Algérie - Revue de Presse

Ils ne seront pas devant leur télé


La Coupe du monde n'a pas que des adeptes. Certains ont même décidé de la boycotter activement. Leur message est clair : « Ce sera sans eux. Johannesburg est plus belle en septembre. » ParisDe notre correspondant Ni Vert, ni Bleu, ni Fennec, ni Coq, ni couleur, ni bestiole, Mansour sait ce qu'il ne veut pas : être un légume affalé sur un fauteuil devant la télé. Et non, il n'achètera pas un écran plat. Mansour, cadre dans un groupe de communication, vient de lancer un groupe contre la Coupe du monde à la télé sur un réseau social. Il aurait été rejoint par plus de 800 personnes en moins d'une semaine. « Y en a marre du sport à la télé ! Après la Ligue des champions, Roland-Garros, la Coupe du monde et comme dessert le Tour de France, on va finir sur les rotules, entièrement lobotomisés. Aucun neurone en état de fonctionner après l'été. Et en septembre, c'est reparti pour une danse sportive. Il n'y a rien de plus abrutissant que ces grandes messes de consommation de masse », s'offusque le quadragénaire. Et de citer pour « preuve » toutes ces publicités sur les téléviseurs qui fleurissent un peu partout.Des affiches géantes sont placardées dans le métro pour inciter le consommateur à se munir du dernier téléviseur high-tech, qui sait tout faire, à part aspirer peut-être. « Comment voulez-vous qu'on se réveille avec de tels anesthésiants ' Comment voulez-vous que le pauvre se bouge de son canapé, quand on lui permet de s'endetter pour s'acheter une grosse télé et qu'on lui interdit le moindre découvert à la cantine ' », s'indigne Mansour. Fazia déteste la télé. Elle n'en a plus chez elle depuis 2006. Son divorce remonte à décembre de la même année. « C'était une année catastrophe. Entre mon mari et moi c'était le règne de la non communication. On se retrouvait tous les jours à la maison comme deux inconnus. Il passait son temps à regarder des matchs de foot, des émissions de foot, jouait à la playstation à un jeu FIFA. Notre enfant, âgé de 6 ans à l'époque, en était aussi intoxiqué. Il était capable de citer le nom de plusieurs équipes de foot, mais incapable de faire le moindre devoir à l'école ».Elle rigole amèrement du téléviseur que son ex-mari avait acheté, à crédit, spécialement pour la Coupe du monde. « La télé était énorme, elle occupait presque la moitié du salon. On ne voyait qu'elle, on aurait dit un temple et nous des adeptes d'une religion cathodique, une sorte de secte dont les membres sont autistes, incapables de se parler. Je ne dis pas que la télé était la cause de notre séparation mais elle n'a pas contribué à améliorer nos relations, loin de là ». Ne fait-elle pas dans le cliché ' « Non, l'ambiance était vraiment glauque avec plein de silences. A un moment, il fallait tout débrancher ». Tarik est un militant « virtuel ». Il intervient dans plusieurs forums de discussion.Sa dernière bataille : pourrir la Coupe du monde. Volontairement provocateur, il poste des messages enflammés qui se veulent politiques. « Avant, durant et après le match Algérie-Egypte au Soudan, nous avons assisté à un matraquage médiatique étouffant. J'étais éc'uré par le déferlement de haine et de bêtise. Le football est devenu anxiogène. Qui en profite ' Les dictatures en place ! Les citoyens sont sommés d'être des supporters. Ils envahissent les rues non pour protester et réclamer de meilleures conditions de vie, mais pour s'en prendre aux ressortissants étrangers, coupables d'être algériens ou Egyptiens. Les médias ont une grande responsabilité dans cette dérive.Pendant que les journalistes tartinent sur la Coupe du monde, ils évitent les vrais sujets, ceux qui fâchent ». Paradoxalement, il le reconnaît lui-même, il n'a jamais autant parlé foot. Sur un réseau social, il appelle les internautes à recenser à Paris les cafés dépourvus de téléviseur. Son dernier message : « L'Algérie est suspendue aux blessures d'Antar. Elle ferait mieux de demander le bilan de santé d'un certain B.. Le 12 juillet, les Algériens auront un ballon dans la gorge. »
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)