Algérie

Il y deux ans, disparaissait Hachemi Chérif Le Feu et la Cendre




Il refusait de se cacher et d'attendre quelque part des jours meilleurs quand des discours et des postures plus « correctes » faisaient admettre les bonimenteurs et les arracheurs de dents dans les asiles tranquilles et souvent dorés de France, de Navarre et d'Helvétie pendant que se jouait le sort de la patrie et que tombaient quotidiennement ses meilleurs enfants. Quels que soient les risques, en dépit des rafales qui l'avaient miraculeusement raté, il était toujours là, bravant les assassins et défiant ceux qui pensaient l'Algérie à la taille de leur appétit. Il est allé jusqu'au bout, accroché à son idéal et à son engagement comme à un sacerdoce, poussant le courage jusqu'aux limites de l'absurde. Il ne connaissait ni la mollesse, ni la tiédeur, ni le confort de ceux qui, parce qu'ils se sont tus dans ces moments où l'on trucidait à la chaîne y compris leurs propres « camarades », n'ont plus droit ni à la parole ni à jeter leur venin couleur d'encre. Jusqu'à l'épuisement, Hachemi Chérif aura été fidèle à son parcours, jalonné de luttes pour l'indépendance nationale, la justice sociale, la dignité humaine, le progrès général et la sauvegarde de la République. Il refusera l'indigence politique, la compromission et la promotion de la fatalité intégriste, face au système rentier et à la tentation du modèle archaïque et liberticide qui gangrènent l'Algérie et l'empêchent de s'affirmer pour s'inscrire dans le courant civilisationnel moderne dans lequel elle retrouverait l'essence humaniste et universelle; une identité nationale, une dialectique de l'affirmation de soi qui postule l'algérianité : l'arabe comme langue de savoir et de rationalité, l'islam religion de tolérance et de paix et l'amazighité composante incontournable de la réalité culturelle et linguistique du Maghreb. Pourfendeur inlassable et irréductible du régime et de l'idéologie rétrograde, « l'homme qui veillait au grain » (*), ne manquait jamais de surgir, chaque fois, pour pointer du doigt le péril, stopper les dérives et dénoncer les fastueuses exactions et les plantureuses turpitudes du système. La justesse de ses analyses et la pertinence de ses projections confinaient à l'insensé et l'on regrette aujourd'hui qu'il ne fût pas plus écouté et qu'il s'en fût allé aussi tôt, au grand dam de ceux, très nombreux, qui le tenaient pour un repère essentiel, une référence incontournable dans une scène politique à laquelle manquent terriblement sa lucidité, sa rectitude, sa rigueur et son autorité intellectuelle et morale. Sa disparition aura sérieusement étiolé l'aura du MDS où certains, comme s'ils avaient trop attendu, comme s'ils s'en étaient trop privé, ont eu tôt fait de se précipiter dans la fosse électoraliste pour tourner le dos à 80% des électeurs et, à la clef, une performance qui a inspiré le trait des caricaturistes et la férocité des persifleurs.
(*) A. Mahmoudi; éditorial du « Jour d'Algérie » du 04/08/05


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