Algérie

Il nous a quittés en février 1995 Rachid Mimouni, écriture et engagement



Il nous a quittés en février 1995 Rachid Mimouni, écriture et engagement
Publié le 04.02.2024 dans le Quotidien l’Expression

Quand « Le fleuve détourné » a été publié en 1982 aux éditions Robert Laffont , Rachid Mimouni sortit de l’anonymat de manière éclatante.

Ce roman fut salué dès sa sortie, comme la révélation littéraire de l'année. Avant ce roman, devenu l'une des références de la littérature algérienne toutes générations confondues, Mimouni avait publié chez l'Enal (Entreprise nationale du Livre) un premier roman «Le printemps n'en sera que plus beau». «Une paix à vivre» parut chez l'Enal également en 1983.

La publication du roman «Tombeza»fit encore parler de Rachid Mimouni et on n'hésita pas à qualifier ce dernier d'un des meilleurs romans écrits par un auteur algérien et maghrébin de manière générale.

Le temps n'a pas démenti cette première impression puisqu'à ce jour, ce roman, autant que «Le fleuve détourné», sont devenus incontournables. Ils font partie de la crème de la littérature algérienne.

Le digne héritier de Kateb Yacine
Des critiques littéraires et des écrivains avaient vu en Rachid Mimouni le digne héritier de Kateb Yacine. L'univers romanesque de Rachid Mimouni est en effet subjuguant. De même que son imagination des plus fertiles, est tout simplement fantastique. Il y a aussi et bien sûr, le style d'écriture de Mimouni qui est d'une limpidité impressionnante alors que sa langue est tout simplement implacable. Sur le plan thématique, Rachid Mimouni a exploré l'indicible, l'interdit et le tabou. Il s'est attaqué avec témérité aux thèmes qui font peur. Il a fait des immersions dans des sujets qui fâchent. Qu'il s'agisse de la dictature, de la bureaucratie, du règne de la médiocrité ou encore de l'amour, la sexualité, il a abordé tous ces thèmes avec un talent exceptionnel et un engagement sans faille et surtout sincère.

De manière géniale, il a su plonger dans son enfance difficile pour en tirer matière à ses romans. Dans ses romans, ses nouvelles aussi (il est l'auteur de l'excellent recueil La ceinture de l'ogresse), Rachid Mimouni réussit à dépeindre tous les maux en faisant preuve d'une connexion impressionnante à la réalité.

Dans «Une peine à vivre» (à ne pas confondre avec Une paix à vivre), Rachid Mimouni parvient à décrire et à raconter l'ascension fulgurante d'un individu d'une médiocrité inouïe qui ne connait de l'école presque rien et qui n'a de niveau d'instruction que ce que les diplômes falsifiés qu'il réussit à se faire procurer, lui confèrent.

Un génie littéraire
Un roman déroutant qui a tout d'une fiction et que le lecteur n'hésitera pas à confondre avec la réalité tant le génie littéraire de Rachid Mimouni est plus particulièrement prononcé dans ce roman. Surtout en ce qui concerne l'aspect imaginatif. Dans La ceinture de l'ogresse, l'écrivain, né à Boudouaou (Boumerdès) en 1945, fait appel à Frantz Kafka et à son atmosphère frappée du sceau de l'absurde.

On regrettera d'ailleurs que Rachid Mimouni ne soit l'auteur que d'un seul recueil de nouvelles. Il aurait pu bien nous en fournir davantage si sa vie n'avait pas été écourtée cruellement par la maladie et certainement l'exil aussi. Son autre roman «L'honneur de la tribu», fait partie de ce qu'il a écrit le mieux.
C'est toute son oeuvre qui est excellente. Tout comme son engagement qui fut rare, surtout en son époque.

Aomar MOHELLEBI



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