«L'émigration clandestine est une menace pour la sécurité et la santé
publiques», a affirmé hier un responsable de la Gendarmerie nationale.
La Commission de la défense nationale de l'APN a organisé hier, au cercle
national de l'armée, une journée parlementaire sur la lutte contre les diverses
formes de crime organisé transfrontalier. Le colonel Djamel Abdessalam Zeghida,
chef du département de la police judiciaire au commandement de la gendarmerie
nationale, a été le premier à s'exprimer sur le «contrôle du flux migratoire
aux frontières.» Son premier constat: «l'étendue des frontières terrestres
(6.511 km) que l'Algérie partage avec 7 pays et ses frontières maritimes (1.200
km) qui lui marquent une proximité avec l'Europe ainsi que la configuration des
espaces désertiques et accidentés, constituent un facteur favorisant
l'évolution des activités criminelles transfrontalières particulièrement le
trafic de stupéfiants et la contrebande.» Il fait remarquer ainsi que 86% du
territoire national, ce sont les régions du Sud mais où ne vivent que 11% de la
population. Ces territoires constituent, selon lui, «la zone la plus sensible
car recelant toute la richesse énergétique du pays.» Les longues frontières
terrestres ont permis ainsi le développement d'une immigration irrégulière en
provenance de 48 pays, la plupart africains. «Les statistiques laissent
apparaître une croissance très rapide de ce phénomène qui s'est accéléré durant
ces dix dernières années», fait-il savoir. Et toujours selon le représentant de
la gendarmerie nationale, «la tendance à la hausse révèle que les prévisions
dans un proche avenir seront beaucoup plus importantes. Ce qu'il montre par les
chiffres en soulignant qu'au titre de l'immigration irrégulière, si en 2000, il
y a eu 740 affaires traitées et 2.806 personnes arrêtées, en 2008, ces chiffres
ont plus que doublé à raison de 1.755 affaires traitées et 7.824 personnes
arrêtées. Et si en 2006, il a été relevé l'entrée illégale de 6.178 étrangers à
raison de 515 par mois, rien que pour le 1er trimestre 2009, il a été recensé
2.277 étrangers pour une tendance de 652 entrées illégales par mois. En plus
d'une immigration irrégulière d'origine africaine, vient, a-t-il constaté, «se
greffer une migration de ressortissants de pays asiatiques.» Le conférencier
estime ainsi que «la migration sur l'Algérie va, à l'avenir, s'accentuer
davantage au regard de la transformation progressive du pays en un lieu de
fixation pour les immigrants irréguliers en raison de la crise financière et
économique mondiale qui a généré une crise de l'emploi en Europe.»
Les sociétés écrans, «toute une entreprise criminelle»
«L'évolution du phénomène migratoire et sa connexion avérée avec les
autres formes d'activités criminelles organisées constituent une réelle menace
pour l'ordre et la sécurité publics», souligne-t-il. Et, ajoute-t-il, «au-delà
des problèmes de santé publique résultant de ces nouvelles pathologies comme le
sida, l'immigration irrégulière porte préjudice à l'équilibre social des
populations du Sud.» Il est noté que la prise en charge médicale d'un malade
clandestin revient à 20.000 DA. «20% seulement des clandestins se présentent
pour des soins», dit le conférencier. La gendarmerie a relevé que les
immigrants sont impliqués dans de nombreuses formes de criminalité organisée
comme les activités illégales de commerce, de faux documents, de fausse
monnaie, d'escroquerie, de prostitution, de drogue, d'armes et de terrorisme.
Le commissaire à la direction de la police judiciaire (DGSN), Mostefaoui
Abdelkader, fait état pour sa part, d'augmentation en 2009, de trafic aux
frontières terrestres de cigarettes étrangères, de cheptel et de carburant. Il
parlera aussi de la cybercriminalité qui, selon lui, n'est pas répandue en
Algérie mais va se développer avec l'ouverture du marché d'Internet. Pour
l'instant, l'Algérie tente de faire face aux vols d'argent par Internet (ou le
vol de fonds par fishing) et à l'escroquerie ou ce qu'on appelle le SCAM 419 en
référence à une disposition du code pénal nigérian qui en a été le premier à en
parler. Le vol de pièces archéologiques et des voitures est aussi noté avec
insistance. L'impact de la migration sur l'économie nationale est le
blanchiment d'argent, la prolifération de sociétés écrans, qui constituent, dit
le conférencier, «toute une entreprise criminelle», les transferts financiers
illégaux, les fausses déclarations en douane et la corruption. La stratégie de
la police pour lutter contre ces fléaux se cristallise à travers, entre autres,
la formation spécialisée et la restructuration des services de police
judiciaire qui intégrera prochainement la cybercriminalité.
