Algérie

Il y a cinq ans disparaissait l’universel Mohamed Dib


Hommage au Phénix de Tlemcen Vouloir évoquer cet écrivain artiste, cette grande personnalité de stature internationale à travers cette rétrospective réduite s’avère très difficile au vu de l’immense œuvre diversifiée léguée à la culture universelle. Mais comment l’éviter alors que toutes la ville de Tlemcen et toute sa région demeurent étroitement liées à la plus grande partie de son œuvre, principalement celle qui a été à l’origine de son émergence et de son affirmation. Mohamed Dib est né le 21 juillet 1920 à Tlemcen, dans une famille bourgeoise ruinée. Comme la plupart des enfants de sa génération, il fréquente l’école coranique à Tlemcen puis à Oujda (Maroc). Dès l’âge de 14 ans, ses penchants pour la poésie, et aussi pour la peinture, commencent à se manifester. Dib entame une carrière dans l’enseignement comme instituteur au village frontalier algéro-marocain de Zoudj Bghal. Cependant la conjoncture internationale et la 1ère guerre mondiale notamment, le contraint à changer d’occupation en devenant comptable dans le service de subsistance des armées alliées puis interprète en français-anglais. Après la chute de l’Allemagne nazi, le voici attiré par l’artisanat local, seul secteur de l’époque en mesure d’offrir quelques débouchés à la masse des désœuvrés. C’est ainsi que ses talents dans la peinture lui permettent d’exercer comme dessinateur de maquettes de tapis sans se détourner de la littérature. En 1948, il participe aux journées de Sidi Madani (Blida) et fait ainsi la connaissance d’écrivains en vogue, particulièrement Camus. Avant de s’engager définitivement et totalement dans l’écriture, il choisit d’abord de faire ses preuves dans le journalisme. Il est alors reporter au quotidien «Alger républicain». Mohamed Dib se marie en 1951 et fait un voyage en France en 1952. Il s’attache de près à l’évolution générale en Algérie et signera, à la fin de l’année 1955 le «Manifeste fraternité algérienne» et commence alors à accumuler, d’année en année, une somme d’informations qui serviront par la suite de matière à son œuvre et publication régulière au cours de toute une décennie déterminante pour lui. Juste à la fin de l’année 1959, il fait l’objet d’une expulsion et doit alors s’éloigner de sa ville natale et de toute l’Algérie. C’est à Mougins qu’on le retrouve et qu’il adopte provisoirement, un tout autre cadre naturel que celui qui lui offre l’essentiel. La fin de l’exil n’aura lieu qu’avec la fin de la guerre de l’indépendance. Le retour au pays natal ne durera pas longtemps et l’auteur doit retourner en France où il demeure en entreprenant de temps à autre des voyages un peu partout dans le monde. L’œuvre «dibienne» par sa diversité et sa singularité, attire bien l’attention puisqu’elle renferme aussi bien des recueils de théâtre que des romans, voire aussi des scénarios. Très vite, les deux romans de la première trilogie «Algérie», (La grande maison et L’incendie) sont portés à l’écran par le réalisateur Mustapha Badie. C’est une grande fresque relatant la détresse des couches populaires et celle de la ville de Tlemcen à la veille et pendant la deuxième guerre mondiale. Avec «Le métier à tisser» (1957), l’écrivain s’affirme et s’engage franchement et totalement dans le processus de libération nationale. En 1955, le recueil de nouvelles «Au café» paraît, et l’auteur est témoin de sa société et de son temps, «Nous sommes acteurs de cette tragédie» disait-il. Avec un recul dans le temps, l’on apprécie mieux la profondeur des idées et le sens aigu de l’observation, d’où l’universalité de l’œuvre comme le précise bien le critique, J.Dejeux: «Le romancier montrait avec un art littéraire consommé la lucidité des paysans et des tisserands face aux événements qui se préparaient». Peu après, et compte tenu de l’itinéraire de l’auteur, on passe à une seconde étape marquée par une intériorisation plus avec les symboles, allégories et évocations oniriques, notamment dans l’œuvre «Qui se souvient de la mer». Quant à Habel (1977), c’est un roman extraordinaire, l’auteur s’interroge sur son itinéraire d’émigré. Il pose un certain nombre de questions en transcendant les faits, le «je» s’est affirmé tout en se découvrant un «autre». En ce qui concerne les recueils de poésies, ils sont d’une quintessence très poussée dans l’investigation de l’amour. De «La grande maison» en 1952 aux «Terrasses d’Orsol,» de «L’incendie» en 1954 à «Ombre gardienne» en 1961, du «Métier à tisser» en 1957 à «Qui se souvient de la mer» en 1962 jusqu’à son dernier ouvrage, Mohamed Dib avait à son actif plus de 34 œuvres. Il a exercé comme «Regent’s professeur» à l’université en 1975 et devient en 1976, membre du jury en Oklahoma. En 1994, il reçoit le grand prix de la francophonie en tant qu’écrivain étranger. L’œuvre «dibienne» a investi avec sagacité et finesse une territorialité extrêmement complexe de la littérature universelle, celle de l’hermétisme. Cela est non seulement vrai de la poésie, territorialité classique et privilégiée de l’alchimie du verbe, mais cela est aussi vrai du roman et c’est peut-être là l’originalité de l’écriture de Dib. Aujourd’hui, une fondation porte son nom à Tlemcen, en hommage à son œuvre. B.Soufi
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