La flambée des prix des logements n'est pas due, comme on serait tenté de le croire, à une hausse des coûts de la construction, même si elle y participe quelque peu, mais aux dysfonctionnements du marché immobilier exacerbés par une insuffisance chronique de l'offre, notamment dans les grandes villes côtières où la majeure partie de la population algérienne s'agglutine.
La concentration de l'essentiel de la production d'habitat entre les mains de l'Etat tend à pérenniser cette tension inflationniste pour la simple raison que les 200 000 à 220 000 logements sociaux, ruraux et locatifs construits chaque année, ne sont pas destinés à être versés au marché immobilier mais aux ménages concernés, auxquels il est strictement interdit de les revendre ou de les sous-louer. Toute la production publique de logements, et c'est de loin la plus importante, est ainsi soustraite au marché immobilier (achats et ventes au gré des mécanismes de l'offre et de la demande) qui tarde, en grande partie pour cette raison, à émerger.
Le marché immobilier algérien n'est en conséquence alimenté en produits neufs que par les quelques promoteurs publics et privés en activité et, bien entendu, les autoconstructeurs qui ne livrent, tous confondus, qu'une dizaine de milliers de logements par an. Soit à peine 20 000 à 25 000 unités destinées à la vente ou à la location par le truchement du marché libre. Une quantité évidemment trop faible pour permettre à ce marché de prendre de l'essor et d'activer dans la transparence.
Il est vrai que périodiquement l'Etat procède à la vente d'une partie de ses logements (cession de biens immobiliers de l'Etat en 1982 et 2002), mais ces vagues de privatisation n'ont pu créer qu'un léger frémissement sur le marché immobilier alimenté, comme on le sait, par des offres illicites en provenance de ménages qui vendent ou sous-louent des logements sociaux, locatifs ou ruraux que l'Etat a mis à leur disposition sous réserve de ne pas les revendre avant une période minimale de 5 ans. Les annonces immobilières prolifèrent, comme on peut le lire fréquemment dans les rubriques immobilières d'offres de vente ou de location de logements, y compris les programmes AADL pourtant soumis à l'obligation légale d'incessibilité. Le phénomène s'étant massifié, il ne faut évidemment pas compter sur l'Etat pour remettre de l'ordre tant les risques de dérapage en conflits sociaux graves sont grands.
14 millions de dinars pour un F3
Cette tendance de l'Etat à promouvoir par ses seuls moyens l'écrasante majorité des programmes d'habitat au lieu d'en confier une partie significative à des promoteurs immobiliers publics et privés, qui réaliseraient des logements de divers goûts et coûts au profit de citoyens qui en feraient l'acquisition au gré de leurs revenus, est de nature à pérenniser les pratiques illicites sur le marché immobilier qui n'arrive pas, en grande partie pour cette raison, à sortir de la clandestinité. Il est vrai que bon nombre d'agents immobiliers trouvent leur compte dans le confort de cette clandestinité qui permet d'engranger d'énormes profits échappant au fisc et à tout contrôle.
A titre d'exemple, un F3 réalisé par l'Etat à Said Hamdine (Hydra) à environ 1,8 million de dinars est aujourd'hui proposé à la vente à pas moins de 14 millions de dinars. Dans un autre quartier similaire, le locataire d'un logement social au loyer modique de 4000 DA est parvenu, bravant toutes les interdictions en la matière, à le sous-louer au prix de 35 000 DA par mois en conditionnant de surcroît la location par une avance représentant une année de loyer. Ces personnes ne verseront bien entendu rien au Trésor public puisque les transactions se sont déroulées dans la clandestinité.
Chacun de nous compte parmi ses relations au moins une personne qui, par ses solides accointances avec une haute personnalité, a obtenu un logement ou un terrain (si ce n'est les deux à la fois) et qui, sans aucune valeur ajoutée aux biens généreusement offerts, sont subitement devenus milliardaires. Notre conviction est que le marché immobilier algérien persistera dans ce type de dysfonctionnements tant que l'Etat, qui a pourtant conscience que le logement est avant tout un bien économique, ne favorisera pas l'émergence en nombre de promoteurs immobiliers qui réaliseront des logements ciblant diverses bourses.
Eux seuls seraient en mesure de créer le marché immobilier auquel l'Algérie aspire. Un marché basé sur une offre conséquente et diversifiée de logements destinés à différents segments de la demande solvable que les promoteurs, notamment privés, savent si bien détecter. C'est une activité qui pourrait considérablement se développer dans notre pays où pratiquement toutes agences immobilières en activité sont intéressées par ce créneau, nonobstant les nombreuses entreprises qui ne rechigneraient pas à y prendre part tant les profits que génère l'immobilier sont généralement importants. On sait que la législation algérienne leur est largement favorable mais, comme pour bon nombre de nos textes de loi, c'est au niveau de l'application que les problèmes se posent.
L'absence ou l'extrême cherté des terrains, la tiédeur des banques quand il s'agit d'accompagner financièrement les promoteurs et la lourdeur des prélèvements obligatoires constituent autant d'obstacles à l'émergence de la promotion immobilière en Algérie.
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Posté Le : 25/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nordine Grim
Source : www.elwatan.com