Algérie

Il y a 51 ans, les essais nucléaires de Reggane : Le crime que la France ne veut pas assumer



Il y a 51 ans, les essais nucléaires de Reggane : Le crime que la France ne veut pas assumer
' Des études réalisées dans cette région du Tanezrouft ont révélé que les cancers, les malformations sont plus fréquents qu'ailleurs. L'environnement a subi également de graves préjudices. La puissance de l'explosion a fait tarir des nappes phréatiques et Il était sept heures quatre minutes du matin, le 13 février 1960, quand, à 70 kms au sud de la ville, retentit une énorme explosion. C'est l'opération Gerboise bleue dont les effets nocifs se ressentent jusqu'à nos jours. Avec 70 kilotonnes, des spécialistes diront plus tard que sa capacité dépassait de 24 fois celle des bombes atomiques qui terrassèrent l'empire nippon. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de guerre froide, chaque puissance voulait se doter de l'arme atomique, devenue étalon de la force. Après les Américains qui construisirent la terrible bombe dans une base du Nouveau Mexique, vint le tour des Anglais et des Soviétiques. Ces derniers reçurent les plans des mains d'un espion d'origine allemande aux sympathies communistes avérées. Il était dans l'équipe dirigée par Oppenheimer, d'origine allemande également, qui conçut à  Los Amos la bombe au plutonium qui rasa Hiroshima puis Nagasaki. La France, dont l'Algérie était alors une des plus importantes colonies, se plaça aussi dans la course avec la création dès mai 1945 d'un Commissariat à  l'énergie atomique. C'est sans surprise que le Sahara algérien vaste et peu peuplé fut choisi pour implanter un centre pour les expériences militaires. Cette instance supervisa le premier essai dans la région de Reggane, dans la wilaya d'Adrar. Il était sept heures quatre minutes du matin, le 13 février 1960, quand, à  70 km au sud de la ville, retentit une énorme explosion. C'est Gerboise bleue dont les effets nocifs se ressentent jusqu'à nos jours. Avec 70 kilotonnes, des spécialistes diront plus tard que sa capacité dépassait de 24 fois celle des bombes atomiques qui terrassèrent l'empire nippon. Quatre essais en plein air furent effectués   dans les deux mois qui suivent dans un rayon de 60 kms. On ne prit même pas la précaution d'éloigner les populations à  100 kms au moins pour éviter l'exposition aux radiations. Une quarantaine de personnes furent tuées le jour même. Durant les semaines qui précédèrent l'explosion, qualifiée cyniquement de réussite, des ouvriers avaient été ramenés de la région pour des travaux de nettoyage et de génie civil sur la base. On parlera à  leur propos de cobayes humains, pour la plupart des prisonniers ramenés de la prison de Bechar.  Confinés dans des tentes, ils avaient reçu des colliers munis de plaques métalliques. Il s'agissait d'un dosimètre pour mesurer les radiations après l'essai. Les autorités françaises vont ensuite procéder à  partir de novembre 1961 à  des essais dans la région d'In Ikker au nord de Tamanrasset. Souterrains, ils prendront fin décembre 67. Ils seront marqués par des accidents qui laissent s'échapper des galeries souterrains des nuages radioactifs. Dans cette région du grand sud, on a poussé la mauvaise foi  jusqu'à  dire aux Algériens qu'ils allaient creuser des mines sans les avertir sur les risques encourus.  CRIME CONTRE L'HUMANITÉ  Le professeur El Aboudi d'origine irakienne, enseignant à  l'université d'Adrar, n'a cessé de répertorier les conséquences fâcheuses de ces essais qu'il n'hésite pas à  qualifier de «Â crime contre l'humanité, imprescriptible ». Il met en avant surtout les malformations congénitales qui persistent de nos jours  dans  la région. « Ce ne sont pas seulement ceux qui vivaient à  l'époque qui sont, nous dit-il, des victimes mais aussi ceux qui sont nés des années après. La responsabilité de la France est de ce fait aussi engagée ». Maître Farouk Ksentini ne mâche pas ses mots à  ce sujet. «La France a commis un crime de manière froide contre l'humanité». «Non seulement celle-ci doit s'excuser mais indemniser les victimes », affirme le président de la commission nationale de promotion des droits de l'homme qui a initié depuis mercredi une caravane qui doit se rendre dans la région de Reggane. «Elle aura à  réunir des preuves et des indices qui permettront de saisir des instances judiciaires». Il espère «un programme sanitaire spécifique pour les populations exposées aux irradiations et la France se doit de financer la prise en charge sanitaire des concernés» . «Les coûts des soins médicaux des populations du Sud algérien sont très coûteux», précisera-t-il. Les dégâts ont concerné autant les personnels militaires que les civils algériens. Des études réalisées dans cette région du Tanezrouft ont révélé que les cancers, les malformations sont plus fréquents qu'ailleurs. L'environnement a subi également de graves préjudices. La puissance de l'explosion a fait tarir des nappes phréatiques et les écosystèmes ont été profondément bouleversés. La fertilité de la terre n'est plus la même et des espèces animales et végétales ont totalement disparu.LE PRÉALABLE DE L'EXCUSE Longtemps la France a tourné le dos à  ses crimes revêtus d'un voile de pudeur hypocrite. Le fait que ces événements se soient déroulés dans une zone désertique et ayant concerné une activité strictement militaire a sans doute contribué à  cette occultation. La presse qui ne pouvait taire des événements au nord était loin. Il a fallu attendre ces dernières années pour voir émerger sur la scène publique des témoignages d'anciens appelés ou des documentaires qui ont levé le voile sur cet épisode criminel. La France tarde pourtant à  se repentir. Elle n'a même pas remis les archives ou permis au moins l'accès à  celles-ci. C'est l'une des revendications de la fondation du 8 Mai 1945. Selon son président, Boukhrissa, «ce n'est sont pas, tant les indemnisations que nous mettons en avant, que la nécessité pour les autorités françaises de venir décontaminer les lieux pollués par la radioactivité». A leur départ définitif de la base en 1968, les militaires français n'ont pas nettoyé le matériel laissé sur place. L'homme estime que les «autorités algériennes doivent aussi faire preuve de transparence et nous dire où en est le traitement de ce dossier». «Nos parlementaires doivent s'impliquer et proposer des lois sur cette question». Les archives médicales concernant la période 62-78 auraient disparu comme pour effacer les effets de ces explosions qui des années après ne cessent  d'inquiéter les populations. «Nous savons que de nouvelles formes de cancer inconcevables dans cette région sont apparues et le traitement a besoin de gros moyens que les Français doivent prendre en charge», ajoute Me Ksentini. Ce dernier fait le parallèle avec la position de l'Etat français qui a «reconnu sa responsabilité dans ce qui a touché la communauté  juive sous Vichy». En somme, pour lui, «la France doit s'excuser et indemniser».  En janvier 2010, une loi fut promulguée par le Parlement français pour indemniser les personnels militaires qui furent touchés au Sahara et dans les à®les du Pacifique comme la Polynésie ou Tahiti.  Les civils algériens ne semblent pas encore concernés par le dispositif. En février 2007, s'était tenu un séminaire international à  Alger  autour de ces essais. Depuis, chaque année, une telle manifestation se renouvelle pour dénoncer ce crime et familiariser la société avec d'éventuelles démarches de nature à  recouvrer leurs droits et découvrir ce qui se fait ailleurs en matière de décontamination. Une association née en 1997 active pour que l'oubli ne vienne jamais ensevelir cette page indigne de la colonisation française.


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