Riad Benfadel est rédacteur en chef du Monde Diplomatique (version arabe), coordinateur général du parti Al Qotb et dirigeant du Front populaire (FP). Il est aussi le cerveau et la cheville ouvrière de ces rencontres co-organisées par Le Monde Diplomatique (version arabe) et la fondation Rosa Luxemburg.- Comment est venue l'idée de ces rencontres 'Il y a ce constat simple et cruel du recul des gauches arabes et de la montée des revendications identitaires alors que les valeurs qui ont poussé les jeunes à se soulever au printemps 2011 étaient des valeurs citoyennes, des valeurs de gauche. Malheureusement, au moment des élections, les partis de gauche ont été quasiment laminés et n'ont pas eu de poids suffisant pour être à la hauteur des aspirations de ces mouvements révolutionnaires.Par ailleurs, les autres pays qui n'ont pas su assurer une transition démocratique se sont effondrés dans un cycle de guerres civiles à caractère international avec des interventions étrangères. Donc, on s'est dit qu'il était temps que les gauches arabes fassent un travail d'introspection et que les partages de regards croisés avec les gauches européennes, en particulier celles du sud de la Méditerranée ? portugaise, espagnole, française et grecque, avec les expériences que l'on connaît ? pourraient nous éviter de faire les mêmes bêtises et réussir les alternatives de gauche dans nos pays.- Vous avez dit, en ouverture, que Le Monde Diplomatique, coorganisateur de la rencontre, revendiquait sa partialité?Le Monde Diplomatique a toujours été du côté des causes de justice sociale et s'est très vite affirmé comme porte-parole de la bataille anticoloniale ; il a été une dynamo dans les batailles contre la mondialisation et les politiques de libre-échange. Le Monde Diplomatique ne cache pas ses engagements pour la démocratie sociale, pour le changement et pour la défense des intérêts des couches les plus défavorisées, c'est un choix philosophique, culturel et politique. Il n'est inféodé à aucun parti mais à une ligne de défense des intérêts des plus démunis. C'est le mensuel qui refuse la loi de la jungle et c'est sur cette base qu'il est engagé du côté des causes justes et les causes de paix dans le monde.- Quelle est votre appréciation après trois jours de rencontres 'Nous avons eu 14 pays représentés, des deux rives de la Méditerranée, ce qui est assez intéressant pour une initiative qui va être suivie par d'autres. Ce qu'on craignait et qu'on savait, c'est qu'il existe une vraie coupure de la gauche par rapport à ses deux publics cibles que sont les jeunes et les femmes ; la moyenne d'âge était élevée et la présence féminine n'était pas importante, il faut donc que les choses changent. Primo, cette vision rapide est en elle-même une radioscopie de la gauche arabe.Deuxio, il y a une incompréhension de beaucoup de partis de gauche arabes des luttes sociales, en particulier les luttes engagées par les jeunes dans des formes de luttes qui ne sont pas habituelles. Il y a par conséquent le besoin que ces partis puissent appréhender ces luttes dans un premier temps, et ensuite faire partie et pourquoi pas être à l'origine de nouvelles formes de lutte qui aujourd'hui leurs sont complètement étrangères. Certains partis arabes sont plus avancés que d'autres dans l'appréhension de cette nouvelle dynamique. La présence de Podemos et de Syriza ainsi que Razem, qui est l'équivalent polonais de Podemos, était intéressante ; nous avons vu que leurs représentants sont très jeunes (moins de 30 ans).Des partis arabes ont certes présenté des jeunes, mais ce qui fait peur c'est qu'il y a un vrai débat générationnel pour savoir comment vont être portées ces valeurs de gauche, alors qu'il y a un gap de générations qui peut être fatal aux gauches arabes ; celles-ci doivent s'atteler très vite à adapter leurs discours pour qu'ils puissent prendre en compte des valeurs nouvelles qui leur sont différentes, ces valeurs de jeunes, ces valeurs de femmes, ces valeurs de couches qui ne leur sont pas habituelles comme ces syndicalistes, enseignants, personnes précarisées, jeunes qui n'ont pas de perspective et pour qui la chose publique ne veut plus rien dire? C'est là un vrai chantier de remise en cause que les gauches arabes doivent ouvrir dans les plus brefs délais.Malheureusement, si je puis me permettre, parce que l'Algérie est un pays qui m'est très cher, les différents partis algériens de gauche, en particulier la gauche radicale, la gauche engagée, payent aujourd'hui rubis sur l'ongle ce gap générationnel. Il faut espérer que l'Algérie puisse être le lieu d'un grand débat de rénovations sociale et politique qui permet aux gauches algériennes de reprendre l'initiative et ne pas être simplement spectatrice d'une partie de ping-pong.
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Posté Le : 31/05/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nouri Nesrouche
Source : www.elwatan.com