Voilà l'histoire
d'une femme du Maghreb qui a suivi son époux, munie d'un visa qui arriva à
expiration… et qui ne put accéder à sa régularisation administrative relative à
son séjour, alors même qu'elle est mère de trois enfants nés en France et que
son époux est titulaire d'une carte de résidence de dix ans et présent sur le
territoire français depuis les années soixante-dix.
Un fait mérite
d'être particulièrement souligné : en raison de l'aberration administrative,
elle ne put se rendre dans son pays d'origine, sans abandonner ses enfants et
son époux, lorsqu'elle fut avisée téléphoniquement de la mort de son père
décédé en Tunisie. Elle a sollicité de l'Administration un titre de séjour dans
le cadre du regroupement familial, ayant contracté mariage dans son pays
d'origine avec l'un de ses compatriotes qui réside régulièrement en France
depuis plus de trente ans et dont la carte de résidence était encore valable
pour de nombreuses années. Or, elle s'est vue purement et simplement signifier
un refus de délivrance du titre de séjour demandé au motif qu'elle ne
justifierait pas d'une entrée régulière par la production d'un visa délivré par
les autorités consulaires françaises en Tunisie. La décision de refus a cru lui
devoir préciser que : « Vous n'avez pas d'enfants. Je considère donc que ma
décision ne porte pas atteinte à votre droit de mener une vie familiale
normale, celle-ci pouvant se reconstituer sur le territoire français dans le
cadre de la procédure de regroupement familial. Aucun motif ne contrevient
ainsi à ce que vous regagniez votre pays d'origine ou un Etat tiers… » !
Après deux vains recours, l'un gracieux à la
Préfecture, l'autre hiérarchique au Ministère de l'Intérieur, elle a entendu
contester la décision préfectorale auprès de la Juridiction administrative dans
la mesure où elle a estimé qu'elle est entachée d'erreur manifeste
d'appréciation de sa situation.
En effet, mariée depuis plusieurs années avec
un ressortissant tunisien résidant régulièrement en France avec lequel elle a
un enfant, elle fait observer que l'erreur de la Préfecture dont s'agit est
établie puisque, au moment du dépôt de sa demande de titre de séjour, un enfant
était déjà né.
En outre, elle a exposé qu'elle est enceinte
depuis plusieurs mois et doit donc accoucher incessamment. Par ailleurs, elle
précise qu'elle justifie d'une entrée régulière en France puisqu'elle a
présenté à la Préfecture un passeport revêtu d'un visa délivré par le Consulat
Général de France à Tunis.
Ainsi, il est constant qu'il résulte de ces
éléments une erreur manifeste d'appréciation de sa situation. En conséquence,
les motifs invoqués par la décision de rejet et soumise à l'appréciation du
Tribunal aux fins d'annulation ne pouvaient d'évidence prospérer dans ce cas
d'espèce dès lors même que cette décision se révèle être une atteinte
disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Ce d'autant plus que, par arrêté préfectoral
subséquent, sa reconduite à la frontière fut décidée au motif qu'elle s'est
maintenue en France plus d'un mois à compter du refus de délivrance de titre de
séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire français.
Par jugement dûment motivé, le Tribunal
administratif de Paris a entendu annuler cet arrêté. Un geste de bon augure de
la Préfecture est venu lui redonner beaucoup d'espoir puisqu'une autorisation
provisoire de séjour lui a été établie et une convocation afin de
renouvellement de celle-ci lui a été délivrée. Or, contre toute attente, au
jour du rendez-vous, il lui a été de nouveau remis une invitation à quitter le
territoire ! Cette décision est manifestement une disproportionnée, eu égard à
sa situation privée et familiale car désormais mère de trois enfants en très
bas âge et tous nés à Paris.
Derechef, elle se voit contrainte d'agir
auprès des autorités administratives (Préfectorale et Ministère de l'Intérieur)
et du Tribunal administratif de Paris, la décision de refus de titre de séjour
lui causant des conséquences irrémédiables sur sa vie privée et familiale. Le
comble, c'est que l'administration lui indique dans sa décision que « les
demandes fondées sur le respect de la vie privée et familiale ne sont pas
justifiées si l'étranger a la possibilité de solliciter une mesure de
regroupement familial » ! Ce, après avoir fait naître en elle l'espoir de
pouvoir mener une vie normale ; d'ailleurs, son père est décédé dans
l'intervalle sans qu'elle ait pu se rendre à son chevet, dans son pays
d'origine, en l'absence de titre de séjour qui lui aurait permis de rejoindre
son époux et ses enfants.
Outre qu'il ne résulte pas de la situation
professionnelle de son époux (il fut à ce moment en situation de demandeur
d'emploi) que le regroupement familial ait pu être envisagé car il est certain
qu'il lui aurait été refusé. En effet, si celui-ci justifie d'un logement
adapté et d'un séjour régulier depuis plusieurs années, la condition relative
au revenu n'était alors malheureusement pas réunie ; ce, sans compter que les
visas ne s'octroient pas facilement auprès des Consulats français dans les pays
du Maghreb. Ensuite, la même décision lui indique également qu'étant entrée
récemment en France, elle ne pourrait se prévaloir d'une vie privée et
familiale ancienne sur le territoire français. Or, mère de trois enfants en bas
âge et nés à Paris, elle était sur sa quatrième année en France. Et, bien
évidemment, sa présence ne pouvait constituer une menace à l'ordre public
français, d'une part, et d'autre part, son cas n'ouvrait malheureusement pas
droit au regroupement familial en raison des revenus de son époux étant rappelé
que l'âge de celui-ci et ses compétences professionnelles limitées (agent
d'entretien) ne lui permettaient hélas pas l'accès à un emploi stable, d'autre
part.
La même demande fut effectuée par l'époux
quelque temps plus tard, celui-ci ayant réussi à retrouver un emploi ; il
s'agit là d'un regroupement familial à partir du territoire français, cas prévu
par les textes. Dans son recours, il a notamment indiqué que ses enfants ont
besoin quotidiennement de la présence de leur mère, eu égard à leur âge et
n'ayant pas les moyens de s'en occuper lui-même car étant en activité
professionnelle à temps plein. En outre, son épouse n'avait plus beaucoup
d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il était donc à craindre que
l'éloignement géographique de la mère, pour de nombreux mois, devienne un
obstacle majeur au maintien de la relation conjugale des époux. De fait, le
risque de voir la dissolution de leur lien conjugal est certain dans la mesure
où son épouse se verrait contrainte de revenir dans son pays d'origine; ce,
d'autant plus que ses enfants seraient privés de son affection car ils se sont
naturellement habitués à sa présence.
L'administration demeurant inflexible et
sourde à ses arguments et le tribunal n'ayant pas prévu d'audience pour statuer
sur sa demande d'annulation, elle vécut de plus en plus mal cette situation ;
ce qui exacerba les relations entre les époux et menaça à terme leur relation
conjugale.
Finalement, à force de persévérance et de
recours, il lui a été possible d'obtenir un titre de séjour d'une année ; ce
qui lui a naturellement permis de se rendre avec son époux et ses enfants dans
son pays d'origine pour voir sa mère, à défaut du père. La mort du père fut
vécue comme une blessure profonde.
* Avocat - Auteur
algérien
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Posté Le : 18/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ammar KOROGHLI *
Source : www.lequotidien-oran.com