Algérie

Iles Habibas



La faune et la flore se meurent... en silence La réserve naturelle des Iles Habibas est en proie à des pollutions diverses. Les projets inscrits dans le cadre du partenariat avec le Fonds français de l’environnement mondial (FFEM), initié à la suite de la promulgation de la loi sur le littoral, en 2002, tardent à venir. L’installation du Commissariat des îles Habibas qui dépend directement du ministère de l’Environnement n’a pas accéléré, semble-t-il, la procédure pour opérer les chantiers laissés en jachère. Il faut rappeler que les scientifiques de l’expédition Ushuaia de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme ont alerté les pouvoirs publics algériens sur la nécessité d’entamer les projets inscrits, en urgence, sinon «ce Paradis sur terre devient un vulgaire rocher aride», avaient-ils prévenu. L’enveloppe financière allouée par le FFEM pour entreprendre ces travaux est estimée à hauteur de 3 millions de dollars. Une tranche de 1,2 million de dollars a été, depuis deux années, dégagée pour entreprendre la première phase de l’opération d’assainissement du site: dépollution, aménagement du port et des sentes menant au phare, entre autres projets. Lors de nos pérégrinations sur les îles Habibas, nous avons été étonnés de constater l’ampleur des dégâts causés par les plaisanciers, pendant la saison estivale. Et encore plus, l’inanité des responsables devant la dégradation sans rémission des lieux.   Sur la route des îles Habibas   Sur la route tortueuse menant à la plage de Madagh, l’écrin bleuté de la Méditerranée s’ouvre comme par enchantement pour exhiber ses magnifiques joyaux, les îles Habibas. La légende locale relate qu’une reine andalouse déchue et poursuivie par les glaives de la Reconquista y trouva refuge. Elle s’appelait Habiba, l’éponyme des îles. Au petit matin du jeudi 15 novembre, les îles Habibas paraissaient, depuis la plage de Madagh, comme suspendues entre ciel et terre, inspirant au spectateur les rêveries les plus suaves. Il faut une bonne demi-heure pour traverser la quinzaine de kilomètres séparant les îles du continent. Au fur et à mesure de la traversée, les falaises verdâtres de la façade sud de la grande île émergent de la bleutée marine pour épouser celle de l’azur. Le phare culminant à plus de 112 mètres domine l’île principale de Leïla et se dresse comme un temple païen dédié à la Beauté. Etymologiquement, Leïla est l’euphorie générée par le vin. L’accès aux Habibas s’effectue par le sud-ouest; une passe de faible profondeur -à peu près deux mètres- permet l’accostage de petites embarcations à un môle de quelques mètres. «Pour les bateaux de plus de 12 mètres ou les quillards, un mouillage abrité se situe à l’ouest de l’île, dans la baie de la Morte, utilisée aussi quand les vents venant d’Est ou du Sud-est soufflent. Le reste de l’île est difficile d’accès, voire impossible dès que la houle dépasse le demi mètre», relève-t-on du blog du bateau «Fleur de Lampaul», de la Fondation Nicolas Hulot. Arrivés au petit Port, des pêcheurs gesticulaient et couraient à notre rencontre. Ils sont sur l’île depuis plus de deux semaines. Parmi eux, il y a Djelloul B., un inconditionnel proverbial des lieux. Il nous invita à un barbecue de sardines grillées. Il était 10 heures du matin, heure idéale d’après la tradition méditerranéenne pour manger ce poisson succulent. Certaines bâtisses ont été rénovées et des murs en parpaing ont été édifiés par des pêcheurs. Les ruines des anciens refuges des pêcheurs espagnols génèrent un sentiment lugubre de désolation et de décrépitude... Mais, à quelques mètres, derrière, la végétation buissonnière verdoyante parsemée de petites fleurs blanches éperonne le randonneur pour pénétrer à l’intérieur de l’île. Sur la route du phare Lors de la procession à travers les sentes montant au phare, il est indéniable de constater que les espèces faunistiques et floristiques rares concurrencent dans un dernier effort avec les bouteilles et les sachets en plastique. Le 5ème volet de l’expédition de la fondation Nicolas Hulot a permis l’élaboration d’un riche inventaire de la faune, de la flore et de la biodiversité du site. Une espèce floristique endémique -unique