Algérie

Ils y vivent toujours


Ils y vivent toujours
Risques n Aujourd'hui, cinq millions d'Ukrainiens, de Bélarusses et de Russes vivent dans des territoires irradiés à des degrés divers.Le bilan humain de l'explosion du réacteur fait toujours débat : si l'ONU ne compte qu'une trentaine de victimes parmi les opérateurs et les pompiers, Greenpeace évalue à 100 000 le nombre de décès provoqués par cette catastrophe. Moyenne d'âge 75 ans. Dans la zone d'exclusion de Tchernobyl vivent encore une centaine d'habitants, revenus pour la plupart peu après la catastrophe, malgré les radiations et l'opposition des autorités ukrainiennes. «Je ne peux pas dire pourquoi les gens veulent vivre à Tchernobyl. Quel est?leur but ' Le c?ur les guide ' La nostalgie ' Qui sait '», demande Evgueni?Markevitch, un solide gaillard de 78 ans. Mais «moi je ne veux vivre qu'à Tchernobyl», conclut-il. Maria Ouroupa, elle, sourit moins. Les conditions de vie rudimentaires dans?la zone d'exclusion de 30 km autour de la centrale commencent à peser sur cette?octogénaire, d'autant plus qu'après un accident elle a des difficultés à marcher. En tout, ils sont encore 158 «samosely», comme on les appelle, à vivre dans?cette zone, selon un respon-sable de la centrale, dans de petites maisons de campagne, souvent en bois. Ils vivent chichement des récoltes de leur potager, des provisions que leur apportent les employés et les visiteurs, et se rendent, si nécessaire, dans la ville avoisinante d'Ivankiv, en dehors de la zone d'exclusion, pour?s'approvisionner au marché local. Ces «samosely» n'ont jamais accepté leur exode forcé. Plus d'un millier d'entre eux s'étaient donc réinstallés après la catastrophe dans cette zone pourtant hautement contaminée et interdite à la population. Les autorités avaient fini par accepter l'idée. Au moment de la catastrophe, Maria avait proposé à son mari de se cacher dans la cave pour échapper à l'évacuation. En vain. «C'était triste. Il y avait des pleurs, des cris», se souvient-elle. Après deux mois dans un camp pour déplacés, elle décide de revenir dans la zone «avec un groupe de 6 personnes, via la forêt, comme des guérilleros». Mais aujourd'hui, «c'est dur de vivre? seule», dit-elle. Son mari est mort en 2011. A 77 ans, Valentina Koukharenko regrette, elle, que sa famille doive montrer patte blanche pour lui rendre visite. Et qu'elle ne puisse pas rester plus de trois jours d'affilée. Mais cette Ukrainienne au visage rond ne regrette surtout pas d'être re-venue rapidement vivre près de Tchernobyl. «Ils disent que les niveaux de radiation sont élevés. Je ne sais pas», assure-t-elle. «Peut-être que la radiation fait quelque chose sur les nouveaux,?sur ceux qui n'ont jamais vécu ici. Mais nous les vieux, de quoi devrions nous?avoir peur '», demande-t-elle. Dès que je sors de Tchernobyl, même à Ivankiv, tout est étranger. Je ne?suis pas nationaliste, mais j'aime beaucoup ma petite patrie», résume-t-elle.Elle espère bien «qu'un jour Tchernobyl revivra», que «les rires des enfants se feront de nouveau entendre». Même s'«il faudra encore attendre des années». En 1999, une petite Maria était née dans la zone d'exclusion, premier bébé?à venir au monde depuis 1986 dans cette ville «morte». Née anémique, elle a? quitté Tchernobyl un an plus tard avec sa famille. Et devrait avoir 17 ans?aujourd'hui.F.H./Agences Une catastrophe oubliéel La crise politique en Ukraine ferait presque oublier que ce pays -ainsi que de vastes régions du Belarus et de la Russie- est marqué par une catastrophe nucléaire en cours depuis 29 ans. Populations malades, mensonge et déni, milieu naturel atteint, réacteur toujours menaçant : à l'occasion du triste anniversaire de l'accident, effectuons quelques rappels sur ce désastre durable aggravé par les tensions internationales.Le jour où tout a basculél Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) explose en projetant dans l'atmosphère des quantités considérables de radioéléments. La première vague d'évacuations ne commencera que le lendemain, une zone d'exclusion de 30 km de rayon sera ensuite définie. Pendant des mois, pompiers puis «liquidateurs» -de 600 000 à 900 000 personnes, essentiellement des jeunes appelés recrutés sur tout le territoire de l'URSS- se relaient dans des conditions sanitaires catastrophiques pour éteindre l'incendie, puis pour tenter à tout prix d'étouffer la fusion du c?ur du réacteur. Comme celui-ci menace de s'enfoncer dans le sol, un tunnel de 167 mètres de long est creusé sous le réacteur pour y construire une dalle de béton. Une deuxième explosion catastrophique aura été évitée, mais au prix de l'irradiation de centaines de milliers de personnes. Les radionucléides mortifères projetés par l'explosion ont touché principalement le Bélarus, l'Ukraine et l'ouest de la Russie, mais se sont également dispersés, pour 53%, sur une grande partie de l'Europe. Des concentrations élevées se déposent notamment en Allemagne, en Autriche, en Suède et en Finlande.Les milieux naturels aussi sont touchésl En 2010, le reportage «Tchernobyl, une histoire naturelle» a contribué à populariser la thèse d'une nature intacte qui reprendrait ses droits. Pourtant, cette théorie va à l'encontre des observations scientifiques réalisées dans la zone contaminée. Après avoir mis en évidence l'existence de malformations importantes chez les hirondelles de Tchernobyl, Tim Mousseau, chercheur à l'université de Caroline du Sud a récemment découvert que la croissance des arbres pouvait aussi être affectée par les radiations [8]. Selon ce même chercheur, il apparaît également que les ra-diations nuisent aux microorganismes, empêchant la décomposition des végétaux. Cette accumulation de bois mort pose un nouveau risque : les incendies se déclenchent plus facilement, relâchant dans l'atmosphère une fumée chargée de radioéléments. En février 2015, une étude du Norvegian Institute for Air Research a ainsi confirmé que les feux de forêt plus fréquents contribuaient à répandre à nouveau la radioactivité.Où est la vérité?'l La désinformation est toujours à l'?uvre concernant les impacts sanitaires réels de Tchernobyl. Devant l'élévation du taux de malformations congénitales (passé entre 2000 et 2009 de 3,5 pour 1000 à 5,5 pour 1000), la réponse du ministère de la Santé du Bélarus fut de fermer l'unique Institut de recherche sur les maladies héréditaires et congénitales, ainsi que l'Institut de radio-pathologie de Gomel. En 2005, le «Forum Tchernobyl», réuni à Vienne sous l'égide de l'AIEA, avait affirmé qu'à long terme, le nombre de décès attribuables à Tchernobyl atteindrait un maximum de 4000 victimes. L'augmentation des pathologies et la dégradation de l'état de santé des populations y sont mises sur le compte du stress, de l'alcoolisme, de la radiophobie et de la détérioration des conditions économiques et sociales dans les régions concernées. Pourtant, les recherches menées par des scientifiques indépendants mettent au jour des chiffres autrement plus élevés. Selon une étude du Pr. Yuri Bandajevski, publiée dans les annales de l'Académie des sciences de New York en 2011, la catastrophe et ses suites seraient responsables de 985 000 morts.


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