Publié le 11.10.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Aomar Mohellebi
Le temps passe tellement vite quand il s'agit d'évoquer l'année de la disparition d'un artiste particulier, grand et sans pareil.
C'est le cas de l'un des piliers de la chanson kabyle. L'une de ses plus belles voix. L'un des meilleurs compositeurs, également. Il s'agit du maître Youcef Abdjaoui. Il nous a quittés en octobre 1996. Mais il fait partie de la frange de chanteurs qui ne disparaissent pas avec leur décès.
Crème de la chanson kabyle
Les chansons de Youcef Abdjaoui sont immortelles. Portées par sa voix magique et suave, ses chansons s'écoutent toujours avec le même plaisir renouvelé. Elles dégagent tout le temps la même émotion. Les mêmes sensations également. Qu'il s'agisse de ses chansons d'amour que de toutes les autres, l'oeuvre artistique de Youcef Abdjaoui fait partie de la crème de la chanson kabyle. Dommage que depuis son décès, aucun hommage grandiose qui aurait reflété sa stature n'a été organisé à ce jour. Qui n'a pas été ému en écoutant des chansons cultes comme «Ayghar inid ayghar» ou encore «Tit d wul»? Deux chansons d'amour phares de Youcef Abdjaoui. La deuxième revêt même une dimension philosophique indéniable puisque l'artiste pose cette question et tente d'y répondre: «Quand on tombe amoureux, la responsabilité incombe-t-elle aux yeux ou au coeur». Les yeux ont vu et le coeur a réagi. De manière admirable, Youcef Abdjaoui lance un dialogue houleux entre ces deux organes qui tentent chacun de son côté, de jeter la pierre à l'autre dans la survenue du coup de foudre. Une chanson qui a fait un énorme tabac à sa sortie et même plusieurs années après. Les mélomanes continuent de se délecter à ce jour des mélodies de cette belle chanson et d'autant d'autres que Youcef Abdjaoui a composées tout au long de sa carrière artistique. Le fils d'Ait Allouane, dans l'Akfadou, naquit le 16 décembre 1932. Dès ses tout débuts, il opte pour un pseudonyme tout comme pas mal de grandes figures de la chanson kabyle de l'époque à l'instar de Kamel Hamadi, Cheikh Nordine, El Hasnaoui, Farid Ali... Nous sommes au milieu des années 40 quand Cheikh Sadek Abdjaoui «détecte» le talent de Youcef Abdjaoui. Il lui offre l'opportunité de passer à la radio en 1947. Le contexte artistique de l'époque était entièrement différent de celui d'aujourd'hui, dominé par l'Internet.
Dans la cour des grands
À l'époque, passer à la radio était en lui-même un rêve et un exploit pour tout artiste. Mais il faut attendre une dizaine d'années pour que Youcef Abdjaoui puisse enfin enregistrer son tout premier disque. Nous sommes en 1958 et Youcef Abdjaoui a gagné Alger, pour tenter sa chance. Dès cette première production, Youcef Abdjaoui arrache sa place dans la cour des grands et lui permet d'avoir une place de choix dans les rangs de l'orchestre de Amraoui Missoum. Chanteur nationaliste, Youcef Abdjaoui n'a pas hésité à mettre sa voix d'artiste au service de la cause nationale en effectuant des tournées dans la troupe de Farid Ali. Après l'indépendance, il prend les rênes d'un orchestre à la Radio nationale dédié à la chanson d'expression kabyle. A la fin des années 60, il repart en France pour poursuivre sa carrière. Youcef Abdjaoui a chanté l'amour, la vie et la mal-vie, la terre natale, la misère, la trahison entre amis, il a rendu hommage à Matoub Lounès après les événements d'octobre 1988 dont le Rebelle a été l'une des victimes... «Yegguma wul akmitsou», l'une de ses chansons fétiches, reste à ce jour, l'une des plus belles chansons d'amour d'expression kabyle de tous les temps.
Aomar MOHELLEBI
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Posté Le : 11/10/2023
Posté par : rachids