Algérie

«Il y a plus d'importateurs que de producteurs dans la sphère économique»


«Il y a plus d'importateurs que de producteurs dans la sphère économique»
- La dégringolade des prix du brut sur le marché international sonne, éventuellement, la fin de l'ère du pétrole cher. En Algérie, l'on qualifie la conjoncture de «crise grave» et «brutale», pour laquelle des mesures de parade ont été prises. Quelle lecture pouvez-vous en faire 'La chute des cours du pétrole brut sur le marché international était programmée, voire provoquée sciemment. Maintenant il y a un fait, c'est cette réaction du gouvernement qui tend à rassurer les uns et les autres quant à l'impact de la chute des prix du pétrole sur l'économie. Cependant, le discours que l'on tient sur l'après-pétrole est vieux déjà d'au moins une vingtaine d'années.Il fallait donc, pendant tout ce temps-là, prendre en charge les conditions d'une transition vers une économie de substitution au pétrole, en s'investissant dans l'amélioration du climat des affaires, la réhabilitation du rôle des petites et moyennes entreprises (PME), l'assainissement de l'environnement dans lequel évolue l'entreprise, etc. La crise dont vous parlez vient remettre tout le monde face à la réalité de l'économie algérienne. A quelque chose malheur est bon. Nous sommes devant le fait accompli, sans pour autant verser dans l'alarmisme.L'enjeu premier maintenant est de défendre les intérêts du pays à travers le développement d'une vraie économie productive, l'essor de la production nationale publique et privée, la lutte contre le gaspillage et le commerce informel, ainsi qu'à travers l'assainissement du commerce extérieur. En somme, le gouvernement doit impérativement fixer des priorités.- La valeur des importations évolue à pas de géant d'année en année, mettant les finances du pays à rude épreuve. Son économie aussi. Quelle analyse faites-vous de la situation du commerce extérieur 'Il est urgent de faire une sérieuse analyse de la situation du commerce extérieur. Les 60 milliards de dollars d'importations dont on ne cesse de parler est un signe négatif de l'état de santé de l'économie. Une analyse minutieuse des détails des importations s'impose. Nous nous adonnons depuis plusieurs années à plusieurs achats pour le moins inutiles, ne favorisant ni l'économie, encore moins le consommateur.Maintenant qu'il y a cette prise de conscience chez le gouvernement, il est temps de passer à l'acte en épurant les listes des produits importés. Il y va de la survie de l'entreprise algérienne, mais aussi de l'économie. L'entreprise de production est confrontée non seulement au sempiternel casse-tête bureaucratique, mais aussi à une concurrence provenant essentiellement du commerce informel, alimenté par des importations sauvages. Les révélations du dernier recensement économique sont édifiantes : il y a plus d'importateurs que de producteurs dans la sphère économique algérienne.Il y a 300 000 importateurs recensés. Sur les 760 000 entreprises recensées à fin 2012, nous en avons dénombré 520 000 de commerce, dont un peu plus de 400 000 de commerce de détail. Il est impossible de construire une économie de substitution aux hydrocarbures avec un tel tissu économique. Encore moins une croissance économique solide et pérenne. Nous souffrons d'un déficit de 1,5 million d'entreprises.C'est dire qu'une sérieuse réflexion doit être engagée sur l'assainissement du commerce extérieur avec, comme actions concrètes, la mise en place de mécanismes de contrôle, à la fois de la valeur et de la qualité des importations. Des mesures normatives et c?rcitives doivent être mises en place à même de venir à bout de cette hémorragie. Parallèlement à cette action, il est plus que jamais temps que le pays se dote d'une industrie nationale, la seule vraie richesse d'une économie.L'entreprise de production doit être considérée comme un patrimoine national. Des priorités doivent être également identifiées, telles que l'investissement dans l'agriculture, le tourisme, les services, l'artisanat, etc. C'est à travers ces priorités qu'une meilleure occupation du territoire peut se faire.- Le commerce informel n'est-il pas intimement lié à nos importations ' En s'attaquant aux importations sauvages, nous ne faisons pas d'une pierre deux coups tout compte fait 'En Algérie, l'informel a dépassé le raisonnement. Il a même débordé sur des phénomènes aussi graves, dont la fuite importante de capitaux, une concurrence déloyale au secteur économique productif, un haut risque sur la santé des consommateurs, etc. Il y a plus de 70 sites de commerce informel sur le territoire national.L'Etat doit faire un effort à même d'effectuer, en amont, un réel recensement de cette activité et de tenter, en aval, de la canaliser vers des circuits formels à travers des mesures de reconversion et de facilitation. L'Etat doit être également aussi ferme sur les acteurs qui s'abstiennent de s'intégrer dans les circuits du commerce formel. Une chose est sûre : on ne peut plus traîner ce phénomène comme un boulet au pied. C'est un vrai cancer pour l'économie nationale.