Cheikha Remitti, la diva du raï, s’est éteinte en mai dernier à la suite d’une crise cardiaque. Elle a laissé derrière elle un riche répertoire musical et des fans inconsolables. Cheikha Remitti est le nom d’une femme qui a su s’imposer dès les années 1940.
Elle a, en effet, osé chanter tout haut ce que certains pensaient tout bas. Elle se produisait à l’époque dans tous les endroits marginaux. Elle enregistre Cherrak gataâ au début des années 1950. Elle quitte Bedief Saâdia, son nom véritable, car dès le départ son choix lui était dicté. Orpheline très jeune, elle subira les affres de la misère. Abandonnée par ses parents, du côté de Tessala, non loin de Sidi Bel Abbès, elle noue une amitié sincère avec des musiciens de boui-boui, car ils sont des exclus comme elle. Cheikh Mohamed Ould Nems était son musicien et également son bras droit. Ce dernier lui fait connaître le milieu artistique algérois, la radio et les faiseurs de vedettes. Il lui fait découvrir, également, la notoriété. Ayant été élevée dans un milieu rural conservateur, elle prend la revanche sur la vie. Elle use d’un verbe parfois acerbe, son seul moyen d’autodéfense. Le tube Nawri ya el ghaba nawri sort des sentiers battus de la chanson traditionnelle. Elle parle d’amour crûment. Après 1962, la diva est interdite d’antenne. Le nouveau régime pense que la diva enlaidit la révolution. Fidèle à elle-même, elle ne suppliera personne pour dire son envie d’être écoutée. Dégoûtée par l’engeance régnante sur les canaux de diffusion de la musique et par beaucoup d’autres choses, elle décide de s’exiler en France en 1970. Pour survivre dans un milieu artistique hostile, elle écume les bars arabes de Paris. Elle chante, entre autres, l’exil et l’Amour trahi. En véritable combattante, elle se produira dans des milieux lugubres des années durant, avant qu’un producteur ne reconnaisse ses talents d’artiste et la tire de cet environnement obscur. Elle sort, enfin, de l’ombre en enchaînant concert sur concert dans de prestigieuses salles françaises et internationales. Trop sulfureuse, Cheikha Remitti était interdite en Algérie alors que tous les festivals du monde se l’arrachaient. La regrettée avait également beaucoup de comptes à régler avec certains artistes, lesquels n’avaient aucun scrupule à lui voler ses paroles et musiques. Cheikha Remitti se moquait des convenances. Elle chantait d’une voix éraillée des thèmes osés pendant que certains se contentaient d’ânonner ou d’imiter. « J’ai voulu prouver que je pouvais faire aussi bien sinon mieux que tous ceux qui m’ont volée et écrasée », avait-elle dit. Cheikha Remitti est retournée dans son jardin parsemé de « nouars ». Elle était la matriarche du raï.
Posté Le : 23/12/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Nassima Chabani
Source : www.elwatan.com