Algérie

Ils n'iront pas en Algérie



Ils n'iront pas en Algérie
Neuf ans, 2 mois et 10 jours. Nadia a une mémoire époustouflante des chiffres. « 8 aïds, 3 mariages, 2 enterrements et 5 naissances ». Arrivée à Paris pour un master en communication, elle est aujourd'hui vendeuse au noir. Paris : De notre correspondant « J'ai fait tous les métiers, baby-sitter, papy-sitter, démonstratrice de produits sur les marchés, serveuse dans des restaurants, sondages pour un nombre incalculable de produits. Les premières années, je n'avais aucune envie de rentrer chez moi. Aujourd'hui, l'Algérie me manque terriblement, enfin surtout mes parents mais la préfecture a refusé de renouveler mon titre de séjour il y a cinq ans ». Et depuis 2005, Nadia gagne du temps, vit de petits boulots au black. « Les vacances se résument à de rares week-ends chez des amis. Je ne m'approche jamais des frontières. L'unique fois où j'ai quitté la région parisienne c'était pour me rendre à Andorre avec des proches. Je me suis arrêtée à Foix, pas eu le courage de m'approcher de la frontière. Il suffit d'un contrôle de douanes ou de la police pour que je me retrouve à Alger avec mon sac à main pour tout bagage ». Chaque été, le scénario se répète. « Je voyais les gens faire leurs courses, entasser des choses incroyables dans les valises en se plaignant par avance de l'excès de bagages.C'est délicieusement ridicule. Je n'aime pas l'été en Algérie mais je m'accommoderai bien d'un août caniculaire pour calmer ma nostalgie ». Akim, sans H, est aussi un expert dans les additions et soustractions. L'arithmétique, c'est son domaine. Statisticien de formation, il travaille dans un groupe informatique. Plutôt aisé financièrement et vivant en couple avec une enseignante, Akim garde des souvenirs mitigés de ses séjours estivaux en Algérie. « Mon père continue à regarder l'Algérie avec les yeux d'un enfant. Il s'est installé en France à presque 30 ans au début des années 70. Il court derrière ses souvenirs. Moi, la Kabylie me fait penser à la chaleur, aux pénuries d'eau et à des après-midi sans fin. Il n'y a que la télé comme loisir. Depuis que je travaille, je préfère découvrir le monde. Il me revient moins cher d'aller à New York que de passer un séjour en Algérie ! ». Comme chaque été, il accompagne ses parents à Orly prendre l'avion. Avant de se rendre lui-même à Roissy pour des destinations plus exotiques. Et comme chaque été, il se rendra de nouveau à Orly en septembre pour leur retour.« Le rituel est immuable. Mes parents vivent à l'heure de leur village. La France n'est qu'une parenthèse pour eux qu'ils ont du mal à refermer. La mienne (heure) est fixée sur celle de Paris. Du coup, on a du mal à communiquer. Mais c'est à moi de faire l'effort, de trouver un midi qui nous arrange tous. En me rendant avec eux de temps en temps dans leur belle maison vide de Kabylie ' » Zohra et Hamid font et refont plusieurs fois leurs calculs. Ils n'ont pas les états d'âme d'Akim, leurs priorités sont ailleurs. Ils ne seraient pas contre l'idée de passer tous les étés en Algérie, et même deux fois par an. Zohra gagne 500 euros par mois en gardant des enfants en bas âge et le salaire de Hamid ne dépasse pas de beaucoup le Smic. Avec leurs deux enfants, le prix de l'avion leur revient à 1 800 euros. « Si on ajoute les frais sur place, on arrive facilement à 3 000 euros.Il y a toujours un proche qui se marie. Nous n'avons pas les moyens de dépenser une telle somme tous les étés. Une fois tous les trois ans, c'est notre unique solution. Nous aurions bien voulu que nos enfants aient un contact plus suivi avec leur pays d'origine ». Ce sera donc le centre aéré pour les enfants cette année. « De toute façon, avec le ramadhan, on ne peut pas trop parler de vacances », se console Hamid.


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