au monde- a été répertoriée et baptisée, pour l’occasion, le chou des Habibas. Les dernières pluies généreuses ont favorisé la propagation de ce chou endémique ainsi que les autres variétés floristiques. Au niveau du cimetière des naufragés Sénégalais, un couple de chiens accueille le visiteur par des aboiements tapageurs. Il a été ramené par les gardiens du phare pour «surveiller les alentours et parer à de probables intrus», diront ces derniers. Cette intrusion de canins pourrait se constituer comme une invasion biologique très dangereuse pour la faune et la flore, a précisé le biologiste Bouderbala. Mais le gardien du phare semble désintéressé et nous parle de cette vipère qu’il veut désespérément s’en débarrasser. «Il y a quelques jours, je l’ai croisée dans la véranda du phare. Armé d’une grosse matraque, je voulais lui casser la tête, malheureusement, elle a fui», déclare-t-il. La présence humaine permanente sur l’île méconnaît avec une désinvolture qui frôle le cynisme l’intérêt de cette nature. Sur le belvédère qui surplombe la baie de la Morte, des envolées de goélands leucophées accueillent l’exotique avec vacarme. Les colonies de cette espèce sont les plus importantes sur l’île. Elles sont la cause majeure de la diminution des colonies de l’autre espèce rare de goélands, dite d’Audouin. Les colonies de goélands d’Audouin qui constituaient 10% de la population mondiale pourraient revenir pour nidifier, «si les lieux ne sont pas trop fréquentés car cette espèce est très farouche», avaient déclaré auparavant les scientifiques. Il faut surveiller la propagation des goélands leucophées qui ont chassé leurs cousins d’Audouin des points stratégiques. Le struggle for life est rude sur les îles Habibas. Des cormorans huppés vaquaient à leur sport favori: la plongée sous-marine. Des rouges-gorges et des mésanges voltigeaient entre les buissons. Le décor de l’île est idyllique. Parvenu au niveau de la véranda du phare, les tympans ont vibré à cause du vrombissement des moteurs d’un chalutier raclant le fond marin, à quelques centaines de mètres seulement des îles. Pourtant la réserve s’étend sur 2.700 hectares à plusieurs kilomètres à la ronde. Au niveau des falaises cuivrées et verdâtres, l’érosion des eaux pluviales a creusé à plusieurs endroits des failles, en entraînant la terre rare et précieuse des îles. Egalement, le même constat d’érosion a été observé aux abords de la baie de la Morte et au quai. Au bas des falaises, sur les rochers plats qui pénètrent sur plusieurs mètres la mer, le même spectacle de bouteilles de plastiques et d’autres matières chimiquement inertes donne la nausée. De retour au port, des chasseurs sous-marins amateurs étaient en train d’exhiber leurs prises: des mérous pesant à peine 200 grammes. L’un d’eux a arraché des coraux rouges pour «orner son restaurant», déclare-t-il. Un véritable chaos. L’état des îles Habibas sont aux antipodes de l’entendement le plus simple et le plus sommaire. L’enthousiasme de nos responsables, de nos universitaires et de nos associations écologiques, montré naguère devant le parterre de scientifiques français, peut se définir comme des simagrées de circonstances. Interrogé, le Directeur de l’environnement de la wilaya d’Oran s’est déclaré contrarié de ces inepties. Il déclara que sa direction n’a pas les moyens de procéder à la surveillance du site et encore moins le nettoyer. «C’est le terrain d’action du Commissariat», a-t-il noté. Il ajouta qu’il faut installer un poste permanent dans l’immédiat, tout en critiquant la velléité des associations écologiques locales. En effet, la wilaya a débloqué des enveloppes conséquentes dans le cadre des subventions des associations vertes oranaises. Mais, hélas, la patrie d’un cochon est là où il trouve un gland. Le Directeur de l’environnement nous a promis qu’il va illico presto avertir sa tutelle et que les mesures idoines seront prises instantanément. De leur côté, les universitaires dénoncent cet état de faits déplorables sans pour autant prendre les décisions fermes. Tout ce qu’il ne faut pas faire est actuellement le quotidien de la réserve naturelle des Habibas. Benachour Med


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