Algérie

«Il y a une mauvaise compréhension de la notion de monopole»



«Il y a une mauvaise compréhension de la notion de monopole»
-Certains spécialistes pointent du doigt les failles contenues dans le code des marchés, notamment le gré à gré, considérant que c'est le procédé par lequel les scandales arrivent. Qu'en dites-vous 'Les failles existent moins dans le code des marchés que dans les incompréhensions dont il est l'objet et les mauvais usages qui en sont faits. Un texte aussi précis et rigoureux, soit-il, ne vaut que par ceux qui l'appliquent. On a appris à naviguer entre les eaux troubles d'une législation inévitablement imparfaite.-Concrètement, y a-t-il, selon vous, un recours exagéré à cette formule 'Absolument. Quelques exemples : il y a quelques mois, le Conseil des ministres a donné son accord à la passation de construction de routes, au gré à gré, et a déterminé les entreprises bénéficiaires, deux observations sont à faire : il s'agit de contrats sans urgence inscrits dans des opérations planifiables, donc non éligibles au gré à gré accordé par le Conseil des ministres, selon l'article 43 du code des marchés publics. Le communiqué a cité les entreprises bénéficiaires, mais le code des marchés limite la prérogative du conseil du gouvernement à autoriser le recours au gré à gré mais ne l'autorise jamais à designer les bénéficiaires. D'autres cas sont à signaler : une erreur commune consiste à considérer le gré à gré comme un mode de passation des marchés «avec qui je veux», alors que le code le définit comme un mode «sans appel formel à la concurrence».La mise en concurrence est prévue mais la loi ne prévoit aucune forme requise écrite ou verbale.Rappelez-vous qu'un responsable, interrogé sur le choix du bureau qui aura en charge l'étude de la Grande Mosquée, avait répondu qu'on attendait la décision du président de la République. Pour un marché pareil, le recours au gré à gré est possible, mais en conformité avec «un arrêté conjoint du ministre chargé de la Culture et du ministre chargé des Finances qui précisera les prestations relevant des considérations culturelles et/ou artistiques».Or, cet arrêté n'a jamais été établi. En outre, aucune disposition, dans le texte, n'autorise le président de la République à prendre pareille décision. Il y a aussi d'autres raisons qui font que le recours à cette formule devient abusif : une mauvaise compréhension de la notion de monopole qui est difficile à établir tant que le fichier de l'opérateur public, prévu par le code, n'est pas élaboré.C'est ce fichier qui permet de dire que, pour telle ou telle prestation ou fourniture, il y a un seul opérateur sur la place et donc il y a une situation monopolistique qui autorise le gré à gré. Aussi, certains considèrent que le monopole découle du fait qu'un opérateur a toujours été sélectionné pendant des années, d'autres déduisent la situation monopolistique d'un fournisseur parce que «c'est le seul qu'on connaît».-Avec tous ces abus constatés, pourquoi n'interdit-on pas carrément le gré à gré 'Il s'agit d'un procédé approprié, nécessaire dans certains cas, mais il doit se faire, à mon avis, dans le respect rigoureux du texte qui l'encadre et qui le fait de façon convenable. Cependant, le texte est violé, parfois par les plus hautes instances du pays qui échappent à tout contrôle. L'impunité et l'érosion de l'éthique du fonctionnaire public sont deux facteurs qui engendrent l'inefficacité de tout droit sanctionnateur.-Que faudrait-il faire alors pour que cette formule soit appliquée sans abus 'Je préfère cela à l'interdiction. Il s'agit d'un domaine que le droit, avec sa rédaction rigoureuse et technique, ne peut pas prendre en charge. Il faut réfléchir à la rédaction de chartes éthiques et déontologiques des gestionnaires du dinar public et travailler sur le long terme à la restauration de la morale et de structures éthiques du fonctionnaire public. Lors d'une discussion amicale, une juge polonaise m'avait dit que les magistrats polonais étaient riches. Je lui répondis, en plaisantant bien sûr : «Est-ce parce qu'ils sont bien payés ou parce qu'ils sont corrompus'» Elle me répondit : «La corruption n'est pas dans notre culture.» Aurais-je pu donner cette réponse si la question m'avait été posée '




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