Algérie

«Il y a bien longtemps que la note de l'Etat français aurait dû être abaissée»



«Il y a bien longtemps que la note de l'Etat français aurait dû être abaissée»
- Sous le coup de la menace depuis plusieurs semaines, la France vient de perdre son «triple A». Quelles sont les motivations de la dégradation de la note souveraine, aujourd'hui particulièrement ' Il faut d'abord apporter une précision sémantique : il ne s'agit pas, comme on l'écrit trop souvent, de dégrader la France, ce qui est un abus de langage, mais de dégrader l'Etat français, c'est-à-dire l'entité publique qui émet ou garantit des obligations, ce qui n'est, bien sûr, pas la même chose. Concernant la dégradation de l'Etat en France, le plus surprenant n'est pas l'annonce de Standard's & Poors mais le fait que cette notification arrive seulement maintenant. Ce qu'on pourrait reprocher aux agences de notation c'est – comme ce fut le cas pour les subprimes en 2007 et 2008 et pour la dette grecque en 2009 et 2010 – non pas une décision de dégradation parfaitement logique, mais bien plutôt la lenteur avec laquelle les agences ont pris leur décision. En effet, il y a bien longtemps, probablement 2 ou 3 ans, que la note de l'Etat français aurait dû àªtre abaissée, car les gouvernements successifs depuis 1981, et plus particulièrement depuis 1998, n'ont jamais su contenir le déficit budgétaire. Entre 2003 et 2005, les gouvernements français et allemand ont manœuvré pour éviter les contraintes du Pacte de stabilité et de croissance institué le 17 juin 1997 à  Amsterdam sous forme d'une résolution du Conseil européen avec les fameuses limites de 3% de déficit public et 60% de dette publique. Ce puissant lobbying des deux premières économies de la zone euro a abouti, le 22 mars 2005, à  une décision du Conseil européen d'assouplir le Pacte de stabilité et de croissance et donc d'exonérer de fait les Etats membres de la nécessaire discipline budgétaire. Mais à  partir de 2003-2005, les politiques budgétaires de la France et de l'Allemagne ont divergé. Si le gouvernement allemand a lancé des réformes (des retraites, du marché du travail et de baisse des prélèvements publics) qui ont amené l'Etat fédéral à  réduire son déficit public autour de 1% en 2011, les gouvernements successifs, en France, n'ont effectué que des mini-réformes (non-remplacement d'un départ de fonctionnaire sur deux, réforme des retraites) indispensables à  long terme, mais trop modestes et aboutissant à  un déficit public de 5,5% en 2011.
- Cette notation est-elle logique ' Dans ces conditions, il est logique que l'Allemagne garde son AAA et que la France le perde.
Il est même assez probable que cette dégradation ne soit pas la dernière et que la note de l'Etat français tombe à  AA ou à  AA-, ce que j'estime, pour ma part, en tant qu'analyste financier et expert en économie internationale, àªtre le niveau adéquat.
Il faut toutefois relativiser cette dégradation ; le risque des obligations émises par l'Etat en France reste très faible, nettement meilleur que celui de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal, de l'Irlande ou de la Grèce qui est le pays de la zone euro le plus proche du défaut. Nous nous retrouvons donc maintenant dans la zone euro avec une hiérarchie des émetteurs conforme à  la réalité : un peloton de tête de pays parfaitement sûrs (l'Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas), des pays très sûrs mais pas irréprochables (France, Autriche) et des pays plus risqués (les autres pays dont le risque est d'ailleurs loin d'être homogène, de la Slovénie et la Belgique à  la Grèce).
- Quelles pourraient àªtre les conséquences de la décision de Standard & Poors sur la France et la zone euro ' Les conséquences sont de deux ordres :
- sur les marchés, la dégradation a été largement anticipé et le spread (écart entre les taux des obligations émises à  10 ans) devrait rester autour de 120 à  150 points de base entre la France (qui émet actuellement à  3,3%) et l'Allemagne (qui émet à  1,8%).
- sur les intérêts à  payer : à  ce niveau de taux d'intérêt, le surcoût à  payer en intérêt est de l'ordre de 2 milliards d'euros pour le Trésor français en 2012 et va progressivement augmenter. Enfin, espérons que la dégradation du rating de l'Etat obligera les futurs gouvernements à  lancer les réformes des finances publiques qui réduiront le déficit budgétaire. Cela ne peut passer que par une diminution des dépenses de l'Etat, car la France est déjà un des pays qui a le taux de prélèvement obligatoire (autour de 44%) le plus élevé dans le monde. Ce n'est pas la voie qu'a empruntée le gouvernement Fillon, puisque 80 à  90% des mesures des deux plans de rigueur lancés en 2011 concernent la hausse des impôts et seulement 10 à  20% la baisse des dépenses.
 


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