Il nous a quittés en juillet 2006 Guerouabi, un maître et une école

Publié le 13.07.2023 dans le Quotidien l’Expression

Par Aomar MOHELLEBI



Un artiste unique et génial qu'on ne peut pas évoquer au passé car il est tout simplement immortel.



Car comment imaginer le chaâbi sans Guerouabi? Ou de manière plus générale, la chanson algérienne sans ce géant qui a marqué de manière spectaculaire plusieurs générations de fans. Il nous a quittés en juillet 2006. Il avait moins de 70 ans et il pouvait encore dominer la scène artistique par ses qualités et son talent incomparable, mais le destin en a décidé autrement. Toutefois, Guerouabi a eu suffisamment de temps pour donner ce qu'il avait de meilleur en s'illustrant sur plusieurs fronts. Tout en restant fidèle au chaâbi authentique, dans une certaine mesure, Guerouabi a réussi à conquérir le coeur des jeunes de l'époque en apportant des touches de modernité au chaâbi grâce au concours des meilleurs compositeurs de ce style de musique dont le principal n'était autre qu'un autre géant: Mahboub Bati. Guerouabi avait tous les dons pour transformer une chanson composée et écrite par Mahboub Bati en chef-d'oeuvre, voire en une oeuvre magique comme les éternels titres: El warka, Allo allo, El Barah, Goulou l nass, etc. Guerouabi a su conquérir les coeurs des jeunes aussi bien par les mélodies que les compositeurs de génie lui ficelaient presque sur mesure que par ses textes puisqu'il a chanté abondamment l'amour et ses déceptions, sujet de prédilection de cette frange de mélomanes. Mais en même temps, Guerouabi a également interprété les plus célèbres qasidate du chaâbi et les titres mythiques de ce style comme Youm El Djemaâ, El Harraz, Ayli w mali, Ya bouya hnini... Guerouabi qui est né à El Mouradia, à Alger, le 6 janvier 1938, a, à ce jour, des fans dans les quatre coins du pays. Ayant chanté sur plusieurs thèmes comme l'amour, la mal-vie, l'exil, l'amitié, entre autres, Guerouabi a su atteindre toutes les sensibilités de fans. À ce jour, on écoute ses chansons avec la même verve bien qu'il ne soit pas parmi nous depuis près de 17 ans. Avant d'épouser à vie la chanson, Guerouabi était footballeur jusqu'à 1952, année où il troqua la balle ronde contre le mandole. Très jeune, il fut déjà très influencé par les grands maîtres du chaâbi comme El Anka bien sûr, mais aussi Hadj Mrizek et Mohamed Zerbout. Son succès, Guerouabi le doit principalement à ses capacités vocales phénoménales ainsi qu'à son talent inimitable en matière d'improvisation sur scène puisqu'à chaque fois qu'il interprète le même titre de nouveau, il surprend ses spectateurs en y introduisant de nouvelles sonorités et des innovations sur le plan de l'interprétation. Le timbre de sa voix, pétri d'une grande charge émotionnelle, lui a permis de s'illustrer et de sortir du lot ainsi que des sentiers battus. Il a d'ailleurs fait des émules et de nombreux artistes, férus de chaâbi, ont choisi de suivre son style, en l'imitant parfois de manière exagérée car voulant à tout prix lui ressembler en chantant. C'est dire à quel point Guerouabi a laissé une empreinte indélébile pas seulement sur les mélomanes, mais aussi et surtout sur les artistes du chaâbi des nouvelles générations. Son propre neveu, Sid Ali Dris, est un artiste de chaâbi. Il a suivi le chemin de son oncle, en l'imitant jusque dans la mimique sur scène. Tout comme de nombreux autres mordus du chaâbi, qui se sont frayés un chemin dans ce style, en se forgeant dans l'école Guerouabienne. Car Guerouabi est devenu véritablement une école. Son autre neveu, l'écrivain Youcef Dris, lui a consacré une excellente et complète biographie, que l'artiste a eu la chance de lire et de valider de son vivant. D'autres livres sont venus plus tard revisiter la vie et l'apport de Guerouabi à la chanson chaâbie. Un apport immense faisant de lui un pilier de ce style. Un monument!