Algérie

Il y a le jeûne, il y a le Ramadhan



La plus grande peur des religieux, je parle des professionnels assignés à la tâche de maintenir les croyants sous contrôle, est de perdre l'initiative, et surtout de voir s'éloigner d'eux leurs ouailles. Imaginez un marchand de zalabia de Boghni, ou de faux qalbellouze, confronté d'entrée de Ramadhan à une défection de la clientèle sous influence, qui rejette soudain ces produits addictifs. Or, ni l'imam ni le fabricant ou marchand de zalabia n'acceptent de gaîté de c?ur d'être réduits au chômage en ces temps bénis de florissantes activités de la foi et des marchands du temple.Or, si personne ne songe un instant à offrir des compensations aux marchands de vin, pénalisés par le confinement, il est inconcevable que de pieux marchands et des sauveurs d'âmes soient lésés. Comme nous sommes en période propice à tous les accommodements, que ce soit en cuisine ou dans les chapelles politiques, il ne sera pas dit que le coronavirus aura imposé jusqu'au bout sa loi. Dès que le Ramadhan a pointé à l'horizon, la médecine, qui a réussi à imposer le confinement et à nous épargner ainsi une catastrophe sanitaire, a commencé à chercher des motifs d'inciter au jeûne. Certains n'ont pas hésité à franchir le pas et à faire appel aux bienfaits prouvés qu'apporte le jeûne thérapeutique, oubliant que le jeûne pratiqué en Algérie, et ailleurs, ne doit rien à la santé.
D'autres n'ont pas hésité à faire un grand pont à la détoxination que procure un jeûne bien conduit, ce qui exclut chorba et gavages nocturnes, et à nous prédire une immunité infaillible. Sinon, il y a encore la traditionnelle façon de tenir la canne par le milieu, d'inciter les catégories de population les plus menacées à renoncer à jeûner, sans aucune chance d'être écouté ou suivi. Qu'ils voient ça comme un crédit qu'il faudra rembourser tôt ou tard, ou comme une créance à honorer immédiatement, les Algériens préfèrent jeûner, même au risque d'hypothéquer leur santé.
Le jeûne, tel que pratiqué dans la plupart des pays musulmans, est évoqué par Mohamed Al-Hachemi, dans les colonnes du journal électronique Shaffaf, et dans ses aspects négatifs :
1) Pendant le Ramadhan moubarek, le jeûne provoque des complications chez les diabétiques et augmente le taux de cholestérol dans le sang, avec l'accroissement du nombre de décès. On en voit les conséquences avec l'afflux vers les urgences médicales de patients qui ont consommé toutes sortes de plats, riches en graisses et en sucres, lors du repas de rupture du jeûne.
2) Danger de ne pas boire de l'eau durant plusieurs heures, surtout durant l'été, alors que l'organisme élimine de grandes quantités d'eau, et sachant que l'homme ne dispose pas de réserves, en cas de besoin.
3) Le jeûne réduit également le taux de sucre dans le sang, ce qui réduit son apport au cerveau, et réduit ses capacités et son activité.
4) Ce qui épuise encore plus le jeûneur, c'est la perturbation du sommeil, après avoir veillé, il dort juste pour se réveiller pour le shor, puis il se rendort et se réveille sans énergie pour aller travailler.
5) La faim et un sommeil perturbé provoquent langueur, flemme et manque de concentration, ce qui a pour conséquence une baisse de la production durant le mois de Ramadhan. Les effets sont surtout visibles dans les pays où l'Etat compte sur une seule source de revenus, à savoir le pétrole, pour alimenter son économie.
6) L'accroissement des dépenses alimentaires grève le budget des familles durant le mois de jeûne, et il est suivi d'autres dépenses pour l'Aïd El-Fitr. Ceci est d'autant plus grave qu'il n'y a pas de lois sévères pour protéger le consommateur et décourager la fringale des commerçants dans la majorité des pays musulmans.
7) Il y a, enfin, chez la majorité des jeûneurs, et plus spécialement chez les fumeurs, leur mauvaise haleine, ce qui les met dans la gêne et les oblige à parler en mettant la main devant leur bouche.
8) Durant cette période, les musulmans se retirent dans les mosquées, ou s'enferment chez eux, pour s'asseoir accroupis pour remercier Dieu de leur avoir créé les mécréants pour les servir. Pour eux-mêmes, ils implorent pour la quiétude, davantage de biens, oubliant que 70% des autres musulmans souffrent de la faim, de privations, de maladies et des guerres. Ils donnent ainsi l'exemple parfait de l'égoïsme et de l'égocentrisme.
Mohamed Al-Hachemi rappelle opportunément aux musulmans le fameux discours prononcé le 5 février 1960 par le président Bourguiba, et dans lequel il fustigeait l'attitude de ses compatriotes. Il avait rappelé notamment que pendant que les pays occidentaux redoublaient d'efforts pour accumuler plus de richesses et d'aisance, les musulmans se laissaient aller à la paresse, sous prétexte de Ramadhan. Il avait exhorté ses concitoyens à cesser de somnoler partout en invoquant les rigueurs du jeûne, alors qu'il n'y a rien dans l'Islam qui incite à l'oisiveté et au laisser-aller. Le journal électronique publie un certain nombre de réactions postées sur Facebook d'où il ressort que lui-même, et Bourguiba auparavant, avaient échoué en appelant les gens à la raison.
Un lecteur oubliant qu'on est loin du Ramadhan prescrit par l'Islam, et dont Dieu en est le rétributeur, interpelle l'auteur : «Tu es un menteur, si Dieu voyait des aspects négatifs dans le Ramadhan, il ne l'aurait pas prescrit.» Un autre brandit un lien sans issue qui est censé parler d'un savant japonais, prix Nobel, qui disait que le jeûne prolongeait la jeunesse. On ne parle toujours pas du même jeûne. On ne s'étonnera pas d'enregistrer déjà en France un premier accès d'islamophobie spécial Ramadhan, émanant de l'inévitable Eric Zemmour. Lequel pamphlétaire s'est plaint qu'on ait autorisé les musulmans à «fêter» le Ramadhan dans les immeubles, mais au lieu d'y voir une violation du confinement, il proteste : «Pourquoi on n'a pas fait la même chose pour les chrétiens à Pâques '»
L'animateur télé qui se targue pourtant de connaître l'Islam ne devrait pas ignorer que le Ramadhan, bien conçu et bien compris, ce n'est pas une fête nocturne qui dure un mois. Il est vrai que les musulmans se chargent tous les ans de lui donner raison.
A. H.


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