Algérie - Iloula Oumalou

Illoula Oumalou (Tizi Ouzou) Cri de détresse d'un olivier à Boubhir



Illoula Oumalou (Tizi Ouzou) Cri de détresse d'un olivier à Boubhir
Publié le 20.11.2023 dans le Quotidien l’Expression
Mourad amadj *

Tazamurt tamuqrant, que l’on peut traduire par « le grand olivier », est un arbre séculaire sous lequel, grâce à son ombre rafraichissante, nous trouvions refuge lors des longues journées d’été suffocantes dans les années 70 lorsque, tout petit, à peine âgé de cinq ans, j’accompagnais mon défunt père pour ramasser les figues sèches avant qu’elles ne fussent dévorées par une multitude d’espèces d’oiseaux et d’insectes. L’endroit était idyllique, des champs à perte de vue sur lesquels on cultivait des oliviers, des figuiers, des grenadiers, du blé, etc. Une rivière poissonneuse dont l’eau coulait à flots et sans interruption tout au long de l’année constituait l’âme de ce magnifique paysage ; grâce au son qu’elle émettait mélangé au chant des oiseaux, on entendait les battements de cœur de cette terre exubérante et bien vivante. Au mois de septembre dernier, après plusieurs années d’absence, je suis retourné sur ces lieux. Le choc était terrible. La rivière est plongée dans un mutisme, car elle était asséchée, plus de poissons, plus de grenouilles, plus de crabes, son lit est devenu un linceul. Les oiseaux ne chantaient plus, curieusement, ils ont disparu. Un silence glacial régnait en maître. L’exubérance a cédé sa place à l’aridité morbide. Une boule dans la gorge, je me dirigeais vers Tazamurt tamuqrant tout en saluant sur mon chemin les âmes et les gardiens de ces lieux me rappelant ma tendre enfance, comme le faisait ma mère jadis. En arrivant devant le grand olivier, je me suis senti transporté dans une autre dimension, comme s’il me parlait et sa voix faisait vibrer tout mon corps. Le grand olivier ayant généreusement alimenté plusieurs générations avec son huile est devenu chétif, sa splendeur d’autrefois s’est volatilisée. Il m’a fait part de toutes les souffrances qu’il avait subies durant ces dernières années. Après avoir survécu à plusieurs feux dévastateurs dont le tronc et ses branches portent encore les stigmates, le mal qui le ronge maintenant provient de ses racines. Moribond, il sait qu’il ne se survivra pas longtemps, mais il a du mal à comprendre la méchanceté et l’ingratitude de l’Homme à qui il n’avait fait que du bien durant toute son existence. Tazamurt tamuqrant se trouve sur un terrain inondé par les eaux usées provenant du village dit agricole de Boubhir faisant partie de la commune d’Iloula.
Il s’agit d’un village construit par l’Etat dans le cadre de la révolution agraire vers la fin des années 70, constitué de maisonnettes qu’on avait attribuées finalement à des familles confrontées à des problèmes de logement. Un réseau d’assainissement a été mis en place, cependant on a choisi la facilité, sans en mesurer les conséquences, quant à l’évacuation des eaux usées en déversant celles-ci directement sur les terres agricoles privées se trouvant à l’aval de l’agglomération en question.
Malgré toutes les démarches et les signalements effectués par les propriétaires de ces terrains, les autorités concernées font la sourde oreille durant toutes ces années. Ces dernières ignoraient-elles les conséquences néfastes des eaux usées sur l’environnement et la santé publique ? Elles contiennent des bactéries, des métaux lourds et des toxines pouvant polluer les sols, les cours d’eau et les eaux souterraines. Ce qui aura un impact désastreux sur la faune et la flore ainsi que sur la santé des habitants. Les eaux en question finissent leur course dans un affluent alimentant la nappe phréatique du Sébaou. Pour être à la page des défis environnementaux et protéger la terre nourricière, nos autorités doivent être réactives devant ce genre de situation. Le temps ne joue pas en notre faveur, derrière la procrastination se cache un danger imminent. J’espère que les services concernés de : la commune d’Iloula et celle d’Ifigha, la daïra de Bouzeguène ainsi que la wilaya de Tizi Ouzou, se concertent afin de trouver une solution à ce problème dans les plus brefs délais. Une citation anonyme qu’on voulait attribuer à Hubert Reeves disait : « L’Homme est l’espèce la plus insensée, il vénère un Dieu invisible et massacre une nature visible. Sans savoir que cette nature qu’il massacre est ce Dieu invisible qu’il vénère. En effet, les trois religions monothéistes s’accordent sur l’omniprésence divine : Dieu est partout. En détruisant la nature, l’Homme est en train de commettre le plus grand péché. En agissant de la sorte, il scie la branche sur laquelle il est assis et lèguera à ses enfants un enfer invivable.
*Artiste et Ecrivain



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