Algérie

Impasse de vie



Impasse de vie
Prendre le chemin inverse d'une vie n'est pas une promenade de santéAprès son troisième long métrage (Une femme pour mon fils, 1982), Ali Ghanem fait son retour au cinéma avec Chacun sa vie qui évoque le thème peu abordé du retour. Celui d'un émigré algérien à la retraite qui n'a pour seul credo que de regagner son lieu natal, Jijel, où ses économies de trente années de chantiers et d'usines, puis de toilettage des morts musulmans dans une morgue d'hôpital, ont fait pousser une maison.Mais ses trois enfants sont hostiles au projet ainsi que leur mère attachée à rester auprès de sa progéniture. Ali Ghanem a eu besoin de plusieurs années pour faire aboutir son projet. «Je venais d'écrire trois scénarii mais, bien que j'ai obtenu l'avance sur recettes française pour l'un deux, il n'avait retenu l'attention d'aucune production», déplore-t-il, ajoutant : «Tous ne disaient pas qu'il n'y avait plus de place pour des films traitant de l'immigration ou des problèmes sociaux».De fait, il suffit de voir les films à l'affiche pour constater que la thématique des banlieues a largement supplanté la problématique des premières générations. «Un jour, alors que je passais le temps, assis à la terrasse d'une brasserie du 20e arrondissement, relate Ali Ghanem, mon attention fut attirée par un maghrébin à une table proche, le visage inondé de larmes. Il me raconta qu'il était à la retraite, qu'il n'en pouvait plus de tourner en rond en France, qu'il avait toujours voulu rentrer en Algérie, mais que sa femme et ses enfants refusaient de le suivre.Il était désespéré, se sentant abandonné, trahi et inutile. Profondément ému par son histoire, j'ai décidé d'en faire un film». Ses économies vite dépensées, Ali Ghanem s'adresse à Habib Chawki Hamraoui, alors PDG de l'ENTV, qui lui alloue sur le champ 70.000 euros qui viennent s'ajouter à une dotation équivalente de la manifestation «Alger 2007, capitale de la culture arabe». Le film ira à son terme.Le récit de Chacun sa vie est construit en plusieurs flashback, son héros/comédien Ahmed Taybi ayant joué déjà dans L'Autre France (1974) avec le regretté Salah Teskouk (Mohamed), permettant ces judicieux retours en arrière. L'ouverture du film voit Ahmed Taybi en partance en bateau pour Jijel faire un malaise cardiaque pendant lequel sa vie passée va se dérouler.Scènes de travail à la morgue, rencontre puis décès de son ami, affrontements verbaux avec son épouse et ses enfants, défilent au long du récit bien mené au point de cerner avec pertinence cette impasse existentielle. A son arrivée, il constate que sa maison est occupée, que son frère a soutiré de l'argent de son compte et l'a écarté de l'héritage familial. De l'autre côté de la Méditerranée, chacun des enfants mène son projet de vie. L'aînée, Malika part travailler à Marseille. Nadira, la plus jeune, entreprend de brillantes études de piano et Farouk se contente de petits boulots tout en aspirant à ?uvrer dans une Maison de jeunes.Scénario bien écrit, mise en scène simple mais efficace, interprètes convaincants, le «filmage» est une réussite. Au fond, Chacun sa vie vient boucler une sorte de trilogie avec Mektoub, ses chantiers et ses foyers, et L'Autre France qui dénonçait le racisme ambiant de la société française des années 70.Le natif de Aïn Fekroun a d'autant plus de mérite que son parcours de cinéaste est des plus atypiques. Fils de paysan, sa découverte de l'univers des images animées dans un cinéclub à Sidi-Mabrouk va provoquer un déclic chez le jeune homme de 17 ans. «Je voulais faire ce métier même en étant ignorant de ses processus. Arrivé à Paris avec un CAP d'électricien, au début des années 60, j'ai fréquenté le Quartier Latin des artistes et intellectuels, jusqu'au jour où le regretté Sembene Ousmane qui venait de tourner La Noire de? me mit le pied à l'étrier avec des emplois de figurant.Parallèlement, je parfais ma formation de réalisateur autodidacte en me rendant assidument, avec mon salaire d'électricien, à la cinémathèque française de Chaillot et de la rue d'Ulm. Avec mon premier film, j'étais réalisateur». Il arrive parfois, la volonté et la passion aidant, que les rêves deviennent réalité?




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