Algérie

Il pleut la panique



Hier il a (encore) plu sur Alger. De cette pluie de septembre. Douce, fine et colorée de vieilles folies. Il a plu de cette eau qui chasse la poussière et répand l'odeur de la terre, du foin et des promesses de nouvelles saisons. On aurait pu marcher le corps nu et les cheveux dans le vent. On aurait même pu courir, s'il nous restait un bout d'audacieuse vitalité. Hier, c'était l'automne même si on ne sait plus ce que les feuilles mortes sont devenues. C'était juste une petite pluie qui vous rappelle la vie et ses rotations. Alors, ça s'est passé comment, hier à Alger ' Non, personne n'a dansé sous la pluie, personne n'a exposé sa tête à la générosité du ciel. Personne n'a chanté l'automne, la terre et l'odeur de la terre. Hier, sur la route, le peuple au volant a (encore) paniqué. Il pleuvait, vous vous rendez-compte ' Il avait même plu dans la nuit du jour d'avant, ce qui explique (encore et toujours) qu'on avait doublement raison d'avoir peur. Peur pourquoi, peur de quoi ' Il pleut. On aurait pu prier le ciel pour nous l'envoyer, cette ondée. «El istisqa», qu'on l'appelle, la supplique qui, une fois satisfaite nous installe dans la terreur. Branle-bas de combat du côté des Grands Vents. Et mouvement de foule... métallique. Ça va dans tous les sens, surtout dans le non-sens. Ça crée de nouvelles files de circulation, c'est-à-dire de... stagnation. Ça klaxonne comme au Caire, personne ne sait pourquoi. Il pleut. Tu penses qu'il y a eu des morts ' Il y a eu une inondation dans ce quartier de Kouba. Comment il s'appelle déjà ' Personne ne sait, on n'en parle que quand il pleut au printemps ou en automne. Il faut des hirondelles ou des feuilles mortes pour les peurs cycliques, c'est comme ça. C'est comment déjà ' Il faudra voir avec la Casbah. Combien de maisons sont tombées ' Aucune ' Tu écoutes trop les infos. Sur la route, bien avant les Grands Vents ou juste après, ce n'est pas important, il y a (encore) des voitures noires qui hurlent sur la bande d'arrêt d'urgence. Il y en a qui s'y sont collés. On n'oublie ni ses travers ataviques ni ses revanches roublardes. Pourtant, il pleut, tout le monde veut arriver quelque part sans savoir où, sans savoir pourquoi il faut absolument arriver. Est-ce qu'on a été voir la mer au petit matin ' Voir la mer ou regarder tomber la pluie, debout sur un rocher, les yeux à l'horizon et les mains essorant le visage ' Dieu, que c'est ringard, une rêvasserie romanticarde ' Plutôt con, non ' Il pleut sur la ville. On ne sait pas toujours pourquoi et de quoi mais on a peur. On panique et on ne fait rien pour le cacher. Il pleut et ce n'est pas un poème.S. L.


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