Algérie

Il y a 14 ans, le meurtre de Boudiaf



Comment oublier le grand homme ? L’Algérie commémore aujourd’hui le 14ème anniversaire de l’assassinat du président Mohammed Boudiaf. A dire vrai, c’est une célébration outrancièrement timide, une commémoration qui n’est pas à la hauteur de celui qui incarnait l’espoir de renouveau pour son peuple. Nous sommes très loin du premier anniversaire de l’assassinat de celui qu’on appelait très sympathiquement «Boudy» quand toutes les entreprises et administrations du pays se sont arrêtées durant quelques instants et où une minute de silence a été observée à la mémoire du premier président algérien assassiné depuis l’indépendance; et quand les radios nationales interrompaient leur programme habituel pour diffuser l’hymne national et des chants patriotiques; et quand une gerbe avait été déposée sur la tombe de Mohammed Boudiaf, au cimetière national d’El-Alia par trois membres de la présidence collégiale et le chef du gouvernement d’alors, Belaïd Abdesslam; et des dizaines de rencontres, rassemblements et sit-in avaient été tenus dans les quatre coins du pays… Quatorze ans après l’assas-sinat «in life» de ce chef historique du mouvement de libération nationale, qui avait été incarcéré dans la prison de Fresnes après le détournement par la chasse française, en 1956 au-dessus de la Méditerranée, d’un appareil civil marocain dans lequel il se trouvait en compagnie d’autres dirigeants du FLN, de cet homme qui avait choisi en 1963 de s’exiler au Maroc où il vécut dans la discrétion jusqu’à son retour à Alger en 1992, les Algériens, pouvoir et oppositions, font juste semblant (quand il le font) de se rappeler qu’il a un jour existé et qu’il est mort pour ce pays. En effet, l’enquête sur le meurtre du président Boudiaf, assassiné d’une rafale de pistolet-mitrailleur dans le dos au cours d’un rassemblement des cadres de l’Est du pays, dans la Maison de la culture d’Annaba, qui avait conclu à un «acte isolé» perpétré par un «illuminé» aux penchants islamistes, le sous-lieutenant Lembarak Boumaarafi, membre de sa garde rapprochée, n’a pas convaincu. Quand en janvier 1992, Mohammed Boudiaf avait été appelé par la présidence collégiale algérienne pour remplacer le chef d’Etat déchu, Chadli Bendjedid, les jeunes des rues d’Alger, d’Oran et des autres grandes villes disaient: «Celui-là, on n’en a pas parlé dans les journaux, on ne le connaît pas, ça doit être quelqu’un de bien.» Et il était effectivement quelqu’un de bien jusqu’à ce jour fatidique où il a cessé de tendre sa main à tout le monde. Chacun de nous se souvient où il était et ce qu’il faisait quand la mauvaise nouvelle de l’assassinat de Boudiaf nous tomba sur la tête. C’était un 29 juin 1992, lors d’une conférence des cadres qu’il tenait dans la ville d’Annaba. Au moment où il parlait dans un langage très algérien, de derrière les rideaux de la tribune, un sous-lieutenant du groupe d’intervention spécial (GIS), Lambarek Boumaarafi, jeta une grenade sur scène puis tira une rafale sur le président Boudiaf qui fut touché mortellement. Six mois plus tôt et dès son entrée en fonction, il avait surpris l’opinion publique en proclamant sa ferme intention de combattre tout à la fois l’intégrisme islamiste et la corruption de l’appareil d’Etat. Son projet politique de rupture avec l’ancien système de parti unique sclérosé par l’usure du pouvoir et de constitution d’un Rassemblement patriotique national l’avait fait qualifier de «communiste déguisé» par les intégristes du FIS dissous. Quatorze ans plus tard, au cours de cette semaine et à l’initiative de la Fondation Mohamed Boudiaf, une conférence a été organisée au centre de presse d’El Moudjahid, sur le parcours d’un grand militant de la cause nationale intitulée «Mohamed Boudiaf, un homme, un révolutionnaire, un juste». L’un des conférenciers, à savoir M. Mohamed Abbas, a parlé de Boudiaf en ces termes: «C’est un homme politique et plus encore un révolutionnaire qui a donné le maximum pour son pays... Son sacrifice a été immense.» C’est suffisant pour les grands hommes.


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