Algérie

Il nous a quittés en septembre 2015 Inimitable El Ankis



Il nous a quittés en septembre 2015 Inimitable El Ankis
Publié le 07.09.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Aomar Mohellebi

Comme tout vrai et grand artiste, El Ankis a eu son propre cachet tout au long de sa carrière, évitant donc de tomber dans les nasses de l'imitation aveugle et abêtissante à la longue, et constituant l'un des obstacles majeurs à toute authentique carrière. Boudjemaâ El Ankis est indéniablement l'un des piliers de la chanson chaâbie algérienne. Son nom trouve amplement sa place parmi ses confrères de gros calibre à l'instar de Amar Ezzahi, El Hachemi Guerouabi, Dahmane El Harrachi, etc. Tout au long de son parcours artistique, qui s'étale sur plusieurs générations, Boudjemaâ El Ankis n'a pas cessé d'innover, notamment dans le domaine de l'interprétation sur scène et dans les fêtes de mariages et de circoncisions auxquelles il est resté fidèle jusqu'à un âge très avancé.
El Ankis, à l'instar des autres grosses pointures du même genre, a merveilleusement conféré son timbre personnel en matière d'interprétation des titres magiques comme «El kawi», «El Harraz», «Youm El Djemaâ», etc. En plus de sa belle voix unique, il réussissait à chaque fois à insuffler un souffle nouveau aux titres célèbres du chaâbi, réservant ainsi de belles surprises à ses fans. Boudjemaâ El Ankis n'a pas cessé de fignoler son art sans jamais avoir cette impression aveuglante d'être parvenu au summum de son art. Il a toujours cherché à offrir mieux et plus à ses fans en gardant les pieds sur terre.
D'ailleurs, même l'homme était empreint d'une immense modestie qu'on retrouve d'ailleurs chez pas mal d'autres chanteurs de chaâbi dont son ami et élève Amar Ezzahi avec lequel il a réalisé ses plus beaux duos, dont l'extraordinaire chanson «Saâ el akhira», écrite et composée par un autre géant: Mohamed El Badji. C'est aussi Boudjemaâ El Ankis qui a interprété une partie des chansons mythiques et immortelles du chaâbi composées par Mahboub Bati ou Mohamed El Badji. C'est le cas de «Rah el ghali rah», «Ya bhar ettoufan», «Yal maqnin ezzine», entre autres. Donc, tout en restant fidèle au chaâbi «ancienne version», tant défendu par les puristes, El Ankis a également entrepris de faire appel aux meilleurs compositeurs pour avoir de quoi séduire les jeunes de la génération de l'époque très attirés par les mélodies qui lui parvenaient aussi bien de l'Orient que de l'Occident. C'était une méthode à laquelle avait eu recours également Guerouabi et qui a donné de très bons résultats. Les jeunes avaient commencé à renouer avec ce chaâbi, qui était plutôt l'attraction des plus initiés et des érudits notamment en matière de poésie et de longs qsids.
La chansonnette, notamment d'amour, a donc permis au chaâbi, version El Ankis, de se faire une sorte de peau neuve et d'empêcher ainsi la chanson occidentale, très en vogue alors, de l'emporter dans son sillage. Car le risque, d'après plusieurs témoignages, était bien réel et grand.
À nos jours d'ailleurs. El Ankis nous a quittés le 2 septembre 2015. Il avait 88 ans. Il n'a pas cessé de prodiguer des conseils aux jeunes artistes et aux mélomanes, lui qui incarnait l'algérianité dans toutes ses dimensions, notamment amazighophone et arabophone. Il a d'ailleurs à son actif des chansons en kabyle, faut-il le rappeler. Et rappeler qu'il était demeuré viscéralement attaché aussi bien à sa casbah d'Alger qu'à son Ait Rehouna d'Azeffoun.

Aomar MOHELLEBI



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