Algérie

Imams piétons contre satellites moyen-orientaux



Bienrésumée par notre collègue, la réponse du gouvernement à la question del'ouverture du champ de l'audiovisuel a été ingénieuse : à la place du « non »habituel, la mode est « pas encore » un peu plus malin selon Belkhadem devantles députés. En attendant donc, et pour faire face à l'urgence, le ministèredes Affaires religieuses du pays a pris les devants en luttant avec les moyensde son bord : des imams et des nouveaux Morshid et Morshidates sont mobiliséspour lutter contre les Fatwas importées, venues de l'extérieur. En plus clair,des imams et des conseillers contre des satellites et des chaînessatellitaires. Une bataille presque épique entre des piétons, mobilisés,recrutés, payés et encadrés par notre ministère des Affaires religieuses et desholding aériens, financés par des idéologies concurrentes, mieux payés, mieuxsoutenus et avec des budgets plus faramineux qui leur permettent d'être plusprès du ciel que nos Imams. Pour les fervents du protectionnisme théologiquenationaliste, l'initiative est bonne : elle permet de donner suite au filtragedes importations massives des livres « d'Isklamiates » non conformes et debaliser le champ religieux qui a longtemps été abandonné à la culture en vracdes islamistes clandestins et de leur réseaux subversifs. L'Algérie ayant cesséd'importer des Imams depuis la fin des années 80 et surtout avec la montée del'ex-Fis, il s'avéra vite que le bouclier administraif n'était plus suffisant contreles chaînes satellitaires qui pénètrent les foyers algériens, puis les têtesd'Algériens sans passer ni par l'Etat, ni par les mosquées, ni par lepluralisme contrôlé ni par la surveillance des services de RenseignementsGénéraux. Mieux habillés que l'Etat et son ENTV unique, unique habitante de sapropre planète, les chaînes thématiques religieuses du Moyen et Proche-Orient,ont fini par séduire beaucoup d'Algériens, introduire des schismes inédits dansle paysage du pays comme le chiisme et accélérer le mouvement de la religiositépopulaire et ses tendances au talk-show, aux guérisons miraculeuses et auxconversions vestimentaires absconses. Du point de vue du but final, la lutteterrestre du département de Ghoulamallah est rationnelle, s'explique par lapolitique comme par le souci de la conformité religieuse et répond à la guerredes cartes confessionnelles qui se dessine à l'intérieur du monde musulman.C'est cependant du point de vue des moyens que l'initiative se retrouve êtrehabillée de pathétique : voir des imams mobilisés contre des satellites est unechose à saluer comme une stratégie de lutte contre des B-52 par une attaquerangée de cerfs-volants. Est-ce la faute de Ghoulammallah s'il est aujourd'huiacculé à mener une bataille perdue avec les honneurs d'un geste épique et lesméthodes de lutte contre le criquet par des bruits de casseroles ? Non. C'estla faute à l'Etat, coincé entre la lutte contre le pluralisme par l'usage d'uneENTV unique et l'obligation d'ouvrir le champ pour faire contre-poids auxchaînes thématiques moyen-orientales non désirées. Le seul problème est quepour arrêter le pluralisme de la télécommande il faut en faire partie et quepour arrêter les Fatwas qui tombent d'en haut, il faut conquérir le ciel.


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