe désormais aux autorités. Le
gouvernement a annoncé un plan astronomique pour soutenir l'agriculture. Des
sommes gigantesques ont été dépenses dans le secteur, donnant lieu à des
détournements massifs. Mais les statistiques des douanes montrent que les
importations de céréales n'ont jamais été aussi élevées, même si le
gouvernement, pris à son propre jeu, a affirmé que le pays pouvait désormais se
suffire et même exporter de l'orge !
Autre exemple de
l'inutilité des mesures gouvernementales, la taxe sur les véhicules neufs.
Introduite dans la loi de finances complémentaire 2009, cette mesure était
supposée mettre fin à la hausse vertigineuse des importations de véhicules, qui
ont frôlé les 300.000 en 2010. Mais cette mesure s'est révélée comme une simple
ponction sur les revenus : les importations de véhicules augmenteront de près
de 20 pour cent cette année encore. Et malgré les promesses répétées de M. Temmar, il n'y a toujours pas de voiture algérienne en vue.
Autre point
d'inquiétude, toutes ces importations n'ont pas d'effet significatif sur la
croissance. Mais ceci est un ancien problème : la structure de l'économie
algérienne est telle qu'il est plus facile d'importer que de produire. Le ministre
craint l'émeute, et il est prêt à tout faire pour l'éviter. Il lui suffit de
signer un chèque, qui permettra à l'importateur d'inonder le marché, y compris
aux détriments de la production locale.
Produire, par
contre, est autrement plus complexe. Qui dépasse, apparemment, la capacité
managériale des dirigeants algériens. Et en ce mois de Ramadhan, il est utile
de le rappeler : Dieu ne demande à l'homme que ce qu'il peut accomplir. Et aux
dirigeants algériens que ce qu'ils peuvent faire : importer.
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Posté Le : 04/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com