Algérie

Imaginez...



Ils sont beaux, ils sont intelligents, ils ont des diplômes, ils sont jeunes les nouveaux élus et ils bénéficient pour nombre d'entre eux de l'aura de l'honnêteté. Voilà qui ne va pas arranger leurs affaires, les affaires de leurs communes et, bien sûr, les affairistes. Ils vont cruellement manquer d'expérience pour gérer des collectivités «made in Algeria». Ou si l'on veut, à la manière de leurs aînés qui ont réussi à algérianiser la gestion à mi-chemin de la bonne gouvernance et des calculs d'épicier. Il leur faudra peut-être apprendre, par exemple, à tenir leurs audiences avec les citoyens au beau milieu d'une route bloquée, sous une pluie de grosses pierres et face à des pneus brûlés. Car derrière leurs bureaux, qui croulent sous le poids des fax et des téléphones et alourdis de deux ou trois portables, le temps ne sera pas un précieux allié. Il seront désormais le « raïs» ou « lamaâllam», c'est selon, qui se surprendront à dire «allô» même à celui qui est en face d'eux. Ils comprendront alors que la gestion d'une commune, c'est surtout être au garde-à-vous quand les téléphones commencent à sonner en même temps et que des voix encore inconnues, mais pas toujours anonymes, donnent leurs directives, recommandent, quand elles n'exigent pas et ne donnent pas d'ordres. Dans le jargon officiel, on appelle cela avec le doux euphémisme de gestion centralisée des collectivités locales. Un superbe modèle de gestion auquel personne n'a encore rien compris, mais qui fonctionne quand même ! Sauf qu'il risque de poser problème pour nos jeunes beaux et intelligents et surtout honnêtes nouveaux élus. Car ce modèle, qui reste à inventer ailleurs qu'en Algérie, n'est malheureusement pas enseigné sur les bancs des universités et ne se retrouve ni dans les livres, ni sur internet. Bref, on l'apprend sur le tas. Et ce n'est pas une mince affaire ! Imaginez les tout nouveaux, tout frais élus, faire dans la gymnastique intellectuelle et de l'acrobatie avec le cahier des charges pour s'arranger à souffler au nez et à la barbe des soumissionnaires les moins-disants un marché pour le refiler au cousin de « si flen» ou de si « felten» qui, paraît-il, ont leurs entrées en haut lieu. Imaginez encore ces mêmes, tout nouveaux, tout frais élus, organiser à leur corps défendant un tirage au sort, dont les heureux bénéficiaires ne sont pas forcément ceux qui sont gâtés par la chance, car réglé déjà ailleurs comme du papier à musique. Ils sont venus avec des idées généreuses, ils ont séduit par leur fraîcheur. Ils ont tout promis à leurs électeurs, galvanisés par la ferme promesse des aînés de leur passer le flambeau. Mais ces aînés ont oublié de leur dire comment dans notre pays il faut entretenir la flamme de ce flambeau. Et voilà comment les beaux, intelligents, jeunes et nouveaux élus, bénéficiant pour nombre d'entre eux de l'aura de l'honnêteté, risquent de se brûler.


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