"Il y a lieu d'observer une stricte vigilance"

Djamal Zenati, figure connue du combat amazigh et démocratique, a réagi hier, dans une déclaration à Liberté, à l'annonce d'instituer Yennayer comme journée chômée et payée. Voici sa déclaration dans son intégralité. "L'officialisation de Yennayer est l'aboutissement d'un long combat. C'est aussi le résultat des récentes mobilisations de la jeunesse kabyle. Mais il y a lieu d'être prudent. Cette décision intervient dans un moment de crise intégrale aggravée par une guerre successorale de plus en plus ouverte. Le pouvoir a certainement cédé sous la panique. Mais il reste très attaché à son caractère man'uvrier. Yennayer est officialisé le jour même de la promulgation de la loi de finances 2018. Cette concomitance n'est pas de nature à rassurer et encore moins à susciter de l'euphorie. Tamazight a toujours été un révélateur des échecs du régime. Elle ne peut ni ne doit servir aujourd'hui à les masquer. Tamazight ne se réduit pas à une identité, une langue ou une date. Par la force des choses, elle est devenue le vecteur porteur de tous les mécontentements, de toutes les aspirations. C'est l'esprit de liberté, de modernité et de progrès. C'est un rêve toujours vivant, toujours mobilisateur. Il hante et hantera à jamais les autoritarismes de toutes natures. C'est un projet de vie et bien plus, un projet de société. Depuis quelque temps, la stratégie du pouvoir consiste à céder sur le formel et à demeurer intransigeant sur le substantiel. Toutes les libertés sont constitutionnellement consacrées et légalement encadrées.Mais leur exercice se trouve systématiquement entravé par l'interdit et la répression, autrement dit par la force. L'autoritarisme, nationaliste ou religieux, peut très bien s'accommoder de l'amazighité pour peu qu'elle renonce à être la voix et la voie de l'émancipation citoyenne. Le pouvoir tente déjà d'en faire une ressource pour légitimer l'ordre autoritaire en place. Aussi, vouloir dissocier tamazight du combat démocratique est une faute grave. Le pouvoir et ses sous-traitants en Kabylie, anciens et nouveaux, vont s'efforcer de pervertir les termes de la problématique. Pour cela, il y a lieu d'observer une stricte vigilance tout en s'attelant à construire une alternative démocratique dans la clarté. L'année 2018 sera à coup sûr celle du printemps algérien. C'est ma profonde conviction."