Les harraga n'ont pas de réseaux structurés
Le représentant de la gendarmerie nationale avait, lui, avant, affirmé
que l'Algérie a procédé au démantèlement de réseaux turcs, syriens et
palestiniens qui, une fois arrivés sur le territoire national, procédaient à la
falsification de visas Schengen. C'est ainsi que le conférencier évoque le
phénomène des harraga qui, a-t-il noté, «apparu en 2005 s'est accentué à
travers les wilayas côtières et est favorisé par les courtes distances qui
séparent les côtes algériennes de celles de l'Espagne (100 km à 180 km entre la
wilaya de Aïn Témouchent et Almeria) et de l'Italie, 217 km entre El-Tarf et la
Sardaigne). Mais les enquêtes menées à ce jour démontrent que ce phénomène de
«la harga» n'a pas de réseaux structurés et ses activités ne sont pas encore
organisées. Selon son étude, avant qu'ils ne décident de l'être, 62% des
harraga ont fait des demandes de visa qu'ils ont vues rejetées.
Pour lui, la question de la migration «doit être appréhendée selon une
approche globale intégrée, concertée et équilibrée.» Et «son traitement doit
s'opérer à travers la prise en charge des causes profondes que sont l'écart de
développement, une meilleure circulation qui ne peut que réduire la migration
clandestine et par-là même le rôle des filières de trafiquants d'êtres
humains.» Il ajoute que «la coopération des pays du Sud dans la lutte contre le
phénomène est intimement liée aux efforts que consentiraient les pays du Nord
en matière d'immigration légale et de circulation des personnes.» Il revendique
le respect de la libre circulation des personnes entre les Etats par la mise en
place de mécanismes d'organisation de cette migration. Il fait remarquer au
passage que «l'intervention en Algérie ne se fait pas dans le but policier de
lutte mais il y a d'autres aspects particulièrement pour l'armée qui fait de la
surveillance dans un souci humain.»
Des importations sous des prête-noms
Bouanane Ben Medjber, directeur de la lutte contre la fraude douanière,
évoquera le lien entre la contrebande, le blanchiment d'argent et le
terrorisme. Il parlera des faux et usages de faux en factures, de documents
commerciaux de dédouanement et de l'utilisation frauduleuse des registres de
commerce. «400 containers sont bloqués dans les ports et aéroports et personne
ne les réclame», a-t-il affirmé en précisant «parce que ce sont des
importations sous des prête-noms.» Il pense aussi que «les commissionnaires en
douanes sont généralement complices dans les actes frauduleux au niveau des
ports et aéroports.» Ils seront nombreux les conférenciers à vanter les bienfaits
du NIF (numéro d'identification fiscale) qui, selon ce directeur, «a mis
définitivement fin à l'usage des faux.» A cet effet aussi, un protocole est en
cours de signature avec la police et un autre avec la Banque d'Algérie pour,
dit-il, «éviter l'affaire Bir El-Atter.» Kouider Benhamed Djillali, directeur
des recherches à la DG des impôts, met lui aussi en avant le NIF et qualifie
l'informel «de phénomène occulte et immensurable.» Ce qui le laisse avancer que
40% de fraude fiscale comme annoncée par le responsable des impôts «est un taux
exagéré parce que c'est calculé par rapport à la masse monétaire alors que je
pense qu'il faut la calculer par rapport à la moins-value fiscale.» Les causes
de l'informel et l'évasion fiscale sont entre autres selon lui, les
dysfonctionnements dans la sphère économique et commerciale, l'absence de
régulation et de contrôle du marché, la pression fiscale (en Algérie, elle est
l'une des plus faibles dans le bassin méditerranéen), la faible collaboration
intersectorielle, les procédures supposées complexes, l'incivisme et l'absence
d'un marché immobilier transparent...
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Posté Le : 03/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com