Algérie

Immaturité des populations et inertie des associations Détérioration du cadre de vie dans la ville du Khroub



Immaturité des populations et inertie des associations Détérioration du cadre de vie dans la ville du Khroub
De notre correspondant à Constantine
A. Lemili

La ville du Khroub a pris comme parole d'évangile l'instruction du Premier ministre, au lendemain de sa désignation, visant à redonner au cadre de vie des grands centres urbains leur viabilité, sinon un tant soit peu de décence.
D'emblée, la commune, instruite par la daïra, elle-même relayant des directives de l'administration wilayale, entamait une opération de recensement de ce qui dans le jargon de l'entreprise publique communale d'assainissement est qualifié de «points noirs». Le bilan de l'opération est important : 80 sites contenant 24 508 tonnes de déchets inertes ou solides, c'est selon, sur 4 zones et autres agglomérations sectorielles concernées par des opérations d'hygiène du milieu.
13 495 tonnes seront éradiquées très rapidement grâce aux moyens et équipements mis au service de l'opération et au concours financier, à hauteur de 3 millions de dinars, consenti sur les fonds de la wilaya, notamment pour la location des moyens évoqués, alors que 4 000 autres tonnes le seront grâce aux fonds propres de l'entreprise assistée des équipes de Blanche Algérie. Au final, ce sont
17 383 tonnes de déchets qui auront été récupérées, mais auxquels il faudrait toutefois trouver un point de chute. Autrement dit, un site d'accueil, mais en même temps dégager des espaces aux habitants pour l'évacuation des déchets solides évoqués, notamment les gravats, sachant que la majorité des locataires de cités-béton n'arrêtent pas de modifier leur intérieur, qui pour gagner de l'espace qui pour le plaisir de le relooker à sa manière.
Nous nous sommes déplacés sur les nombreuses déchetteries improvisées et destinations habituelles des transporteurs de gravats et avons questionné ces derniers sur un comportement pour le moins anormal, en ce sens qu'il porte atteinte à l'environnement, et les réponses de nos interlocuteurs sont bien loin d'être renversantes : «Ecoutez, autant que vous nous considérons ces pratiques comme condamnables, sauf qu'il n'y a pas d'alternative. Nous avons même sollicité l'APC pour nous indiquer un site où nous débarrasser de ces gravats et nous n'avons jusque-là obtenu que des engagements qui n'ont jamais été tenus, sinon des appels à patienter en attendant que' Ensuite un silence radio que nous avons interprété à notre manière comme un consentement implicite au choix que nous ferons a posteriori.»
Cet argumentaire est confirmé par A. Houri, le directeur de l'Entreprise communale d'assainissement, dont nous avons sollicité l'avis. «Effectivement, nous rencontrons d'énormes difficultés à ériger un site définitif et ce n'est pas faute d'espace mais plutôt d'accord, voire de refus et rejet catégorique des populations riveraines des espaces retenus. Ceci quoique nous ayons obtenu l'aval des comités de quartier après âpres négociations et concessions sur les conditions (gardiennage et refus de produits à toxicité avérée et/ou hospitaliers) de dépôt des déchets solides au lieudit Allouk A», dira-t-il. Nous saurons également que les responsables du centre d'enfouissement d'une commune proche ont évacué du revers de la main l'accueil de ce type de déchets, ce qui est légitime en raison du fait que celui-ci ne traite que ce qui est potentiellement recyclable. D'où d'ailleurs l'idée pour la nouvelle équipe communale de réaliser un centre spécifique au cours de cette année.
Ce qui se passe dans la ville du Khroub est valable pour la commune du chef-lieu de wilaya, c'est même «incontestablement encore plus complexe», nous dira sous couvert de l'anonymat un cadre de l'APC. «Le plus grave est que l'éradication des points noirs n'est pas en soi une solution, sachant qu'à défaut de solutions alternatives (tout comme pour la ville du Khroub) les points noirs éradiqués le redeviennent hélas quelques temps après», ajoutera-t-il.
Il semble alors aisé de constater que la très importante et surtout spectaculaire mesure prise par le Premier ministère, au même titre d'ailleurs que celle d'éradication des marchés informels, ne semble pas avoir été sérieusement réfléchie et les conséquences sont là, aussi bien pour l'une que pour l'autre. Un coup d'épée dans l'eau. Faute, forcément, d'une alternative durable d'abord et, bien entendu, en raison de la permissivité des pouvoirs publics d'autre part. Explications : le manque de civisme et de citoyenneté des personnes, l'absence du mouvement associatif en tant que courroie de transmission avec les pouvoirs publics, l'inertie de la police communale paradoxalement créée.
S'agissant des ordures ménagères, l'Entreprise publique communale, dont le statut a été modifié au cours de l'année 2001 en Entreprise publique à caractère industriel et commercial (Epic), A. Houri nous dira : «Tout d'abord, bien des choses ont changé depuis le changement de statut. Nous sommes désormais soumis à un cahier des charges et non plus à une convention forfaitaire où les pouvoirs publics étaient moins regardants sur l'obligation de résultats ou performances. Aujourd'hui, il y a des clauses techniques à respecter et le cas échéant un paiement de pénalité en cas de défaillance ou insuffisance de résultats de l'entreprise en matière d'enlèvement d'ordures, de problème dans l'éclairage public. L'Epic est devenue autonome à telle enseigne qu'elle a résorbé sur fonds propres ses déficits et épongé les ardoises que détenaient à son endroit les caisses de Sécurité sociale, le fisc'» Le directeur de l'entreprise enchaîne : «23 millions de dinars, dont 16 puisés dans le budget communal, ont été consacrés, dans le cadre de l'opération nationale d'éradication des déchets, aux moyens de pré-collecte comme les bacs à ordures, caissons, corbeilles à papier, l'aménagement des niches.»
Il y a lieu de souligner que dans cet ordre d'idées, et rien qu'au regard du slogan «Ville-Santé» retenu depuis 1997, la ville du Khroub a placé la barre plutôt haut et reste donc engagée par le fait qu'elle doit justifier ce choix. Le premier édile, en tant que concepteur du slogan et surtout de la politique appelée à le matérialiser, y consacre les moyens idoines aussi bien humains, matériels que financiers.
Il n'en demeure pas moins que, malgré toute la volonté qui anime les pouvoirs publics, l'Assemblée populaire communale et l'Epic, toutes les actions d'utilité publique, voire de salubrité publique, qui ne peuvent qu'être à l'avantage des habitants du chef-lieu de commune et de sa périphérie, sont vraisemblablement vouées à l'échec compte tenu de la démobilisation sinon de l'immaturité des populations, dont la majorité balaye du revers de la main tout sursaut qui permettrait de restituer au cadre de vie ses lettres de noblesse. La désertion de la scène sociale par les associations réputées protectrices de l'environnement est à la hauteur de l'esbroufe qui les caractérise à l'occasion des commémorations des Journées de l'arbre, de l'eau et de celle de l'environnement.


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